Dans son livre sur le projet Saint-Laurent, publié en octobre 2013, François Legault expliquait vouloir proposer à Ottawa et aux autres provinces un « compromis historique » qui s’inspirerait de la « souveraineté culturelle » de Robert Bourassa.
« Je compte me réclamer de cette tradition et du consensus des Québécois sur cette question pour demander au gouvernement fédéral un élargissement significatif des responsabilités du Québec en matière de langue et de promotion de sa culture. Une proposition concrète sera déposée en ce sens lors des prochaines élections », écrivait le chef de la CAQ. Curieusement, il n’en a jamais parlé durant la campagne électorale, préférant mettre l’accent sur l’assainissement des finances publiques et la défense du contribuable.
Il était revenu à la charge lors du congrès de la CAQ tenu en octobre 2014, réclamant « les pleins pouvoirs en matière de langue et d’immigration ». Là encore, il a semblé se désintéresser du dossier constitutionnel aussitôt le congrès terminé.
Voilà maintenant que M. Legault promet pour le début de novembre une proposition détaillée qu’il souhaite voir remplacer la Constitution qui a été imposée au Québec en 1982. L’automne 2015 marquera un « tournant » pour le nationalisme québécois, a-t-il déclaré mercredi à l’issue du caucus des députés de son parti. Tans mieux si cette fois-ci est la bonne, mais force est de constater que M. Legault a pratiqué le nationalisme en dilettante depuis son départ du PQ.
Ce n’est pas la première fois qu’il décrète la fin de la polarisation autour de la question nationale. L’automne dernier, tirant les leçons de l’élection du printemps précédent, il avait déclaré : « Les Québécois ne veulent plus que le paysage politique soit dominé par la division entre souverainistes et fédéralistes. C’est quelque chose de fondamental qui s’est passé. C’est la fin d’une époque. Et surtout, c’est le temps de passer à autre chose. »
Le chef de la CAQ était tellement sûr de son fait qu’il laissait déjà entendre que le jour viendrait peut-être où un gouvernement caquiste apposerait sa signature au bas de la Constitution de 1982. L’entrée en scène spectaculaire de Pierre Karl Péladeau avait pourtant donné à l’élection un caractère nettement référendaire. Qui plus est, au moment où M. Legault annonçait ce grand changement de paradigmes du débat politique québécois, M. Péladeau apparaissait déjà comme le successeur probable de Pauline Marois et personne ne pouvait douter de son objectif.
Non seulement le nouveau chef du PQ semble vouloir plonger le Québec dans une sorte de campagne référendaire permanente, mais il est tout aussi clair que le premier ministre Couillard ne demande pas mieux. La CAQ aura beau définir son option plus clairement, rien n’assure qu’elle réussira à se faire entendre, mais continuer à n’être qu’une copie légèrement modifiée du PLQ est le chemin le plus sûr vers la marginalisation définitive.
M. Legault s’est peut-être laissé entraîner plus loin qu’il n’aurait voulu en déclarant qu’une éventuelle entente serait soumise à un référendum. M. Couillard ne manquera certainement pas de dire que le chef de la CAQ succombe à son tour à la fièvre référendaire.
Il y a encore très loin de la coupe aux lèvres, mais la possibilité d’une victoire du NPD le 19 octobre prochain n’est pas étrangère à l’initiative de M. Legault. À la CAQ, on a relu attentivement la déclaration de Sherbrooke, que Thomas Mulcair a confirmé être toujours sa politique en matière de Constitution. Si on en a surtout retenu qu’un gouvernement néodémocrate reconnaîtrait la validité d’une victoire du Oui avec 50 % des voix plus une, la Déclaration constitue aussi une adhésion non équivoque au principe de l’asymétrie, qui est à la base de toutes les revendications constitutionnelles du Québec depuis plus d’un demi-siècle.
Certes, même si le débat sur le Sénat, que le NPD et la CAQ souhaitent tous deux abolir, conduisait à une nouvelle ronde de négociations, rien n’assure que les demandes du Québec seraient automatiquement agréées. L’échec des accords de Meech et de Charlottetown démontre bien qu’une entente entre Québec et Ottawa ne constitue pas une garantie de succès.
M. Legault peut toujours récuser l’étiquette de fédéraliste, mais il demeure que ses demandes, comme celles que pourrait éventuellement formuler le gouvernement Couillard, s’inscrivent dans le cadre canadien et devront nécessairement être approuvées par le reste du pays qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas très enthousiaste. Alors que la réalisation de la souveraineté dépend uniquement de la volonté des Québécois, le fédéralisme ne peut être renouvelé sans le bon vouloir des Canadiens. Que ferait M. Legault si ses demandes étaient rejetées ?
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