Imaginez, une femme en niqab, à Québec, dans un marché public en plein mois de juin de l’année 2012, les mains couvertes de gants noirs. Le soleil cogne fort. Un homme l’accompagne, estivalement habillé, la tête protégée par une casquette qui lui couvre une bonne partie du visage.
Ce couple sorti de nulle part vous donne des sueurs froides. Votre cœur bat très fort. La scène vous choque. Cette femme sans visage vous émeut. Déjà que vous avez du mal à digérer le hidjab alors que dire du voile intégral? Le visage masqué? Jamais! Surtout, ne dites RIEN. Avalez votre salive de travers, regardez ailleurs et continuez votre chemin. Allez, hop!
Vous n’en avez que faire de mes conseils? Très bien!
Vous décidez d’en faire à votre tête. Pourquoi ne pas prendre un cliché du couple pour le montrer à votre femme? Vous êtes pratiquement sûr qu’elle ne vous croira pas. De toute façon, elle a cette fâcheuse manie de s’obstiner sans cesse. Pourquoi changerait-elle, soudainement?
Pitié, ne faites pas ça. Vous risquez d’être dans le pétrin.
Rappelez-vous d’une chose, vous n’êtes qu’un SIMPLE citoyen lambda. Surtout, n’oubliez pas que nous vivons dans une société libre, démocratique, multiethnique et multiculturelle et… tout le kit. Chacun a le droit de s’ « AUTODETERMINER» dans sa façon de s’habiller. …et de se déguiser.
Alléluia !
Mihai Claudiu Cristea n’a fait que son travail de journaliste : nous informer
Mihai Claudiu Cristea, journaliste, éditeur et rédacteur du mensuel Les immigrants de la Capitale n’est pas un simple citoyen. Ce jour-là du mois de juin, il est témoin de la scène. Il actionne son appareil photo et prend un cliché du couple pour illustrer la situation insolite provoquée par sa présence.
Quelques jours plus tard, il publie dans son journal un article coiffé du titre « Choc visuel et stupeur au Marché aux puces de Sainte-Foy » qui connaît un succès immédiat.
« La lecture de l’article ne révèle aucune intolérance, le texte soulignant seulement le choc culturel causé par le niqab dans une société non musulmane ; quant à l’identification des personnes photographiées, elle s’avère pratiquement impossible. Comme l’a écrit François Bourque, chroniqueur au Soleil et ancien président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le reportage incriminé est « sobre et factuel » et « n’incite pas à la haine, au mépris ou à l’intolérance » ; au sujet de la photo, le même journaliste affirme que « sauf pour des proches, il semble impossible de reconnaître la femme et difficilement son conjoint » (Le Soleil, 30 janvier 2013). » Un jugement aveugle sur le niqab
Après tout, vous et moi, qui sommes constamment bombardés d’images provenant du monde entier, de la Syrie, de l’Irak, de l’Afghanistan et que sais-je, nous méritons aussi d’être informés de ce qui se passe dans notre beau Québec, non?
Le niqab : l’éléphant dans la pièce
Des femmes en niqab, en burqa, en jilbab, en tchador, en hidjab, il y en a de plus en plus au Québec comme ailleurs. Le phénomène intrigue, préoccupe, inquiète. C’est selon. Mihai Claudiu Cristea le sait. Il garde un œil ouvert sur ce qui se passe ici et là.
Cet immigrant d’origine roumaine, installé au Québec avec sa famille depuis 2001, réalise que l’islam politique, menace planétaire, fait l’objet d’un large débat dans le monde. Des États s’en soucient, des intellectuels organisent des colloques et des séminaires à coup de milliers de dollars pour parler du sujet, des pays comme la France et la Belgique adoptent de nouvelles lois pour interdire le port du voile intégral, des journalistes sillonnent le monde pour rendre compte du sujet, en Tunisie un courageux doyen d’université a failli y laisser sa peau parce qu’il avait pris l’initiative de l’interdire dans les salles de cours.
Quiconque est un peu familier avec le monde musulman sait que le niqab cristallise l’un des courants politiques les plus radicaux de l’islam : le salafisme du mot arabe salaf « ancêtre ». Ce mouvement appelle à un retour aux sources, à la foi des origines et considère que le djihad contre « les croisés », c’est-à-dire l’Occident, est le devoir ultime de chaque musulman.
Le Québec n’est pas en reste. Nos soldats reviennent dans des cercueils. Le gouvernement de Jean Charest dépose le projet de loi 94 en avril 2010 pour se saisir de la question : faut-il donner et recevoir des services à visage couvert ? Cette question, jusque-là jamais résolue, bondit constamment dans notre débat public.
Mihai Claudiu Cristea se dit que lui, à sa petite échelle, peut bien publier dans son canard un papier sur ce fameux niqab. Après tout, on en parle partout de ces histoires de voiles.
Eh bien figurez-vous que non !
La société du moi, moi, moi
Le juge Paradis vient d’en décider autrement et de condamner Mihai Claudiu Cristea à payer 7000 $ en « dommages moraux » à Ahlem Hammedi et Saber Briki, le couple tunisien en question, pour avoir publié la fameuse photo sans son consentement.
Il n’y a pas d’intérêt public, dit le juge. Ah bon, mais comment ça ?
Le droit à l’image et le droit à l’anonymat sur la place publique ont primé sur le droit à l’information. Encore une fois, au Québec, le droit individuel éclipse le droit collectif
Le droit à l’image pour une personne sans visage ! Une vraie farce…
« La FPJQ s’explique mal pourquoi cette photo, prise dans un espace public à la suite du débat public sur les accommodements raisonnables qu’était la commission Bouchard-Taylor, et aux balbutiements d’un débat qui deviendrait celui de la Charte des valeurs, n’a pas été jugée d’intérêt public. Si un marché aux puces n’est pas un espace public, qu’est-ce qu’un espace public? Si le port du voile intégral en public n’est pas d’intérêt public, qu’est-ce qui est d’intérêt public? » La fédération professionelle des journalites du Québec (FPJQ)
Pour le juge, c’est comme si le débat sur le voile intégral n’avait jamais existé.
C’est comme si ce litige se résumait à une chicane de clôture entre voisins.
Cette histoire un peu folle aux allures kafkaïennes comme je l’écrivais au mois de juin dernier alors que j’assistais au procès à Québec, vient du coup de prendre une tournure juridique totalement inattendue qui en dit long sur l’incapacité de notre démocratie et surtout de nos tribunaux à faire face aux manifestations perfides et pernicieuses de l’intégrisme musulman.
Voilà l’une des dérives les plus graves de notre société : une société du moi, moi, moi. Une société ou la collectivité compte pour des prunes. Une société myope. Parce qu’incapable de se saisir des grands enjeux internationaux et de leur donner la dimension locale qui convient. Une société lâche. Parce que incapable de protéger les plus courageux d’entre nous. En l’occurrence Mihai Claudiu Cristea qui subit les foudres des intégristes musulmans.
Un deux pour un
Ce couple de salafistes qui n’en ont que faire de l’égalité entre les femmes et les hommes ont utilisé la justice de notre pays, les fameuses Chartes, pour asséner un coup à la liberté de la presse.
C’est ce qu’on appelle un deux pour un!
Cette grave distorsion se fait au nom des Chartes dans l’indifférence presque généralisée.
Il ne suffit plus aux islamistes de déposséder les femmes de leurs corps, de verrouiller leur sexualité, de les dépouiller de leur identité, de les expurger de l’espace public, de brandir ces ombres couvertes des pieds à la tête comme des trophées, ils attaquent les fondements mêmes de notre démocratie, là chez-nous, en direct. Et la justice les laisse faire.
Mais, jusqu’où iront-ils? Qui les arrêtera?
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