Les libéraux, dont le visage n’en finissait plus de s’allonger le soir de l’élection partielle dans Louis-Hébert, ne s’y étaient pas trompés. La dégelée qu’ils ont encaissée dans la circonscription de la région de Québec, où le PLQ avait obtenu sa plus forte majorité à l’élection générale d’avril 2014, était bel et bien annonciatrice de jours difficiles.
Le dernier sondage Léger–Le Devoir a bien enregistré ce tournant : fort d’une avance de 5 points sur les libéraux dans l’ensemble du Québec et de 13 points sur le PQ dans l’électorat francophone, François Legault peut maintenant rêver de diriger un gouvernement majoritaire.
Certes, l’élection est encore loin. Il y a toujours le risque d’atteindre le sommet trop tôt, et les caquistes ont encore amplement le temps de se mettre les pieds dans les plats. Les 34 % d’intentions de vote dont la CAQ est créditée n’en sont pas moins l’aboutissement d’une tendance qui se maintient depuis près de six mois.
Devant ce qui ressemble à une irrésistible envie de changement, les péripéties des dernières semaines n’ont sans doute pas eu un effet significatif. Certes, le remaniement ministériel n’a pas impressionné outre mesure, la prise de contrôle de la CSeries par Airbus a porté un dur coup à l’ego national et le gouvernement s’est couvert de ridicule avec la Loi sur la neutralité religieuse. En d’autres temps, la bonne performance de l’économie aurait cependant suffi à faire digérer tout cela.
Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un parti qui a gouverné de façon presque ininterrompue depuis 15 ans n’arrive pas à incarner le renouveau, d’autant plus que le discours du premier ministre Couillard sur la « transformation » dans laquelle il prétend maintenant engager le Québec témoigne éloquemment de l’épuisement de la pensée du PLQ.
Il est beaucoup plus inquiétant pour le PQ de constater que les Québécois ne voient pas en lui un meilleur agent de changement que le PLQ. Qui plus est, François Legault est perçu — et de loin — comme un meilleur candidat au poste de premier ministre que Jean-François Lisée. Dès lors, on voit mal comment le PQ pourrait supplanter la CAQ dans l’esprit de ceux qui veulent avant tout se débarrasser des libéraux.
M. Lisée a lui-même convaincu les militants péquistes que c’était là une urgence plus grande que de tenir un référendum. Il ne devrait donc pas s’étonner de voir des électeurs souverainistes se tourner vers celui qui a les meilleures chances d’y parvenir.
D’autant plus que le chef péquiste ne leur a rien proposé de tangible pour mieux faire accepter le report du référendum. S’il devient premier ministre, il s’est au contraire engagé à ne pas utiliser les fonds publics pour faire la promotion de la souveraineté.
Il y a pourtant péril en la demeure. Avec seulement 20 % des intentions de vote, le PQ a atteint un creux historique qui l’éloigne considérablement du « chemin des victoires ». Avec un tel résultat à la prochaine élection, il remporterait à peine une quinzaine de sièges, presque exclusivement en région. Sur l’île de Montréal, il serait supplanté par Québec solidaire. Son existence même serait remise en question par de nombreux militants qui appelleraient à une sorte de refondation.
Si encourageant que puisse être le sondage Léger–Le Devoir pour la CAQ, François Legault est bien placé pour savoir que rien n’est encore acquis. La situation actuelle a même un air de déjà-vu. Au moment de sa formation, en novembre 2011, la CAQ avait atteint un sommet toujours inégalé de 35 % et le PQ, un creux de 21 %.
À l’élection de septembre 2012, le PQ avait obtenu 32 % des voix et remporté 54 circonscriptions. Avec 27 % des voix, la CAQ avait dû se contenter de 19 sièges. La différence était que QS avait recueilli seulement 6 % des voix. Même si l’effet Gabriel Nadeau-Dubois s’est essoufflé, QS double aujourd’hui ce chiffre, essentiellement aux dépens du PQ.
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