«SÉNATGATE»

Le scandale ne se termine pas avec l’année 2013

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Le Sénat est devenu la fosse septique de la confédération canadienne

Ottawa — Le Sénat, qui a connu une notoriété inattendue en 2013 — mais certainement pas son heure de gloire —, continuera de faire couler de l’encre l’an prochain, à mesure que les pièces du casse-tête se mettront en place pour offrir une image plus nette du pacte conclu entre Nigel Wright et Mike Duffy.

Mais le puzzle sera-t-il assez complet pour que l’on sache avec certitude l’étendue de ce que savait Stephen Harper sur ce « cadeau » de 90 000 $ offert par son chef de cabinet d’alors au sénateur vedette qu’il avait lui-même nommé ?

N’en déplaise à Stephen Harper, le scandale ne prendra pas fin avec l’année 2013.

« M. Harper se retrouve dans une situation où son bureau est intervenu dans le sujet et, s’il faut l’en croire, il n’en savait absolument rien. Et tout l’opprobre est censé retomber sur son chef de cabinet de l’époque », note le politologue Louis Massicotte, de l’Université Laval. « Tout le monde ne sera pas convaincu par cette explication-là, et s’il y a des documents compromettants qui sont trouvés, M. Harper pourrait passer un mauvais quart d’heure. »

Et avalanche de documents de toutes sortes il y aura, ce qui pourrait bien donner le ton aux prochains chapitres de la saga Wright-Duffy.
Prochains chapitres

D’abord, la GRC se penchera en 2014 sur du matériel tout neuf et potentiellement instructif : les courriels de l’ex-conseiller juridique de Stephen Harper, Benjamin Perrin. Sa correspondance avait d’abord été déclarée détruite lors de son départ du Bureau du Conseil privé à la fin du mois de mars, mais elle a été retrouvée au début décembre et remise au corps policier. Ces courriels pourraient être éclairants, puisque M. Perrin a été l’un des premiers à apprendre que M. Wright allait rembourser M. Duffy à même ses fonds personnels.

La GRC aura d’autres courriels en guise de lecture de chevet : ceux de Mike Duffy, de l’ex-leader du gouvernement au Sénat, Marjory LeBreton, ainsi que de David Tkachuk et Carolyn Stewart Olsen, deux membres du sous-comité chargé d’analyser les dépenses des sénateurs. Elle les a réquisitionnés à la fin de l’année, devant ce qui pourrait être des contradictions entre les versions de ces sénateurs sur la controverse.

Si, à la lumière notamment de ces nouvelles sources d’information, des accusations venaient à être portées, et si un procès devait être mené, les Canadiens en apprendraient évidemment davantage. Et qui sait combien de temps pourrait alors durer cette crise embarrassante pour le cabinet du premier ministre ?

« C’est très difficile de prévoir l’avenir », a admis le leader du gouvernement au Sénat, Claude Carignan, sur la durée de la controverse. « S’il n’y a pas d’accusations, quand va-t-on réaliser qu’il n’y aura jamais d’accusations portées ? Et s’il y a des accusations, évidemment, [la crise perdurera] toute la durée du procès », a-t-il concédé.
D’autres têtes tomberont-elles?

D’autres enquêtes menées en parallèle de celle de la GRC pourraient également amener de l’eau au moulin de la controverse. Le vérificateur général se penche actuellement sur les dépenses de tous les sénateurs. Pour l’instant, la date de parution de ces audits n’a pas été fixée. Si d’autres sénateurs se font taper sur les doigts pour des dépenses injustifiées, il sera intéressant de voir si un traitement aussi dur — la suspension pure et simple de la chambre haute — leur sera administré, à l’instar de leurs trois collègues.

L’un des sénateurs qui pourraient se retrouver dans l’embarras en 2014 est le grand argentier du Parti conservateur, Irving Gerstein. La commissaire sénatoriale à l’éthique, Lyse Ricard, a été saisie à la mi-décembre d’une demande d’enquête de la libérale Céline Hervieux-Payette. M. Gerstein — mandaté par le cabinet du premier ministre — a appelé son contact Michael Runia, vérificateur senior chez Deloitte, qui s’est lui-même enquis de l’état de l’enquête sur M. Duffy auprès des vérificateurs chargés de l’audit. Mme Hervieux-Payette croit que son collègue conservateur s’est ainsi rendu coupable de trafic d’influence. La commissaire n’a pas encore indiqué si elle allait mener une enquête.

Quoi qu’il advienne, les partis de l’opposition, qui se sont délectés de la controverse au cours de la dernière année, promettent de ne pas bouder leur plaisir pour celle qui s’en vient.

Les néodémocrates de Thomas Mulcair ont posé en 2013 pas moins de 786 questions parfois très précises à Stephen Harper en Chambre sur le dossier. « Ici, on parle d’une possibilité d’actes criminels au bureau du premier ministre. Alors, vous aurez du mal à me convaincre qu’on n’a pas bien fait de poser des questions là-dessus », a expliqué M. Mulcair en conférence de presse sur son bilan de l’année.

Le chef libéral, Justin Trudeau, assure quant à lui que la controverse continuera de hanter M. Harper. « Je pense que le gouvernement espère certainement que le scandale s’atténuera, mais il espérait cela aussi l’été dernier et ce n’est pas arrivé », a-t-il souligné.

Tout cela avec pour toile de fond une décision prochaine de la Cour suprême du Canada sur la réforme de la chambre haute, et la grogne de plusieurs sénateurs conservateurs qui souhaitent désormais prendre leurs distances du cabinet du premier ministre.


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