La caricature est coiffée de ces mots : « 8 mars : Journée de "la" femme » et montre Philippe Couillard en djellaba s'apprêtant à lancer une roche à Fatima Houda-Pepin : « Bonne fête Fatima ! » dit le PM en semblant s'élancer pour viser son ancienne députée...
Le dessin a été publié la semaine dernière dans le Courrier du Sud, un hebdomadaire qui est notamment distribué à Brossard, chef-lieu de la circonscription autrefois détenue par Fatima Houda-Pepin avant qu'elle ne soit expulsée de la grande famille libérale par M. Couillard.
C'est une caricature brutale, mais totalement publiable. C'est grinçant. Dommage qu'elle soit publiée trois ans après le litige Houda-Pepin-PLQ, mais le caricaturiste a droit à ses inspirations, même décalées.
Reste que le dessin montre Philippe Couillard tentant de lapider une adversaire politique. Ce n'est pas rien. Ça décoiffe, mettons. Philippe Teisceira-Lessard, de La Presse, a décidé vendredi dernier de demander une réaction au cabinet du PM.
L'équipe de Philippe Couillard, semble-t-il, ignorait tout de cette caricature. Après en avoir pris connaissance, son bureau a donné une réaction à notre journaliste et a fait savoir sa désapprobation à Transcontinental, l'entreprise qui possède le Courrier du Sud.
Mme Houda-Pepin, parlant de cet appel du bureau du PM à Transcontinental, a parlé d'« intimidation » et « d'ingérence directe dans la liberté d'expression des médias » et a ajouté que c'est « tous les médias qui doivent être inquiétés de ça ».
Euh... Permettez, Mme Houda-Pepin, que je fasse comme vous dans le caucus libéral, quand vous en étiez, permettez que j'inscrive ma dissidence, ici...
« Intimidation », vraiment ?
Tout le monde a droit de faire savoir sa colère à l'éditeur d'un journal. L'éditeur de La Presse reçoit chaque semaine des appels courroucés de ministres, de maires et de PDG à propos des enquêtes et opinions publiées dans nos pages. Idem au Devoir, au Journal de Montréal.
L'intimidation, ça commence quand on promet une mesure de rétorsion pour avoir publié quelque chose. Retirer de la pub. Refuser des entrevues ultérieures. Couler des scoops à la concurrence. Lancer une poursuite. Ce genre de menaces... Auxquelles il faut savoir résister.
Rien ne prouve que le bureau du PM ait menacé Transcontinental de quoi que ce soit. Si c'est le cas, que Transcontinental le dise haut et fort. Mais un appel pour exprimer une réprobation ne constitue pas une preuve d'« intimidation » d'un média. Ce n'est pas non plus une preuve d'« ingérence directe » dans la liberté de la presse.
Ce que cette histoire prouve, cependant, c'est que Transcontinental est d'abord un imprimeur, ensuite un distributeur de Publisac qui contiennent les rabais de la semaine dans les épiceries et ensuite, accessoirement, si ça adonne, puisqu'il le faut, la semaine des quatre jeudis, une entreprise qui aspire à faire de l'information sérieusement. Je parle des hebdos, ici, Les Affaires et Métro transcendent l'ambition journalistique de type Publisac.
Je cite la directrice des communications Karine Chartrand, en entrevue avec La Presse : « On a été informés en toute fin de journée vendredi par le bureau du premier ministre. C'était à titre informatif, comme quoi il y avait eu cette caricature qui avait été publiée et puis qu'elle était de mauvais goût. Et honnêtement, on partageait la même opinion, quand on en a pris connaissance. C'était une caricature déplacée, inappropriée. »
Ça, c'est une déclaration typique d'une entreprise qui se fiche complètement de l'information et du journalisme. Une entreprise qui prouve qu'elle traite ses journaux hebdomadaires comme du stock pour épaissir ses Publisac.
Il y a un moment pour juger de la valeur d'une caricature : AVANT sa publication. Ça s'appelle le jugement éditorial. En information, c'est l'enfance de l'art. Mais APRÈS la publication d'une caricature, d'une enquête, d'une chronique : tu vis avec.
Sinon, ça veut dire que tu publies n'importe quoi, sans trop regarder, sans t'attarder aux détails, sans jauger de la pertinence du contenu.
Quand tu désavoues une caricature que tu as choisi de publier quelques jours avant, ça prouve qu'en amont, avant la publication, tu fais ça par-dessus la jambe.
Après la publication d'une enquête, d'une chronique, d'un article, tu peux faire un rectificatif, même te rétracter. Il peut arriver que malgré toutes les précautions, des détails aient échappé aux journalistes et à ceux qui éditent leurs textes. Mais dans le cas d'une caricature montrant Philippe Couillard s'apprêtant à lapider Fatima Houda-Pepin ? Non. Tout ce qu'il y a à savoir est là, dans le cadre. Il faut jauger AVANT de publier.
Le scandale ici, c'est que Transcontinental se soit écrasée sur un simple appel téléphonique. Le scandale, c'est que Transcontinental ait désavoué la décision journalistique parfaitement légitime de l'équipe du Courrier du Sud, soit de publier cette caricature.
Ce n'est pas la première fois que Transcontinental s'écrase. En 2010, quand Gilles Vaillancourt était encore roi et maître à Laval, Transcontinental a réaffecté un journaliste qui, comme par hasard, déplaisait à l'administration Vaillancourt. Le syndicat a gagné un grief déposé par son journaliste (1).
Alors, désolé tout le monde, je sais que la trame narrative « LE BUREAU DU PM INTIMIDE UN MÉDIA !!! » est irrésistible et séduisante, mais je n'y crois pas, avec les faits qui sont du domaine public.
La nouvelle, ici, c'est que Transcontinental a eu peur d'avoir peur. La preuve, ils ont retiré la caricature du site web, ce qui n'a fait que donner une immense notoriété au dessin en plus de lui donner un retentissement inespéré. Quand tu ne sais pas gérer de l'information, c'est exactement ce que tu fais. Mais je dois dire que les circulaires de supermarchés de Transcon sont impeccablement imprimées, par contre, là-dessus, rien à redire, dignes d'un Pulitzer.
FONCTIONNAIRES FANTÔMES
Éric Caire, de la Coalition avenir Québec, a interpellé le président du Conseil du trésor Pierre Moreau au sujet des fonctionnaires fantômes, hier à l'Assemblée nationale. Ça faisait suite à ma chronique d'hier : un de ces fonctionnaires à qui on ne donne pas de travail m'a raconté sa vie de désoeuvrement à 130 000 $ par année.
M. Moreau a fait demander aux sous-ministres qu'on lui fasse un rapport urgent sur ces fonctionnaires qui ne travaillent pas.
C'est bien. Le hic, c'est qu'officiellement, ces fonctionnaires travaillent. La preuve, ils ont un bureau, une description de tâches, un courriel, ils vont dans des réunions. Les Ressources humaines savent qui ils sont. J'ajouterais que dans les cas des fonctionnaires-gestionnaires, les sous-ministres aussi, le savent... Très bien.
Bien sûr, les sous-ministres pourraient faire la liste de ces employés qu'on a mis sur une tablette.
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