Le simplisme de la droite

La haine de l’autre ne peut engendrer que plus de haine et de malheur chez les siens. Une leçon que nous a apprise le 20e siècle, mais que manifestement les tenants d'une certaine droite n’ont pas retenue.

Chronique de Louis Lapointe

Ce qu’il y a de bien avec la droite, c’est son pragmatisme.
Elle a toujours une réponse simple aux problèmes complexes que nous vivons au quotidien. Ce que nous n’aimons pas, nous l’interdisons. Ceux que nous n'aimons pas, nous les expulsons. Ce que nous ne pouvons pas nous payer, nous nous en passons. Ceux qui nous volent, nous les jetons en prison. Ceux qui assassinent nos proches, nous les exécutons. Pour nous protéger de nos ennemis, nous levons des murs autour de nos maisons et installons des caméras là où nous nous déplaçons.
Si la droite est pragmatique, elle ne se formalise pas des nuances.
Les États-Unis sont devenus le royaume de ces idées de droite. Un des endroits de la planète où le taux de mortalité infantile est le plus élevé. Là où les plus pauvres ne peuvent pas se faire soigner. Là où les prisons pullulent et débordent. Un pays où des innocents sont jetés en prison et condamnés à mort parce qu’ils ne pouvaient pas se payer les services d’un bon avocat. Un pays où les armes achetés pour se défendre servent aussi à assassiner des innocents sur la rue, dans des restaurants, les écoles et les universités. Un pays où les inégalités sociales rendent les gens fous. Si celui qui perd tout peut recommencer à zéro, peu parmi ceux-ci réussissent vraiment à le faire.
Un pays de paradoxes.
Un pays où tout le monde a droit à son opinion, mais où seuls ceux qui en ont les moyens peuvent les affirmer. Un pays où même si la liberté est inscrite dans la constitution, on y suspend les droits démocratiques des ennemis qui ne sont pas des citoyens américains. Un pays où les chiens ont plus de droits que certains humains.
Tout serait plus vert chez nos voisins américains.
Pourtant, même si nous sommes nombreux à poser ce regard critique sur les États-Unis, nous les envions. Nous envions leurs vedettes, leur cinéma et leurs magnats. Nous aimerions être aussi riches qu'eux.
Un terreau fertile pour l'individualisme et les idées de droite.
Même si le Québec est l’endroit où il y a le moins de délinquants en Amérique du Nord, même si le modèle américain a manifestement échoué, la droite essaie de nous faire croire qu'il est le meilleur.
Même si le Québec est l’endroit en Amérique du Nord qui a le mieux franchi la dernière crise financière parce que c’est une société plus égalitaire grâce à son impôt progressif et aux filets sociaux qu’il a érigés, la droite essaie de nous convaincre que les taxes et la tarification de services, comme aux États-Unis et dans le reste du Canada, seraient des mesures plus efficaces. Que l’exigence d’une plus grande productivité ne doit pas nous empêcher de polluer, c'est-à-dire de nous empoisonner !
La droite essaie aussi de nous convaincre que les vieux doivent demeurer plus longtemps sur le marché du travail. Nous aurons tous compris qu’il s’agit des plus pauvres, de ceux qui n’auront pas droit à une retraite suffisante, ceux qui travaillent déjà au salaire minimum dans des conditions exécrables, les plus riches pouvant, quant à eux, décider de jouer aux consultants pour le gouvernement en échange de généreux émoluments. On comprend immédiatement l’empressement de Claude Castonguay à vanter les joies que procure le travail à un âge avancé.
Les jeunes hauts diplômés désespéraient déjà de ne pas pouvoir obtenir de poste de professeurs dans les universités. Les plus vieux seront désormais justifiés de continuer d’y récolter les plus gros salaires au haut des échelles tout en continuant à jouer les consultants, alors que nos jeunes cerveaux devront s’expatrier s’ils veulent travailler.
Si la droite est pragmatique, elle est aussi simpliste. Si l’idée d’un retour à la peine de mort est de plus en plus populaire au Québec, rappelons-nous que les Québécois et les Premières Nations sont les plus détestés au Canada. Deux idées, qui une fois amalgamées, ont conduit à la pendaison de nombreux patriotes comme Louis Riel et Chevalier de Lorimier. Rappelons-nous aussi que le Canada est un pays où la police peut impunément exécuter sommairement des suspects sur la place publique sans qu’ils aient eu à subir de procès, où on peut suspendre les droits démocratiques de certains citoyens sans préavis, surtout s'ils sont des indépendantistes québécois.
Si le Canada refuse de défendre les droits démocratiques d’Omar Khadr, se pourrait-il qu’un jour ou l’autre il refuse de défendre ceux de dangereux séparatistes québécois de passage en terre américaine, ceux dont les photos sont fichées à la GRC et au SCRS, ceux qui étaient à la manifestation contre le prince Charles et qui ont déjà pris des vacances à Cuba? Même s’ils n’ont pas de casier judiciaire, ne l’oublions pas, il représente la plus grande menace à la sécurité canadienne !

Voilà où mène le simplisme de la droite…
La haine de l’autre ne peut engendrer que plus de haine et de malheur chez les siens. Une leçon que nous a apprise le 20e siècle, mais que manifestement les tenants d'une certaine droite n’ont pas retenue.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2010

    Le modèle américain en arrache par les temps qui courrent. J'en ferai certainement pas l'apologie. Mais faut faire attention avant de critiquer leur système de Justice surtout par rapport au nôtre qui est nettement plus malade.
    (vous écouterez Enquête jeudi)

    On a souvent l'impression que le Québec et le Canada sont moins violents que les USA. C'est vrai pour les meurtres. Trois fois moins de meurtres au Canada per capita. Mais ce n'est pas du tout le cas pour les autres crimes. En fait, le portrait de la criminalité est nettement plus sombre au Canada.

    Vous pouvez faire le test autour de vous: combien de gens ont été cambriolés chez eux? Combien de gens connaissez-vous se sont fait voler leur auto? Leur vélo?


    BURGLARIES

    http://www.nationmaster.com/graph/cri_bur_percap-crime-burglaries-per-capita

    # 9 Canada: 8.94425 per 1,000 people
    # 17 United States: 7.09996 per 1,000 people


    CAR THIEFS

    # 7 Canada: 4.88547 per 1,000 people
    # 8 Italy: 4.19755 per 1,000 people
    # 9 United States: 3.8795 per 1,000 people
    http://www.nationmaster.com/graph/cri_car_the_percap-crime-car-thefts-per-capita


    RAPE

    # 5 Canada: 0.733089 per 1,000 people
    # 9 United States: 0.301318 per 1,000 people

    http://www.nationmaster.com/graph/cri_rap_percap-crime-rapes-per-capita



    Robberies

    11 United States: 1.38527 per 1,000 people
    22 Canada: 0.823411 per 1,000 people

    http://www.nationmaster.com/graph/cri_rob_percap-crime-robberies-per-capita


    TOTAL CRIMES

    # 8 United States: 80.0645 per 1,000 people
    # 12 Canada: 75.4921 per 1,000 people

    http://www.nationmaster.com/graph/cri_tot_cri_percap-crime-total-crimes-per-capita


    PRISONNIERS PER CAPITA

    # 1 United States: 715 per 100,000 people
    = 73 Canada: 116 per 100,000 people

    http://www.nationmaster.com/graph/cri_pri_per_cap-crime-prisoners-per-capita