Ottawa se prépare

Le Québec en danger

Une nouvelle alliance réactionnaire

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Tribune libre

Les impacts économiques et  chiffrés de la pandémie liée au coronavirus font peu à peu surface.  À la fin du mois d’avril au Québec, le chômage (actif et inactif) s’établissait à plus de 24% et, avec l’ajout des travailleurs autonomes et des propriétaires de PME qui constituent plus de 90% des entreprises au Québec, plus de 35% de chômage au total; ce qui est du jamais vu.  Plus de 95% de ces chômeurs sont du secteur privé; essentiellement des fonctionnaires dont les contrats venaient à échéance le 31 mars 2020 complète la liste.


Le Ministre Girard anticipe un déficit d’au moins 10 à 15 milliards pour l’année 2020-2021 qui se termine au 31 mars 2021. De plus, d’après ses prévisions, le Québec  ne pourra retourner à l’équilibre budgétaire avant au moins 3 ans, si ce n’est 5 ans.  Globalement, les pertes salariales du secteur privé seront importantes : Au moins 15% en 2020, 5% en 2021 et, possiblement un rattrapage en 2022. Tout ceci contraste avec les demandes salariales du secteur public qui se situent aux environs de 12% d’augmentation sur 3 ans; ces salariés n’ayant subi aucun impact monétaire de cette pandémie.


Beaucoup de voix s’élèvent pour affirmer que la santé humaine doit primer sur les profits et que tout déconfinement doit être effectué avec le  minimum de risques et se faire en accord avec la « science »; en d’autres mots, un chômage à plus de 35%, des pertes salariales immenses avec le cortège de faillites qui s’ensuit, un déficit gouvernemental vertigineux, etc. seraient éminemment secondaires.  Certains diront qu’après tout un déficit ce n’est pas la fin du monde et qu’aux gros maux, il faut apporter les grands moyens.  Toutefois, la donne a changé : Le déficit du Québec est maintenant politique et son accroissement affaiblit le Québec.  Voyons-y.


Notre damoiseau en chef, Justin Trudeau, vient de découvrir les joies de l’assouplissement monétaire (« QE ») à grande échelle : Un premier « effort » de 200 milliards de $ est consenti, entre autres, pour venir à la rescousse de provinces en faillites que vous devinez, soit l’Alberta et Terre-Neuve.  À court terme, c’est 174 milliards de $ en liquidités qui seront injectés, dont la répartition exacte demeure confidentielle étant donné la mainmise de la Banque du Canada. 


Quelles en seront les contreparties provinciales et, s’il y a lieu, les tractations avec le Québec ?  Est-ce qu’Ottawa fait un constat réaliste du Canada ?


Le gouvernement fédéral sait très bien qu’avec la troisième fermeture en moins de 18 mois d’une usine automobile (Ford en Ontario en début d’année), le secteur manufacturier ontarien périclite et disparaîtra à moyen terme; c’était la vache à lait par excellence du Canada depuis 50 ans.  De plus, la plupart des grands joueurs pétroliers abandonnent les sables bitumineux et c’est sans compter les prévisions sombres pour les cours pétroliers à moyen terme.


 À cela s’ajoute, comble de malheur, la guerre commerciale USA-Chine où cette dernière a accepté d’acheter des dizaines de milliards de $ de produits agricoles américains au détriment du Canada; la Saskatchewan et le Manitoba devenant incapables d’écouler leurs productions de céréales, dont le canola, le soya, etc.  L’affaire Huawei coûte déjà très cher au Canada.


Le Canada doit donc se transformer et il dispose encore d’une bonne marge d’endettement malgré la pandémie actuelle.  Habituellement, ce sont les provinces qui sont les maître-d’ œuvre des travaux d’infrastructures souvent réalisés pour soutenir l’économie, parfois accompagnés d’aide fédérale ponctuelle.  Désormais, ce sera différent.


Devant l’ensemble des provinces en faillite, à l’exception du Québec et dans une moindre mesure la Colombie-Britannique, le Canada va devenir le maître-d’ œuvre d’immenses chantiers.  Pour ce faire, il a mis sur pied la Banque des Infrastructures, dont le président est nul autre que Michael Sabia, l’ex-dirigeant de la Caisse de dépôt.  Des tractations sont en cours afin de déménager SNC-Lavalin à Toronto qui fournirait l’expertise d’ingénierie et entraînerait, par le fait même, un mouvement vers la ville-Reine de plusieurs autres firmes de génie-conseil et expertises connexes hors du Québec. 


Ceci ressemble à tout point à ce qui s’est produit dans les années 60 avec l’exode des sièges sociaux de Montréal vers Toronto avec l’ouverture de la Voie maritime et le Pacte de l’auto; incidemment, c’est ce mouvement qui a contribué à en catalyser un autre : L’indépendance du Québec…


Le gouvernement fédéral possède maintenant la caution morale pour agir (la pandémie), le levier économique (l’assouplissement monétaire et la monétisation de la dette) et le bras technique (SNC-Lavalin et autres); il ne lui manque que le politique.  Ainsi, en face de centaines de milliards de $ qui seront miroités, quels seront les premiers ministres provinciaux qui résisteront aux chants des sirènes ?  Et pour combien de temps ?  Mais plus encore : Quelles seront les contreparties offertes ou demandées aux provinces, notamment pour le Québec ?


De vastes chantiers de construction et d’infrastructures, d’un océan à l’autre, vont permettre à court et moyen terme de relancer la croissance économique au Canada, mais ne constitueront pas une solution à long terme.  Par contre, des pouvoirs considérables qu’Ottawa pourrait arracher aux provinces le demeureront.


S’appuyant sur la Constitution rigide de 1982, le gouvernement fédéral va continuer à promouvoir un Canada post-national multiculturel où il n’y aura que des Canadiens.  À terme, ce seront tous des Canadiens anglophones, imprégnés du « Common Law » et épris de supériorité morale. Pour ce faire, une immigration massive est nécessaire afin d’assimiler à vitesse grand V les francophones et rendre les peuplades autochtones insignifiantes.  Pour conjuguer l’utile à l’agréable, une immigration massive contribuera aussi à stimuler la construction résidentielle et viendra rejoindre les objectifs du grand renouveau canadien centré sur des projets colossaux d’infrastructures.


C’est ici que la boucle pourra être bouclée : Quelles sont les forces en présence au Québec, c’est-à-dire qui sont les acteurs pour appuyer les intérêts du Québec (et son autonomie) et qui en sont les fossoyeurs ?  Bref, qui seront susceptibles de s’opposer aux velléités fédérales ou s’y conformer ?


Une nouvelle forme d’alliance réactionnaire est en train de se forger au Québec pour appuyer directement ou indirectement les visées belliqueuses d’Ottawa et celle-ci est inusitée et épouse assez bien ce qui se passe au Québec entre les « gagnants » de la pandémie actuelle et ses perdants.


D’une part, ce sont les mêmes riches et très riches (hauts cadres de multinationales, gens de finance, promoteurs immobiliers, riches avocats et les sénateurs de la république d’Esculape, etc…), certains anglophones rhodésiens du West-Island et le secteur de la construction ainsi que les firmes de génie-conseil, etc. auquel s’ajoute dorénavant l’imposante fonction publique au Québec (fédérale, provinciale et municipale avec un total de 27-30% des emplois au Québec).


Ce bloc de l’immobilisme n’est certes pas homogène, mais ses intérêts le sont : L’immigration massive est nécessaire et, combien profitable, pour justifier plus de services d’une qualité souvent approximative et construire toujours plus avec une bulle immobilière qui se superpose à celle de l’endettement.


Bien sûr, il y a un niveau nécessaire de travaux d’infrastructures et de construction à entreprendre bon an mal an au Québec et là n’est pas l’enjeu.  Que ferait un premier ministre québécois s’il se faisait offrir par Ottawa, par exemple, des dépenses d’infrastructures de 200 milliards de $ sur 10 ans en retour d’un « petit » quelque chose comme l’abolition de l’entente Québec-Canada sur l’immigration, le transfert de Revenu Québec à l’agence du revenu du Canada (ARC), etc. ?


Le danger est réel et les mercenaires du Parti libéral du Québec à la solde du gouvernement fédéral seront  là pour s’assurer qu’Ottawa pourra assouvir ses bas instincts; les eunuques crypto-fédéralistes de Québec solidaire (Canada solidaire ?) veilleront aussi au grain.  Plus le Québec sera endetté, plus il sera enclin à s’agenouiller devant le gouvernement fédéral afin de lui procurer un orgasme constitutionnel sans pareil…


Personne ne détient de boule de cristal, mais force est d’admettre que l’endettement massif du gouvernement fédéral aura des conséquences, dont il est actuellement impossible d’en évaluer les répercussions.  Le virus de l’endettement, extrêmement contagieux, pourrait s’avérer beaucoup plus létal lors d’une éventuelle pandémie économique qui surviendra tôt ou tard.


D’autre part, les forces du changement ou qui doivent changer pour affronter directement ou indirectement une concurrence accrue des géants du WEB (GAFAM), de la mondialisation (Wal-Mart, Costco, Netflix, etc.), des traités de libre-échange défavorables, etc. existent.  La liste est longue : Producteurs agricoles du terroir menacés, les PME, les firmes innovantes et R&D, les productions culturelles, les régions du Québec, etc.  C’est sur ce bloc qui se démènera pour sa survie, sa pérennité et prêt au changement qu’il faudra compter, comme sur les Québécois fiers de leur nation.


Enfin, il est navrant et décevant de voir la fonction publique québécoise se comporter comme des chiens de faïence, surtout leurs chefs syndicaux au style « Money, That’s all I want ».  Il fut un temps, lors de la Révolution tranquille, où ils étaient des acteurs clés et de véritables vecteurs de changement; ce qui s’est traduit par un progrès social inégalé.  Il est vrai qu’à cette époque, le Québec était sans dettes et avec plusieurs projets porteurs. 


En effet, Il est désolant de voir l’insouciance, la désinvolture et le syndrome « c’est pas mon problème », avec comme corollaire que personne n’est responsable de rien, revenir avec autant de force alors que discuter et débattre deviennent des gestes de plus en plus subversifs.  Plusieurs fonctionnaires, jeunes et moins jeunes, des travailleurs de la construction et autres membres de la phalange immobiliste sont incapables ou évitent de se prononcer sur des sujets aussi cruciaux pour l’avenir du Québec que l’immigration massive, le recul du français, l’endettement, etc.  Jamais le dicton « Qui ne dit mot consent » n’aura eu autant d’acuité qu’en ce moment.


Tout ceci s’est révélé dans toute sa splendeur avec l’humiliation la plus profonde d’un premier ministre québécois obligé à faire appel à 1 350 soldats de l’armée canadienne pour venir en aide dans les CHSLD.  Comment le Québec peut-il aspirer à l’indépendance (ou à plus d’autonomie) s’il n’est même pas capable de s’occuper des aînés avec un minimum de dignité ?


Maintenant, la Reconquista devra se faire brique par brique en s’appuyant sur les forces du changement et la machine gouvernementale pourrait s’avérer le plus puissant des adversaires.  Des choix difficiles devront être faits et il y a moyen de décentraliser la bureaucratie gouvernementale de façon judicieuse et de cibler certains services.  Un tel mouvement de décentralisation et de régionalisation, s’il est bien pensé, pourrait contribuer à faire basculer la fonction publique (et ses chefs de file) du bord du changement et mettre en échec l’immobilisme.


En ce sens, cette pandémie aura eu les mérites de faire tomber des masques et contribuera, je l’espère, à renouveler et propulser pour de bon le mouvement indépendantiste au Québec.



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1 commentaire

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    27 mai 2020

    Merci pour cette analyse qui nous ramène à l'essentiel.


    « Un tel mouvement de décentralisation et de régionalisation, s’il est bien pensé, pourrait contribuer à faire basculer la fonction publique (et ses chefs de file) du bord du changement et mettre en échec l’immobilisme.»


    À cet égard, il faudrait revisiter la Doctrine sociale de l'Église et le principe de subsidiarité :


    Celle-ci s'appuie sur les 4 principes majeurs et fondamentaux exposés dans le Compendium de la doctrine sociale de l'Église, à savoir :



    1. la dignité de la personne humaine ;

    2. le bien commun ;

    3. la subsidiarité ;

    4. la solidarité.


    Tous les clés sont là pour la grande réforme que le Québec devrait entrprendre pour se doter d'un État optimal, incontournable pour relever le défi existentiel qui se pose à notre nation.


    Avec les années, j'en suis venu à la conviction que les clés pour nous sortir du piège dans lequel l'histoire a enfermer notre nation se trouve du coté conservateur de notre parcours.


    Merci encore et au plaisir d'échanger sur notre déconfinement politique ...


    JCPomerleau