Le paradoxe canadien
Depuis un certain temps, la participation du Canada aux opérations de l'OTAN me consterne et à mon avis, n'est pas justifiable en regard de ses traditions et valeurs. Mais avant d'en traiter, un petit survol de la structure de l’État Canadien s'impose.
On dit que notre beau pays qu’est le Canada est un État de droit. Notre système légal est échafaudé sur ce qu’on appelle le principe de la primauté du droit. Selon le préambule de la Charte Canadienne des droits et libertés, le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit.
Concrètement, il en découle que toutes les lois mises en application par notre gouvernement (pouvoir législatif) doivent respecter la Charte Canadienne des droits et libertés, laquelle est enchâssée dans la constitution même de notre pays. Il en va de même pour la conduite de ce gouvernement (pouvoir exécutif) qui se doit d’agir en concordance avec les énoncés qui figurent dans cette Charte. Normalement, le défaut d’agir selon ces grands principes peut être sanctionné ou invalidé par les tribunaux (pouvoir judiciaire).
Donc, en tant que Canadiens nous avons la chance de vivre dans un pays où le bien-être de chacun est assuré par une construction juridique complexe qui protège la personne humaine sur un plan multidimensionnel.
Examinons de plus près quelques articles de cette Charte si importante:
- Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale (article 7).
- Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités (article 12).
- La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques (article 15. (1)).
Donc sur le territoire du Canada, tout va bien….sauf que, et c’est là le hic, le gouvernement est-il tenu de mettre en application ses grands principes de droits humains dans ses affaires extérieures ?
Légalement, tout cet échafaudage juridique n’est valide qu’à l’intérieur de ses frontières.
Pour ses agissements à l’extérieur du pays, il semble que la nation n’est redevable devant aucune autorité internationale quelconque. Bien sûr, il existe de grands principes de droit naturel dans le monde et ces grands principes trouvent leur source dans La Déclaration universelle des droits de l’homme, mais il semble bien que cette dernière, comme le disait Jeane Kirkpatrick, soit plutôt dans les faits une lettre au père Noel !
Il n’empêche que le Canada, sur la scène internationale devrait au moins s’en tenir à ses principes moraux de droits internes.
Mais voilà où se situe le paradoxe canadien. Notre gouvernement dépense maintenant des milliards de dollars chaque année à s’armer pour faire la guerre. En fait, Ottawa n'a jamais consacré autant d'argent à son armée depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale. En 2011, cette part était de 8% de l’ensemble des dépenses et atteignait 22 G$. Comparativement, le budget de la Défense est 20 fois plus important que celui de l'Environnement !
Le Canada participe maintenant à des guerres d’agression comme on l’a vu récemment en Lybie où des milliers de personnes furent assassinées. Dernièrement, nous avons vu notre premier Ministre réaffirmer notre alignement sur la défense des intérêts américains au Moyen Orient, ce qui implique nécessairement d’autres guerres, qu’on appelle ironiquement "guerres humanitaires ".
Comment expliquer qu’un État qui défend autant la vie sur son territoire en punissant de 25 ans ferme d’emprisonnement le meurtre prémédité, puisse déployer un arsenal d’armes sophistiquées destinées à tuer des êtres humains ?
Comment expliquer le fait que notre pays qui, dans toute la gloire de sa morale refuse d’appliquer la peine de mort aux plus dangereux criminels en arrive à intervenir militairement dans les affaires internes d’un autre pays et tuer par la bande ses citoyens ?
La vie humaine aurait-elle une valeur pondérable selon le pays et l’endroit où l’on nait ? Ne sommes-nous pas tous frères ? Le premier article de La Déclaration universelle des droits de l’homme que le Canada a ratifié en 1948 ne stipule-t-il pas que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, qu’ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ?
Le Canada ne peut s’appuyer sur aucun principe de droit fondamental, naturel, moral ou humain pour justifier ses dernières interventions agressives en Afghanistan et en Lybie. Notre pays aurait avantage à reprendre rapidement la place traditionnelle qu’il occupait depuis la deuxième guerre mondiale, exclusivement en contribution aux missions de maintien de la paix des Nations Unies.
Les grands principes de droit adoptés par le Canada sur son territoire tout comme ceux qui ont été ratifiés à l’étranger nous commandent de défendre la paix et la non-violence.
" Croire en quelque chose et ne pas le vivre, c’est malhonnête ". Citation de Gandhi
Le paradoxe canadien
Me Nelson Larrivée
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4 commentaires
Nelson Larrivée Répondre
13 mars 2012Merci pour vos commentaires très pertinents et à vous M. Pelletier, qui m'inspirent pour un autre article en parallèle.
Mais sachez, en attendant que : Je me souviens.
Archives de Vigile Répondre
12 mars 2012Je comprend parfaitement votre inquiétude, bien que pour ma part j'aies une vision du Canada différente de la vôtre.
À mon humble avis de simple citoyen, en tenant compte des propos de votre article et de l'existence soi-disant reconnue de deux Nations au sein même du Canada, celui-ci est en soi d'emblée un paradoxe.
On y retrouve deux nations, donc distinctes par définition, avec des besoins culturels, linguistiques et politiques différents. En ce qui concerne nos deux Nations, ces besoins sont diamétralement opposés, d'autant au niveau économique. On ne peut comparer Canada et Suisse.
Le Québec étant le berceau de la nation canadienne-française, ce paradoxe inquiétant de l'armement pour la guerre ne serait-il pas pour vous une raison de plus de faire du Québec un Pays français à part entière? Pour moi cela est clair sans cette course à la guerre.
D'autre part, puisque vous êtes avocat et semblez être avisé des lois et statuts canadiens, c'est sans ironie que j'en profite pour vous demander si vous pouvez m'éclairer sur la ratification de la constitution canadienne par le Québec.
À savoir quand, où et comment celle-ci fut ratifiée par les représentants du peuple québécois?
Car, sous toute réserve, la constitution canadienne ne fut ratifiée par le Québec ni en 1982 ni en 1987, dépassant le délais limite de ratification des ententes Québec-Canada prévus à cet effet.
De plus, de mémoire, aucune autre négociation en ce sens n'a eu lieu depuis et aucun avis publique n'avisa les québécois d'une telle ratification, si elle a eu lieu.
Si vous avez des détails à ce propos, il serait judicieux de les signaler sur le présent site et à l'ensemble des québécois.
Cordialement
Serge Jean Répondre
12 mars 2012Préambule de la Charte canadienne des droits et libertés
« Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit »
Et qu'est-ce qu'elle dit « La suprématie de Dieu »? Il doit bien y avoir quelques indications, quelques paragraphes, en référence sous cette suprématie; on enchâsse pas dans la charte des droits et libertés de tout un pays je présume, un préambule de cette nature juste comme une parure sans aucun sens il me semble.
La suprématie de Dieu c'est pas du n'importe quoi ça, c’est très sérieux pour un religieux ou un croyant! Et Dieu lui? tel qu'évoqué et invoqué dans cette charte, est-ce qu'il est suprême partout ou juste dans les provinces et territoires anglais du Canada? Est-il suprême en Afghanistan également?
Ce sont les CONSERVATEURS avec leurs lobbyistes religieux comme 100 Huntley Street et l'Alliance évangélique du Canada, qui ont fait pression à l'époque de l'écriture de cette charte sous Trudeau en 1981-82 pour enchâsser ce bout de phrase comme préambule de la charte.
Les Canadiens musulmans ont également indiqué l'importance du préambule à leurs yeux.
Ils craignaient tous que les écoles confessionnelles et les lois sur l'avortement seraient menacées, et ainsi avec Dieu suprême ce danger pourrait être écarté semble-t-il.
Bien alors, « Tu ne tueras point. ». Ça ne viens pas de moi, mais de Dieu suprême. C’est écrit dans vos livres religieux.
Jean
Archives de Vigile Répondre
12 mars 2012Une raison de plus de faire l'indépendance de notre patrie, le Québec et d'afficher notre neutralité et notre pacifisme partout dans le monde.
Ce qui ne n'empêcherait pas notre nation de s'armer comme les Suisses le font. Au contraire, quand tous les citoyens d'une nation sont armés et apprennent à se servir des armes pour se protéger et se défendre, personne n'est armé.
Comme nation colonisée, je doute fort que nous devenions des colonisateurs. Nous sommes plus intelligents et civilisés que cela.
Pierre Cloutier