Le «moins pire»

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« Les sondages des dernières semaines laissent entrevoir la possibilité d’un gouvernement minoritaire, vraisemblablement libéral. »


Quand arrive une élection, peu importe l’ordre de gouvernement, plusieurs éprouvent un certain découragement en se rappelant l’axiome de Joseph de Maistre : « Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite. » Sommes-nous si peu méritants pour avoir toujours cette impression de devoir choisir le « moins pire » ?


Il arrive parfois qu’on ait une agréable surprise. Il y a un an, un grand nombre de Québécois ont voté pour la CAQ avant tout pour se débarrasser des libéraux et ils ont découvert à François Legault des qualités qu’ils ne lui soupçonnaient pas. Certes, personne n’est parfait et cette lune de miel ne durera pas éternellement, mais le moral de la nation est indéniablement meilleur qu’au cours des années précédentes.


Il n’y a pas eu de surprise dans le cas de Justin Trudeau, qui est devenu premier ministre parce que les Canadiens en avaient assez des conservateurs et que Thomas Mulcair a mené une campagne atroce. Durant son séjour dans l’opposition, le chef libéral était perçu comme un bellâtre sans grande envergure, et c’est exactement ce que les quatre dernières années ont confirmé.


Certains défauts peuvent toutefois se transformer en qualités. Le premier ministre sortant paraît un peu insignifiant, parfois même niaiseux, comme lors de son voyage en Inde, mais il semble plutôt inoffensif. M. Harper n’avait rien d’un insignifiant, mais il faisait peur. Le problème de son successeur, Andrew Scheer, est qu’il apparaît aussi insignifiant que M. Trudeau, mais qu’il doit traîner le fantôme de son prédécesseur.


Contrairement aux conservateurs de Stephen Harper, qui avaient trois mandats dans le corps, M. Trudeau en est à son premier. Il n’a peut-être impressionné personne par son leadership et la magie de son nom opère moins qu’avant, mais on ne sent pas, comme en 2015, ce « désir de changement » à tout prix qui a aussi eu raison du PLQ le 1er octobre 2018. Somme toute, le pays se porte plutôt bien et le premier ministre sortant apparaît encore comme le « moins pire ».


Les sondages des dernières semaines laissent entrevoir la possibilité d’un gouvernement minoritaire, vraisemblablement libéral. C’est sans doute le scénario que privilégie le gouvernement Legault et qui a historiquement été le plus bénéfique au Québec. L’expérience de 2015 montre toutefois qu’une campagne électorale peut changer bien des choses, même si celle qui commence sera deux fois moins longue que la précédente.


Troisième sur la ligne de départ à l’époque, le PLC avait fait élire 184 députés et M. Trudeau avait pu former un gouvernement majoritaire que même les sondages effectués dans les derniers jours de la campagne n’avaient pas prévu.


C’est au Québec que le revirement avait été le plus spectaculaire. À la mi-août 2015, le NPD dominait outrageusement avec 47 % des intentions de vote, soit une avance de 27 points sur le PLC. Au bout du compte, les libéraux ont fait élire 40 députés, par rapport à 7 en 2011, tandis que le NPD n’avait sauvé que 16 des 59 sièges que la « vague orange » et Jack Layton lui avaient permis de remporter.


Au moment où le PQ lutte pour sa survie, la performance du Bloc québécois aura valeur de présage. L’arrivée d’Yves-François Blanchet lui a permis de retrouver une certaine cohésion interne après les déchirements qui ont marqué le court règne de Martine Ouellet, mais les sondages n’ont enregistré aucune progression de ses intentions de vote par rapport à 2015, année où il avait déjà recueilli moins de voix que lors du désastre de 2011.


Personne ne s’attend à ce que le Bloc retrouve sa position hégémonique d’antan, mais un nouveau recul serait de très mauvais augure pour la tentative de refondation péquiste. De toute évidence, la souveraineté ne constitue pas le meilleur cheval de bataille aux yeux de M. Blanchet, qui se pose davantage comme un porte-parole du gouvernement Legault, dont il ne cesse de vanter les mérites. Au lancement de sa campagne, mercredi, son allusion à l’indépendance ressemblait à une figure imposée.


On en arrive presque à prendre Jagmeet Singh en pitié tellement la situation du NPD semble désespérée, mais personne ne vote par pitié. « On se bat pour vous », proclame son slogan de campagne. En réalité, le NPD et son chef se battent pour leur survie, et ce n’est sans doute pas au Québec qu’ils pourront sauver les meubles. La question est de plutôt savoir comment se fera le partage de ses dépouilles.









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