L’aut’ revue de l’actualité – 25 novembre 2011

Actualité - analyses et commentaires


Le message subliminal de la Caisse de dépôt
Le choix de dirigeants unilingues anglophones à des postes-clefs par des institutions financières comme la Caisse de dépôt et de placement et la Banque Nationale envoie le message suivant aux postulants francophones : vous aurez beau faire votre cégep en anglais, fréquenter une université anglophone, et, donc, être parfaitement bilingue, il y a quand même de bonnes chances, au bout du compte, qu’on vous préfère un unilingue anglophone!
Et ça, dans des institutions qui sont parmi les plus beaux fleurons du Québec inc.! Imaginez ce que ça doit être dans les institutions privées anglophones qui dominent encore l’économie du Québec!
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Vive l’affrontement Quebecor – Gesca/Radio-Canada !
Dans toutes les grandes démocraties, les principales fractions de la classe dominante ont leurs propres organes de presse qui soutiennent leurs partis politiques respectifs. Leurs médias fouillent dans les affaires de leurs rivaux pour nous montrer comment ils sont croches.
En lisant l’ensemble de la presse, on arrive, la plupart du temps, à se faire une idée de ce qui se passe réellement au sein de la classe dirigeante : les luttes de pouvoir, les arnaques, etc.
Au Québec, jusqu’à tout récemment, les journaux ne jouaient ce rôle qu’à moitié. Mon explication est la suivante : la classe dirigeante québécoise est tellement restreinte que ses membres n’avaient pas vraiment besoin des médias pour savoir ce qui se passait dans leur propre camp et dans le camp adverse.
Comme ils ont à peu près tous une résidence autour du lac Memphrémagog et qu’ils se fréquentent la fin de semaine, ils s’y échangeaient l’information pertinente.
En fait, on en apprenait souvent plus sur leurs relations en lisant les articles de Konrad Yakabuski, le chroniqueur du Globe and Mail, qui a couvert pendant plusieurs années les actualités québécoises. Il répondait ainsi au besoin de la classe dirigeante canadienne-anglaise de savoir ce qui se passait au Québec.
Aujourd’hui, le Québec ne présentant que peu d’intérêt pour le reste du Canada, le Globe and Mail a muté Konrad Yakabuski à Washington et ne l’a pas vraiment remplacé!
Cependant, ô surprise, une guerre ouverte s’est déclarée entre Power Corporation (Gesca/Radio-Canada) et Quebecor. Il y a eu, au départ, plein d’escarmouches, mais, depuis, on a sorti l’artillerie lourde.
L’émission Enquête de Radio-Canada nous a récemment présenté un documentaire sur l’empire Quebecor et nous avons appris que Quebecor prépare actuellement un documentaire sur Power Corporation.
Au plan politique, Power appuie toujours le Parti libéral et Quebecor fait la promotion de la CAQ de Legault. Les deux groupes ont des ramifications au niveau fédéral. Les relations historiques de Power avec le Parti libéral sont bien connues. Aujourd’hui, son chef par intérim, Bob Rae, est le frère du vice-président de Power, John Rae.
Quant à Quebecor, il marche main dans la main avec Stephen Harper, renouant, lui aussi, avec une vieille tradition, celle de l’alliance entre les conservateurs canadiens et les nationalistes québécois. Dans l’histoire récente, nous en avons eu deux moutures : l’alliance Diefenbaker-Duplessis et celle de Mulroney avec le René Lévesque du « beau risque ».
Il n’y a qu’à souhaiter que cette rivalité entre Gesca/Radio-Canada et Quebecor s’intensifie. Elle peut avoir une grande fonction éducative pour ceux et celles qui savent lire, même si c’est souvent entre les lignes.
C’est par ce moyen que les orphelins de la grande presse, c’est-à-dire la classe ouvrière et les indépendantistes, peuvent développer une compréhension du monde dans lequel ils vivent, surtout si leurs propres intellectuels les aident à le déchiffrer.
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Une alternative qui prend forme en Europe : répudier la dette!
Selon l’édition du Globe and Mail du 21 novembre, une nouvelle idée se répand en Europe, et plus particulièrement en Grèce, en Italie et en Espagne, soit celle de répudier la dette en la déclarant « illégale » ou « odieuse ».
En Irlande, c’est un député du Fine Gael, une formation de centre-droit, la plus importante au sein de la coalition qui gouverne le pays, qui l’a émise le mois dernier. Peter Matthews a rompu avec la discipline de parti lorsqu’il a demandé à la Banque centrale européenne d’effacer la dette de 75 milliards $ de son pays en la qualifiant d’« odieuse ».
En Grèce, ce sont des partis de gauche qui se font les avocats de cette proposition. Alexis Tsipras, qui dirige le parti Syriza, demande la répudiation de la dette, seule solution équitable à « l’orgie de corruption » des dernières années.
Il cite l’exemple des magouilles ayant entouré les récents Jeux Olympiques et l’achat de sous-marins, de blindés et autres armes inutiles.
L’idée a été popularisée par le film documentaire Debtocracy et le groupe belge CADTM qui a publié La Dette ou la Vie, un livre qui vient de se mériter le prix du livre politique 2011.
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Les marchés nous font bien marcher
Dans son édition du 16 novembre 2011, le journal satirique français Le Canard Enchaîné présente un autre livre fort intéressant sur le même sujet.
« Les marchés paniquent, sont rassurés, plongent, rebondissent, s’inquiètent à nouveau, bref, ils sont complètement hystériques. Mais sont-ils si fous qu’ils en ont l’air? », se demande le Canard.
Selon l’hebdomadaire français, si les marchés sont si puissants, c’est « parce qu’ils disposent d’une arme imparable : les États sont obligés de s’adresser à eux pour couvrir leur déficit ».
Le Canard rappelle qu’il n’en a pas toujours été ainsi : « Jusqu’en 1973, le Trésor public empruntait directement à la Banque de France. Mais cette année-là Pompidou (un banquier) interdit cette pratique, obligeant ainsi l’État à faire appel aux banques privées : celles-ci lui prêtent, en fixant le taux d’intérêt qui leur plaît. Depuis, tous les autres pays européens, et l’Europe elle-même, ont fait pareil. D’où cette situation grotesque : il est interdit aux États de se financer auprès de la Banque centrale européenne. Mais celle-ci peut refinancer à de très faibles taux les banques privées, lesquelles prêtent ensuite aux États à des taux nettement supérieurs! »
Cette analyse est tirée de l’ouvrage de Geoffrey Geuens, La finance imaginaire, anatomie du capitalisme : des « marchés financiers » à l’oligarchie (éditions Aden), dans lequel l’auteur nous montre les allers-retours du public au privé des dirigeants politiques « siégeant dans les conseils d’administration des trusts et des hedge funds, puis retournant dans le public prôner une meilleure gouvernance de la finance », comme l’illustrent aujourd’hui Mario Draghi, le nouveau président de la Banque centrale européenne, Mario Monti, le président désigné du Conseil italien, et Lucas Papadémos, le nouveau premier ministre grec, qui sont tous les trois d’anciens employés de Goldman Sachs!
Comme il y a encore des pans entiers des économies européennes qui n’ont pas été encore privatisées, les « marchés » n’ont pas fini de « plonger, rebondir et s’inquiéter à nouveau », imposant au passage plans de rigueur sur plans de rigueur, pour le plus grand bénéfice de ceux qui les manipulent.


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