LA VENTE DE STANDARD LIFE À MANUVIE SÈME L’INQUIÉTUDE

Le Québec serait menacé de « désertification financière »

Les acteurs du milieu de la finance ne partagent pas tous ce sombre pronostic

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Manuvie respectera-t-elle sa parole de maintenir l’expertise québécoise en place?

L’importante transaction faisant passer les activités canadiennes de l’écossaise Standard Life entre les mains de la torontoise Manuvie divise les observateurs du monde la finance. Certains déplorent la perte d’une institution bien implantée au Québec, tandis que d’autres, y compris le ministre des Finances, ont bon espoir de voir les postes décisionnels et l’expertise québécoise demeurer dans la province.

Un acteur du secteur financier qui a requis l’anonymat a accueilli l’acquisition des activités canadiennes de Standard Life comme une douche froide. Même si elle était de propriété écossaise, la filiale canadienne de cette société était dirigée localement. Il s’agit donc de la perte d’une importante institution, mais surtout du symptôme de la « désertification financière » du Québec, nous dit-on.

Le directeur général de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP), Michel Nadeau, s’est lui aussi inquiété mercredi de la perte d’une importante expertise développée au Québec dans le monde de l’assurance. Il a dit espérer que le gouvernement québécois demande à Manuvie de s’engager par écrit à conserver au moins le même nombre de postes de cadres décisionnels à Montréal, soit environ 300. La filière canadienne de Standard Life compte environ 2000 employés au total, dont quelque 1600 à Montréal.

La Financière Manuvie, dont le siège social est situé à Toronto, a annoncé mercredi la conclusion d’une entente pour acquérir les activités canadiennes de Standard Life, une transaction s’élevant à quatre milliards de dollars. La Caisse de dépôt et placement du Québec a du même coup investi 500 millions en capital-actions dans Corporation Financière Manuvie pour contribuer au financement de l’acquisition, faisant ainsi passer sa participation totale à plus de 1 milliard de dollars. Standard Life, une société basée à Édimbourg, avait décidé plus tôt cette année de mettre en vente ses activités canadiennes.

Montréal comme tremplin

« Je pense que c’est plus intéressant pour l’avenir d’appartenir à un Canadien qui investit et qui veut grandir que d’appartenir à un Écossais qui avait comme stratégie de laisser aller la filiale », a pour sa part réagi Éric Lemieux, le directeur général de Finance Montréal, dont la mission est notamment de stimuler la croissance des activités financières au Québec. Il est convaincu que Manuvie respectera sa parole en maintenant l’expertise québécoise en place. « J’y crois, parce que tu ne paies pas ce prix-là pour défaire l’entreprise et l’intégrer dans tes autres affaires. Tu paies ce montant-là pour pouvoir te servir d’une expertise, d’un tremplin, et amener ton entreprise plus loin », juge-t-il. À son avis, Manuvie participera au développement de la place financière montréalaise comme le font déjà plusieurs autres entreprises.

De son côté, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, n’a pas voulu se prononcer sur le rôle qu’il pourrait jouer dans le maintien de postes décisionnels au Québec. Plus optimiste, il salue la volonté exprimée par Manuvie de développer certaines activités en s’appuyant sur l’expertise des employés actuels de Standard Life. « Il faut accueillir positivement un investissement de cette ampleur d’une grande entreprise canadienne dans le domaine des services financiers à Montréal. Cela démontre que Montréal dispose d’atouts importants afin d’attirer une entreprise désireuse d’accroître ses services non seulement au Québec, mais aussi à l’international », a répondu par courriel son attachée de presse Andrée-Lyne Hallé.

Dans le communiqué rendant publique son acquisition de Standard Life Canada, Manuvie s’est montrée rassurante, en précisant que « la très grande majorité des emplois au Québec seront maintenus » et que « l’effectif québécois sera plus élevé que celui de la Standard Life à l’heure actuelle ». La société entend conserver au Québec des postes de direction dans tous les secteurs de ses activités et espère ajouter une équipe de haute direction québécoise qui participera à la prise de décisions touchant le Québec et l’ensemble du Canada.

Michel Nadeau, de l’IGOPP, a aussitôt mis en doute cette affirmation en rappelant le cas de la Sun Life, qui s’était engagée dans les années 1970 à maintenir ses activités canadiennes à Montréal pour ensuite les rapatrier à Toronto. La présidente de la Financière Sun Life, Isabelle Hudon, n’est toutefois pas de cet avis. « Nous comptons aujourd’hui sur une équipe de direction du Québec particulièrement solide et les postes de décision basés à Montréal, dans des rôles spécifiques au Québec autant que dans des responsabilités pancanadiennes, croissent de manière fulgurante — plus de 65 % en l’espace de trois ans », a-t-elle écrit au Devoir. Elle affirme qu’à son arrivée à la tête de l’entreprise en 2010, le bureau de Montréal comptait plus d’employés qu’à la veille du déménagement survenu en 1978.


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