Ce matin, j’ai comme l’impression de revivre une vieille page de
l’histoire du Parti québécois. De revoir un vieux film des années 1976. Et
comme les péquistes sont amnésiques et obnubilés par les beaux discours de
leurs dirigeants, détachés de grands pans de leur histoire, j’ai pensé leur
en rappeler quelques-uns.
En 1970, le Parti québécois participait à sa première élection. Candidat
dans la circonscription de Matane, je me suis fais un devoir de visiter
toutes les paroisses de mon vaste comté. Mon message était sans équivoque.
Un vote pour le parti était un vote en faveur de l’indépendance du Québec.
Advenant la prise du pouvoir par le PQ, avec un pluralité de voix et de
sièges, le nouveau gouvernement indépendantiste recevait un mandat des
électeurs de mettre en branle le processus menant le Québec à son
indépendance. C’était clair comme l’eau de roche qui coulait sur les terres
de mon père. Résultat de l’élection du 29 avril: 24 % des électeurs se
prononçaient en faveur de la thèse péquiste et faisaient élire les sept
premiers députés indépendantistes à l’Assemblée nationale de Québec.
En 1973, le Parti québécois participait à son deuxième scrutin. Candidat
pour une deuxième fois dans la circonscription de Matane, j’adoptai le même
discours qu’en 1970. Un vote en faveur du Parti québécois était un vote en
faveur de l’indépendance du Québec. Advenant la prise du pouvoir par le
Parti québécois, avec un pluralité des voix et des sièges, le gouvernement
indépendantiste nouvellement élu, mettrait en branle le processus menant la
Québec à son indépendance. Pendant la courte campagne que je menai, je fis
29 discours en 21 jours sur la nécessité et l’urgence de réaliser la
souveraineté nationale. Le PQ atteignit 30 % du vote populaire dans
l’ensemble du Québec, mais ne fit élire que six députés. Dans ma
circonscription, j’obtins 7452 voix, soit 36,58 % des suffrages exprimés
et je ne fus pas élu. Note intéressante. 34 ans plus tard, le député
péquiste élu dans Matane à l’élection de mars 2007 a obtenu 7 830 voix,
soit 39,10 % des suffrages exprimés et une majorité de 213 voix sur la
libérale Nancy Charest. Calcul fait, ça fait une augmentation de 6 voix par
année. Tout un progrès !
L’arrivée de Claude Morin allait bousiller la trajectoire suivie depuis
les six dernières années. Au congrès de Québec (Patro Roc Amadour) en 1974,
celui-ci allait faire introduire l’idée d’un référendum pendant le premier
mandat d’un gouvernement péquiste. Étant sur place, j’ai pu voir jusqu’à
quel point notre parti était entre les mains d’une clique qui le contrôlait
déjà. La démarche approuvée jusque-là d’une élection référendaire fut mise
de côté au profit d’un hypothétique référendum portant sur je ne sais quoi.
L’affaire fut classée durant la période du dîner alors que bien des
délégués étaient partis prendre le repas du midi. Les choses sérieuses, au
PQ, ça se décide en vitesse, en l’absence des intéressés.
René Lévesque changea son «look» de bagarreur en celui d’homme d’État, un
peu mielleux, très rassurant. Pour vous en convaincre, - ceux qui les ont
encore peuvent vérifier – allez voir les posters de René Lévesque aux
élections de 1970 et 1973 et celui, moult fois retouché, de l’élection de
1976. La veille du 15 novembre 1976, tous les électeurs du Québec reçurent
dans leur boîte postale un petit carton, grandeur carte postale. De
mémoire, je vous dis ce qu’on pouvait y lire : Demain, on vote pour un bon
gouvernement; plus tard, au cours du mandat, on se prononcera sur l’avenir
du Québec. Pendant plus de six ans, les dirigeants de notre parti nous
avaient ordonné de dire sans cesse à la population qu’on ne pouvait pas
être un «bon gouvernement » dans le régime fédéral et qu’il fallait sortir
de cette maison de fous. Ce n’était pas vrai. Lévesque et les autres,
quelques mois avant le scrutin de 1976, commencèrent à claironner le
contraire. Les opportunistes n’étaient pas loin. Le goût du pouvoir
l’emporta sur le goût du Québec, tel que le voulait le cher et regretté
Camille Laurin.
Chacun connaît la suite de l’histoire. Le PQ fut élu avec une forte
majorité. Le PQ, en 1976, donna au Québec le meilleur gouvernement depuis
la Confédération. Puis, quatre ans plus tard, le PQ perdit largement le
référendum de 1980 qui ne porta pas sur l’indépendance du Québec, mais sur
le renouvellement de la Confédération. Idem en 1995.
Ce matin, Pauline Marois affirme «qu'elle a senti un certain soulagement
chez les militants souverainistes depuis qu'elle a annoncé la mise sur la
glace de l'échéancier référendaire. » Elle ajoute même qu’elle ne craint
pas la démobilisation des troupes. Et elle dit cela avec le plus sérieux du
monde. La chère Pauline vient de dire sur les clips de presse que l’article
I du programme de son parti est maintenant biffé et elle en ressent un
grand soulagement. Je vous autorise à rire…ou à pleurer!
René Lévesque voulait donner au Québec un bon gouvernement. En cela, il a
tenu parole. Il avait promis un référendum sur je ne sais pas trop quoi. Il
a tenu parole et il l’a perdu.
Pauline Marois se fait élire dans Charlevoix en ne disant rien sur
l’avenir du Québec. Elle joue dans une partielle, dit-elle…Elle ne se
prononce sur rien d’autre que sur des enjeux locaux. Elle ne dit rien sur
l’avenir du peuple Québécois. Elle se sent soulagé de faire moins que René
Lévesque. Elle abandonne un rendez-vous historique possible. Elle laisse
flotter les choses. Elle sourit. Elle détourne le sujet. Elle verra. Elle
attendra. Elle veut parler du pays à faire mais ne dit pas comment et
pourquoi déjà il faut le faire. Et quand va commencer l’opération. Elle
vient de convertir le PQ en Union nationale II et personne ne regimbe.
C’est que ce peuple doit être bien endormi ou à l’agonie.
Je lance un cri d’alarme comme j’ai lancé «une alerte rouge» lors de
l’élection à la chefferie d’André Boisclair. Il faut que les
indépendantistes – combien sont-ils ? – se regroupent ailleurs et désertent
au plus vite ce bateau qui prend l’eau. Le PQ avait été créé pour faire
autre chose. Il fait maintenant comme tout le monde : il espère à nouveau
prendre le pouvoir en oubliant qu’il avait été créé pour faire autre chose
et faire autrement. Au pouvoir, il trouvera bien un moyen conjoncturel pour
oublier ce qu’il avait promis de faire : parler du pays qui reste à faire.
Le jeune député de Matane m’avait promis de réformer son parti et de le
réaligner. J’espère bien, que devant l’impossibilité de le faire, il
quittera cette barque ballotée par tous les vents, et viendra voguer
autrement vers le pays qu’il dit avoir au fond du cœur. Sinon, je serai
bien obligé de croire qu’il a préféré se taire en faisant accroire à tout
le monde qu’il est toujours souverainiste mais dans un parti qui s’en
éloigne constamment. Et pour éviter tout équivoque à ce sujet, il y aura,
lors du prochain scrutin général, un candidat du PI qui lui fera la lutte.
En espérant que tous les comtés en fassent autant. Un seul député
indépendantiste élu la prochaine fois pourrait fort bien remplacer les
attentistes qui siègent dans le deuxième groupe d’opposition.
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8 commentaires
Archives de Vigile Répondre
26 septembre 2007Monsieur Schinck,
JE l'ai fait en 2003. Je me suis présenté comme indépendantiste. Et en 15 jours de campagne, je n'ai fait qu'une chose: entretenir mes concitoyens de la nécessité de faire l'indépendance du Québec. Ce que le candidat du PQ n'a pas fait à l'époque. Ce qu'il n'a guère fait à l'élection du printemps dernier.
En mars 2007, lors de l'élection générale, j'avais pensé refaire le même geste qu'en 2003... Pour la prochaine fois, je dois vous dire que j'y pense sérieusement.
Nestor Turcotte
Maxime Schinck Répondre
26 septembre 2007Bonjour Monsieur Turcotte,
Je me demandais si vous envisagiez de vous présenter pour le PI dans Matane lors de la prochaine élection générale.
Merci,
Archives de Vigile Répondre
25 septembre 2007M. Turcotte, voici ce qui sort aujourd'hui dans un de nos journaux nationaux : «Selon CROP, le parti de Jean Charest ne peut désormais compter sur l’appui aux urnes que de 15 % des francophones, tandis que les péquistes et les adéquistes se disputent chaudement cette part déterminante de l’électorat avec respectivement 36 et 37 % des intentions de vote.» Il faut ajouter qu'il y a ACTUELLEMENT 41 % de Québécois en faveur de la souveraineté. Il manque donc environ 10 % pour gagner un référendum mais comment convertir ce 10 % de fédéralistes en souverainistes vu que ce sont probablement assez irréductibles ?
L'élection de l'ADQ me semble la seule chance vers la souveraineté. Son programme d'autonomie du Québec a besoin de l'accord du fédéral pour une partie importante comme la collection par Québec de tous les impôts et taxes sur son territoire dont il leur remettrait ce qu'il trouverait équitable pour services rendu. Si le fédéral accepte cette condition là et les autres, adieu la souveraineté du Québec pour longtemps mais s'il refuse, comme c,est probable, et ferme ainsi la porte sur les doigts de l'ADQ et du Québec, le 10 % de souverainisme manquant chez les québécois flexibles de la constitution devrait durcir at...BINGO, L'AFFAIRE SERAIT DANS LE SAC pour le PQ qui en profiterait pour mousser l'idée de souveraineté.
Si c'est le PQ qui gagne la prochaine élection, il devra pactiser avec le fédéral, en tentant d'améliorer la place du Québec dans la fédération et se discréditer à jouer le jeu du fédéralisme "contraire à son objectif d'autonomie" ce qui serait bon pour un nombre de souverainistes carriéristes mais pas pour le projet de souveraineté du Québec.
Ça me semble si clair que plus d'explications me semble assez inutile.
Archives de Vigile Répondre
25 septembre 2007Monsieur Bousquet,
Je ne sais pas votre âge. J'ai connu le PQ, à son origine. J'ai connu ensuite les tractations de ce parti. J'ai vu comment il a dévié de l'objectif. Comment les apparatchiks ont pris le contrôle du parti en vue du pouvoir.
A voir aller les choses, j'ai la certitude que le même jeu recommence. Je n'ai pas envie de refaire ce chemin sans issu. Il faut fermer les livres et s'assimiler ou reprendre la route avec un autre moyen.
Le PI est une suggestion. Il peut y en avoir d'autres. J'aurais préféré un MOUVEMENT indépendantiste plus qu'un parti. Un parti, à moins d'avoir des gens solides et constants à la tête, a toujours tendance à dévier de son objectif.
Nestor Turcotte
Archives de Vigile Répondre
25 septembre 2007M. Turcotte,
Mme Marois a parlé de 10 ans si nécessaire mais ce ne devrait pas être nécessairement 10 ans. C'est vrai qu'elle aura 69 ans dans 10 ans mais c'est plus jeune que le pape ça.
Est-ce que le PI pense réussir à faire l'indépendance en 2 ans ?
Faudra bien attendre qu'il y ait plus que 50 % de souverainistes québécois avant de déclarer la souveraineté du Québec pour les attentistes et pour les autres plus pressés, ça n'arrivera pas plus vite à Montréal ou à Matane.
Archives de Vigile Répondre
25 septembre 2007Vous avez bien compris. Jadis on parlait des indépendantistes. Maintenant, on a les attentistes.
Fusionner les deux mots et vous avez les indépenattentistes. Dans dix ans, Marois aura 69 ans. Et elle aura quitté le PQ depuis longtemps puisqu'elle aura enterré son propre parti.
On ne fait pas avancer une cause en utilisant la méthode que Marois veut utiliser. Le bingo risque de ne jamais se produire. Le pouvoir, comme c'est attrayant.
Nestor Turcotte -Matane
Archives de Vigile Répondre
25 septembre 2007M. Turcotte,
Mon nom n'apparait pas pour identifier mon message adressé à m. Turcotte de Matane.
Peut-être un oubli de ma part ?
Gilles Bousquet
Archives de Vigile Répondre
25 septembre 2007M. Turcotte de Matane,
Je vois que vous avez de la suite dans les idées monsieur, principalement dans celle qui veut que la PQ ne soit pas ou plus souverainiste. Mme Marois a bien dit qu'elle va commencer par souligner les avantages de la souveraineté aux Québécois. Quand elle va juger qu'il y en a en a un assez grand nombre de convertis, BINGO ! la référendum d'ici 10 ans.
Je ne vois pas trop de problèmes dans ça sauf si le PQ prend le pouvoir et qu'il s'incruste là comme le Bloc à Ottawa qui cherche à améliorer la fédération canadienne pour le Québec, ce qui tend à amollir la partie souverainiste du nationaliste québécois moyen.
Autrment dit : Le pied sur le frein tant que le souverainisme est minoritaire au Québec et le pied sur l'accélérateur si ou quand il va y en avoir suffisamment.