Le nationalisme de François Legault

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Legault reprend le slogan de Daniel Johnson lors de l'élection de 1966 : « Le Québec d’abord »

À la toute fin de son discours d’assermentation, juste avant sa référence à une célèbre citation de René Lévesque, François Legault a affirmé qu’il aimait les Québécois. Vendredi encore, lors de sa première conférence de presse à titre de premier ministre, il a eu ces mots : « Il est important que le premier ministre aime les Québécois, qu’on soit fier des Québécois. » Il estime qu’« il y a du travail à faire » en ce sens, que ce soit en culture ou en économie. « C’est important qu’on retrouve toute cette fierté qu’on avait et que nous a donnée M. Lévesque », a-t-il poursuivi.


Un premier ministre qui aime les Québécois. L’allusion à Philippe Couillard était évidente, lui qui avait accusé François Legault « de souffler sur les braises de l’intolérance », lui dont l’attachement au Canada n’était pas feint et devenait même émotif, lui qui, enfin, s’irritait des inquiétudes identitaires des Québécois. Les rares fois qu’il se disait nationaliste, le premier ministre libéral sonnait faux.


C’est tout un contraste avec François Legault. Son nationalisme n’a rien de cérébral, il est profond, viscéral. Élevé à Sainte-Anne-de-Bellevue dans l’ouest de l’île de Montréal, issu d’un milieu modeste, le nouveau premier ministre est particulièrement sensible à la précarité de la langue française au Québec. Son nationalisme n’est pas raisonné, il ne l’a pas amené à se passionner pour les enjeux constitutionnels, pour les différents modèles du vivre-ensemble : multiculturel, interculturel, républicain. On pourrait même affirmer qu’il s’agit d’un nationalisme populaire.


C’est pourquoi, lorsqu’il parle de son amour des Québécois, il est sincère, il n’a pas besoin d’un script. Lucien Bouchard trouvait que les Québécois ne travaillaient pas assez, François Legault, lui, semble vouloir les prendre tels qu’ils sont.


Gilles Duceppe a dû se reconvertir au nationalisme après avoir porté l’étendard de l’internationalisme au sein de la Ligue communiste marxiste-léniniste dans les années 1970. Pauline Marois s’est toujours davantage intéressée à la gestion de l’État et aux mesures sociales qu’aux discours sur la nation et la souveraineté. Il n’y a peut-être que le patriotisme d’un Bernard Landry qui dépassait en intensité le nationalisme d’un François Legault du temps qu’il était un souverainiste pressé.


S’il est vrai que le nationalisme de François Legault est viscéral, c’est sur le plan économique qu’il s’exprime le plus ; les questions d’immigration et de laïcité ne sont pas ses matières fortes. Il est bon de rappeler que ce fondateur d’Air Transat a participé à l’émergence du Québec inc. dans les années 1980 et que son entreprise a bénéficié du Régime d’épargne-actions qui a contribué à propulser de nombreux fleurons québécois. C’est dans cet esprit qu’il entend revoir le mandat d’Investissement Québec.


Anciens adéquistes, péquistes, libéraux et conservateurs fédéraux se trouvent aujourd’hui au sein de la CAQ, que ce soit parmi la députation ou parmi le personnel politique. Plus que jamais, le parti de François Legault est une coalition. Parmi les souverainistes désillusionnés qui se retrouvent à la CAQ, il y a ceux qui sont devenus de vrais fédéralistes et ceux qui jugent que l’indépendance est désormais impossible. Il y a ceux qui croient cependant que François Legault est le plus court chemin pour y arriver. Pour l’heure, tout ce beau monde cohabite harmonieusement, guidé par un seul mot d’ordre. « Le Québec d’abord à l’intérieur du Canada, mais le Québec d’abord », a répété vendredi François Legault.


Le Québec d’abord, cela signifie, dans sa perspective nationaliste, la nation québécoise francophone d’abord, dans le respect des droits de la minorité historique anglophone, certes, et « en prenant en compte l’avenir des membres des Premières Nations », comme il l’a souligné dans son discours d’assermentation.


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