Les représentants du gouvernement canadien ne pouvaient trouver meilleur endroit, jeudi dernier, que l’Université de Montréal afin de tenir une consultation sur le Partenariat transpacifique (PTP). L’institution d’enseignement est par définition principalement fréquentée par des membres des générations Y et Z, qu’on qualifie de « mondialisées » et d’« apolitiques ». Pourtant, les jeunes seront probablement les plus menacés par les perspectives antidémocratiques du PTP. L’enfermement de l’État dans un véritable casier à homards réglementaire ne laissera aux générations futures que très peu de manières d’orienter la vie politique à leur façon.
La démocratie malmenée
Si certains aspects du PTP sont connus, d’autres le sont en revanche beaucoup moins. L’objet de ce texte n’est cependant pas le contenu socio-économique du PTP. En démocratie, des propositions similaires à celles qui sont préconisées par le PTP sont très certainement défendables et le terrain politique y est entièrement ouvert. Les appliquerait-on qu’il serait toujours possible de corriger le tir, car l’idée de la souveraineté de l’État repose sur son action discrétionnaire, soit sur la possibilité d’adopter une politique et d’abolir cette même politique si les effets escomptés ne sont pas au rendez-vous.
Le problème de ce type de traité est d’imposer la permanence des contraintes aux signataires. Lorsqu’il sera nécessaire de changer de direction, il sera trop tard, car juridiquement impossible pour l’État de procéder. C’est là la différence entre une mesure adoptée et une autre qui résulterait d’un accord réglementaire international. Or, la bonne mesure socio-économique d’aujourd’hui n’est pas nécessairement celle de demain. Aucun contrat — et un traité commercial en est un — ne devrait représenter autre chose que le résultat d’un contexte précis. Si ce contexte se modifiait, il serait fâcheux qu’un véritable arsenal juridique empêche tout changement de voie.
Thomas Jefferson disait qu’aucune génération ne saurait être liée par les décisions prises par la précédente. Les jeunes d’aujourd’hui sont encore bien loin de contrôler les hautes sphères de l’État. Ils seront cependant forcés de subir les contrecoups d’accords aux dispositions des plus difficilement révocables.
Les tribunaux à but lucratif
Parmi les entités qui sont en passe de présider à l’avenir du monde, on compte bien entendu les entreprises transnationales, les marchés financiers et les banques. Mais on ne doit pas oublier l’émergence de cénacles juridiques, composés de « rois philosophes » chargés de trancher du bon et du juste. Qui dit enfermement de l’État dans des contraintes réglementaires dit aussi émergence d’une caste de juristes chargés d’interpréter les litiges.
Depuis que les accords de libre-échange prolifèrent, des clauses y sont incluses afin de soutenir le démantèlement de politiques nationales en favorisant les poursuites des États par les investisseurs étrangers si ceux-ci estiment que leurs profits sont menacés. Il deviendra ainsi de plus en plus ardu pour un État de légiférer sur des questions de bien commun liées, par exemple, à la justice sociale, à l’environnement, aux conditions des travailleurs ou à la santé publique si la compagnie transnationale se croit lésée. En cas de différend, un tribunal supranational sera chargé de rendre son jugement à la lumière de son interprétation du PTP. Les litiges sont généralement longs et par conséquent très lucratifs : les firmes d’avocats en rêvent déjà. Si la souveraineté ne relève du politique, la voici désormais déléguée à des institutions qui n’ont d’autre base que celle du juridisme.
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