C’est un petit livre de 157 pages, publié chez parti-pris actuels, qui fait le tour de la question du gaz de schiste. Tout y est : l’historique, les informations techniques, le vol de grand chemin, la magouille politique, les impacts sur ceux qui ont le malheur d’habiter à côté d’un puits, et le mouvement populaire de ceux qui s’y opposent. Un livre de référence essentiel.
Difficile de résumer ce petit livre concis, bien écrit, et qui va au cœur des « vraies affaires ». Ne nous privons pas, toutefois, du portrait de famille libéral.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, Foisy et McEvoy nous rappellent l’importance de la création en 1969 de la Société québécoise d’initiative pétrolière (SOQUIP). Les permis d’exploration détenus par Hydro-Québec lui avaient été transférés et ceux de la multinationale Shell rachetés. Dès 1981, avec l’appui de la Caisse de Dépôt, SOQUIP achètera la société Gaz Métropolitain de Conrad Black. Puis SOQUIP créera Noverco, un holding financier pour chapeauter l’ensemble des participations de l’État dans le secteur du gaz naturel.
SOQUIP marchait dans les traces d’Hydro-Québec. On n’avait pas découvert de quantités significatives de gaz naturel à exploiter selon le mode traditionnel, mais on avait pris le contrôle du réseau de distribution.
Puis s’amorce la déconstruction. En 1996, Lucien Bouchard nomme André Caillé, directeur de Noverco et Gaz Métropolitain depuis près de 10 ans, à la tête d’Hydro-Québec. On raconte que Caillé s’est fait tirer l’oreille et les négociations entre les deux hommes ont duré 200 jours.
On se demandera par la suite si ce n’est pas Gaz Métro qui a pris le contrôle d’Hydro-Québec, six de ses anciens cadres se retrouvant à la direction d’Hydro-Québec ou de ses filiales, dont, bien entendu, Thierry Vandal, l’actuel pdg d’Hydro-Québec.
Hydro met la main sur Gaz Métro et Noverco, qui étaient les meilleurs actifs de SOQUIP, et revient dans le marché du gaz. SOQUIP, désormais une coquille vide, est transformée en filiale de la Société générale de financement (SGF).
Puis, Hydro liquide ses actifs dans Noverco et l’expertise québécoise dans le domaine du gaz commence à se dissoudre. Ne reste plus que Hydro-Québec Pétrole et Gaz, une nouvelle division d’Hydro-Québec, dont les permis d’exploration seront bientôt cédés à de jeunes compagnies privées telles que Petrolia et Gastem.
La division Hydro-Québec Pétrole et Gaz sera dissoute en 2007 par Thierry Vandal et ses droits d’exploration sur l’île d’Anticosti seront cédés à la pétrolière Pétrolia, dont Junex est un des actionnaires.
L’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) est fondée le 2 avril 2009. Elle est présidée par André Caillé, qui est alors au service de Junex, une gazière junior qui acquitte son salaire de président du lobby et qui est aussi l’unique entreprise dont les intérêts sont québécois au sein de l’APGQ.
Junex est dirigée par Jean-Yves Lavoie, un ex-ingénieur pétrolier de la SOQUIP. Son fondateur est Jacques Aubert, ex-directeur de la SOQUIP.
Le vice-président de l’APGQ est Raymond Savoie, un ancien ministre libéral des Mines sous Robert Bourassa qui administre maintenant la société gazière Gastem.
Stéphane Bertrand a été très actif dans la mise sur pied de l’APGQ. Bertrand a été le directeur de cabinet du premier ministre Charest et a dirigé, avec André Caillé, le développement de la filière des centrales au gaz en 2003-2004. À son crédit, la centrale du Suroît – qui n’a pas vue le jour – et celle de Bécancour qui nous coûte 150 à 200 millions de dollars par année, versés à TransCanada Corp., pour ne pas produire d’électricité! Stéphane Bertrand a été vice-président chez Gaz Métro et a été directeur exécutif du Conseil mondial de l’énergie.
Le successeur de Bertrand au poste de chef de cabinet de Jean Charest est Daniel Gagnier qui, douze mois après avoir quitté ce poste, se mettra au service de Talisman Energy, à titre de conseiller pour le développement de ses activités dans le gaz de schiste.
Talisman embauche, à titre de lobbyiste, François Pilote, un ami de longue date de Jean Charest. Il confiera le dossier de Talisman à Daniel Bernier, ancien chef de cabinet de Françoise Gauthier, ministre libéral du Tourisme.
Un autre important membre du personnel politique de Jean Charest, Stéphane Gosselin, passe à la direction de l’APGQ. Il a dirigé les cabinets des ministres des Ressources naturelles et du Développement économique. Le vendredi 27 août 2010, il démissionne de son poste de chef de cabinet du ministre Clément Gignac. Le lundi suivant, il prend les rênes de l’APGQ!
Il ne faut pas oublier non plus la trajectoire de Robert Tessier, un ancien mandarin du Conseil du trésor, qui a succédé à André Caillé à la direction de Gaz Metro, et qui est aujourd’hui à la direction de la Caisse de dépôt. Il était un des promoteurs de la construction de centrales au gaz et du projet de port méthanier de Rabaska.
Finalement, la boucle est bouclée quand Lucien Bouchard remplace André Caillé à la tête de l’APGQ. Les honoraires de Bouchard sont payés par l’albertaine Talisman Energy.
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