Le retour du kirpan

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Tiens, les sikhs remettent ça! Encouragés par la décision d'Ottawa d'autoriser le port du kirpan dans les ambassades canadiennes à l'étranger, deux de leurs porte-parole veulent contester devant les tribunaux l'interdiction qui leur a été faite en 2011 d'entrer à l'Assemblée nationale avec ce sabre.
Inutile de regretter l'abandon de la Charte de la laïcité. Cette affaire de kirpan n'a rien à y voir.
D'une part, même si la Charte avait été adoptée, elle ne s'appliquerait pas aux membres de la diplomatie fédérale.
D'autre part, il est question ici non pas d'un signe religieux analogue à la kippa ou au voile, mais d'un sabre: un objet potentiellement dangereux qui, de toute façon, serait interdit par la sécurité des lignes aériennes et dans tous les endroits publics à travers le monde où l'on doit passer par un détecteur de métal (les grands musées, par exemple, ou les édifices à caractère politique).
Pour moi, comme pour tous ceux qui se sont opposés à la Charte et qui, aujourd'hui, se réjouissent de sa disparition, le turban sikh peut être accepté au même titre que la kippa ou le foulard islamique, sauf quand il porte atteinte aux règles de sécurité (dans les chantiers par exemple, si le turban empêche le port d'un casque de sécurité).
Le kirpan, au contraire, est un sabre qui peut servir d'arme offensive, comme cela s'est déjà produit en Ontario. C'est pourquoi j'étais opposée à la décision aberrante de la Cour suprême, qui l'a autorisé en 2006 dans les écoles à la suite d'une longue bataille juridique dont le héros, un enfant de 12 ans, avait été honteusement utilisé par son père comme porte-étendard.
La règle devrait pourtant être simple: pas de couteau dans les écoles, pas de couteau dans les avions, pas de couteaux dans les lieux, comme le parlement, qui peuvent attirer des fanatiques ou constituer un terrain propice à l'éclosion de crises schizophréniques violentes comme celle qui vient de provoquer l'horrible carnage de Calgary.
Les contestataires sikhs disent espérer que le nouveau gouvernement Couillard règlera le litige à l'amiable. Ce dernier aurait bien tort de le faire. L'Assemblée nationale a parfaitement le droit de se donner ses propres règles d'accès, même si les institutions fédérales autorisent l'entrée des kirpans.
Dans une démarche lénifiante bien dans la tradition du «political correctness» canadien, Ottawa a emprunté à la Cour suprême une solution de compromis. Le kirpan des membres du personnel diplomatique devra être placé dans un fourreau porté sous les vêtements, et son propriétaire devra prouver que cela s'inscrit dans «une croyance sincère», en portant les quatre autres éléments du sikhisme: bracelet, turban, peigne et caleçon spécifique.
On est ici dans le grotesque absolu. Comme l'a dit un lecteur, «Trudeau a sorti l'État des chambres à coucher, Harper le fait entrer dans les culottes de ses fonctionnaires!»
Cette notion subjective de «croyance sincère», issue d'un précédent jugement de la Cour suprême qui permet à une femme de témoigner le visage masqué (une autre décision insensée) constitue une atteinte inacceptable à l'objectivité qui devrait primer dans un État de droit. Ni les juges ni l'État n'ont à statuer sur les sentiments des citoyens et à jauger de leur «sincérité». En démocratie, on juge l'acte, pas la motivation.
Le gouvernement Couillard devrait maintenir sans états d'âme la loi de 2011 interdisant le kirpan, même s'il risque d'être éventuellement débouté par les tribunaux. Qui dit d'ailleurs que d'ici là, avec la nomination de nouveaux juges, la Cour suprême ne reviendra pas à une approche plus équilibrée?


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