Bill Morneau annonce une Banque de l'infrastructure du Canada

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Un tour de passe-passe fédéral

OTTAWA - Devant une économie qui a du mal à reprendre son envol, le gouvernement de Justin Trudeau mise sur un plan d'investissement à long terme en infrastructures pour sortir le Canada du marasme. Cela se fera notamment grâce à un nouvel outil - une banque d'investissements qui sollicitera l'apport du privé dans les grands projets - mais aussi par l'injection de nouveaux fonds du gouvernement.

Selon les chiffres offerts par Ottawa dans sa mise à jour économique automnale, mardi, on comprend que 31,8 milliards $ de plus seront ajoutés à la dette publique au cours des cinq prochaines années par rapport à ce que ce qui avait été initialement prévu. Sur papier toutefois, le déficit pour cette année est moindre que ce qui avait été estimé en mars dernier, soit de 25,1 milliards $ comparativement à 29,4 milliards $. C'est en réalité parce que le gouvernement puise dans son "coussin" de sécurité de 6 milliards $ qu'il avait prévu de façon récurrente.

Le déficit atteindra un sommet en 2017-2018, à 27,8 milliards $ (sans fonds de contingence de 6 milliards $), pour redescendre graduellement à 14,6 milliards $ en 2021-2022.

En point de presse, interrogé pour savoir s'il avait l'intention de revenir à l'équilibre budgétaire éventuellement, le ministre des Finances, Bill Morneau, a esquivé en signalant que sa priorité était de remettre l'économie sur les rails.

"Maintenant, notre priorité est de faire des investissements (...) pour faire croître l'économie dans l'avenir. À notre avis, ça, c'est la chose la plus importante pour les familles canadiennes", a-t-il lancé.

Banque de l'infrastructure

M. Morneau espère atteindre cet objectif notamment grâce à un nouvel outil, la "Banque de l'infrastructure du Canada", sorte de caisse de dépôt et de placement, qui permettra au privé d'investir dans les grands projets d'infrastructures au pays.

Le ministre compte révéler les modalités de cette Banque de l'infrastructure dans le budget 2017, au printemps prochain, et espère qu'elle sera mise en oeuvre au cours de cette même année. Elle aura un budget total de 35 milliards $, dont 15 milliards $ sortant directement des coffres du gouvernement. L'autre portion sera considérée comme des actifs du fédéral.

Aux yeux de M. Morneau, ces investissements "absolument significatifs" permettront au gouvernement fédéral "d'amplifier" son impact et de bâtir un "pipeline de projets". Il assure que de nombreux fonds de retraite souhaitent investir dans ce genre de projets.

Si cela fonctionnait comme prévu, le modèle selon lequel le fédéral, les provinces et les municipalités financent les projets à hauteur d'un tiers chacun serait relégué aux oubliettes. La Banque de l'infrastructure pourrait ainsi assumer 80 pour cent des frais de ces projets, alors que les trois paliers de gouvernement se partageraient le reste des coûts.

Le ministre Morneau annonce également des investissements supplémentaires en infrastructure, mais il étend son horizon de dépenses de 10 ans prévus à l'origine à 12 ans. Ainsi, un total de 32 milliards $ d'argent neuf sera injecté, pour atteindre 81 milliards $ en nouveaux projets de transport en commun, ainsi que d'infrastructure verte et sociale. Cela inclut cependant le 15 milliards $ destiné à la Banque de l'infrastructure.

Dans sa mise à jour économique, le gouvernement libéral annonce qu'il modifiera le statut du directeur parlementaire du budget (DPB) pour en faire un agent du Parlement indépendant. Cette annonce a ravi l'ex-DPB Kevin Page, qui a qualifié cela de "signal fort" et rappelé qu'il s'agissait là d'une de ses demandes de longue date.

Le fédéral modifiera par ailleurs la loi pour accorder davantage d'indépendance au statisticien en chef du Canada. Les libéraux veulent également changer les façons de faire au Bureau de régie interne, qui gère les dossiers administratifs de la Chambre, en supprimant les huis clos systématiques de ce comité.

Réactions

Tous les partis d'opposition se sont inscrits en faux contre cette mise à jour, mais pour des raisons différentes. Chez les conservateurs, on s'inquiète surtout de l'ampleur du déficit. "L'économie canadienne n'a pas créé un seul emploi additionnel à temps plein depuis l'élection de Justin Trudeau, et pourtant, les libéraux prétendent toujours qu'ils peuvent régler le problème par des dépenses", a déploré la chef intérimaire, Rona Ambrose.

Les conservateurs s'interrogent également devant la création de la Banque de l'infrastructure, rappelant qu'ils utilisaient eux-mêmes les partenariats public-privé lorsqu'ils étaient au pouvoir.

Le chef néo-démocrate Thomas Mulcair croit qu'avec cette banque, les libéraux font un "jeu de passe-passe" pour privatiser les infrastructures publiques. Il estime que ce seront les citoyens qui paieront la note avec "plus de frais d'usagers et plus de tarifs et de péages sur les autoroutes".

"Il va arriver quoi avec ces infrastructures-là si elles sont financées à 80 pour cent dans le privé? Est-ce qu'on va finir par perdre notre droit de propriété sur nos infrastructures?", s'est demandé le chef intérimaire bloquiste Rhéal Fortin. La chef du Parti vert, Elizabeth May, croit aussi que l'infrastructure doit être publique.

Ces positions tranchent avec celle du chef de la direction de la Fédération canadienne des municipalités (FCM), Brock Carlton, qui a salué tant les nouveaux investissements que la création de la Banque, qualifiant la journée "d'historique".


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