Surprise! Si le Parti libéral est reporté au pouvoir, nos impôts seront réduits de 950 millions. Jean Charest s'est dépêché de sortir ce lapin de son chapeau hier midi, juste avant que Mario Dumont ne rende public le budget de l'an 1 d'un éventuel gouvernement de l'Action démocratique et lui coupe ainsi son effet.
L'annonce du premier ministre Charest, pour inattendue qu'elle ait été, sera sans doute accueillie avec intérêt. En ajoutant 700 millions aux 250 millions prévus à cette fin dans le budget Audet, il s'assure de baisses d'impôt sensibles. Elles seront de l'ordre de 750 $ par contribuable en moyenne.
La question qui doit être posée est cependant toute autre: pourquoi cette précipitation à utiliser presque entièrement la marge de manoeuvre obtenue du gouvernement Harper? Pendant toutes ces années de bataille sur le déséquilibre fiscal, Jean Charest ne faisait-il pas valoir combien nombreux étaient les besoins du Québec auxquels il ne pouvait répondre parce que les ressources étaient à Ottawa?
Le chef libéral avait devant lui plusieurs choix. Il aurait pu affecter une partie des transferts de 905 millions obtenus du fédéral à la réduction des listes d'attente. La santé est, nous répète-t-il sans cesse, sa «première priorité». Il aurait pu en attribuer une autre part au financement des universités. À ce sujet, il a mené la charge au nom des autres provinces, ces deux dernières années, pour obtenir le rétablissement des transferts de paiement pour l'enseignement postsecondaire. Il réclamait 2,2 milliards. Le budget Flaherty n'accorde que 800 millions, cela à compter de 2008 seulement. On est très loin du compte.
Le choix fait par M. Charest est purement électoral. Mario Dumont l'attribuait hier au «traumatisme de Verchères», une allusion à cette visite d'usine où le premier ministre s'est fait reprocher par un ouvrier d'avoir haussé les tarifs des services publics sans réduire comme promis les impôts. On pourrait penser aussi que le premier ministre avait calculé son geste, prévoyant que le budget Flaherty lui apporterait de bonnes nouvelles. Dans un cas comme dans l'autre, le premier ministre se trouve à jouer les pique-assiettes. C'est justement ce que l'ancien premier ministre Jean Chrétien disait craindre lorsque les provinces venaient lui présenter leurs demandes sur le déséquilibre fiscal. Si elles veulent baisser les impôts, qu'elles le fassent avec leur argent, répliquait-il.
L'attitude adoptée par le Parti québécois et l'Action démocratique, quant à l'utilisation qu'ils feraient de ces transferts additionnels d'argent d'Ottawa, est beaucoup plus conforme à l'esprit dans lequel ils sont accordés par le gouvernement fédéral. La marge de manoeuvre que représentent ces 905 millions leur servira à assurer des services aux Québécois. Quant aux diminutions d'impôt, ni l'un ni l'autre n'en envisagent, à moins que le PIB du Québec ne rebondisse.
La réplique donnée à Jean Charest hier par ces deux partis visait à montrer que, élus, ils seraient davantage responsables que le Parti libéral, dont le cadre financier est le plus généreux. À cet égard, le chef adéquiste s'est mérité la palme de l'austérité en présentant en après-midi son budget de l'an 1. Lui qui a déjà dit qu'il serait «gratteux», il veut l'être manifestement à l'extrême. Il s'en tient à des engagements de 1,7 milliard, qu'il financera par des réductions de dépenses dont on ne sait comment il les obtiendra. Celles-ci sont de l'ordre de 1,2 milliard au total.
Équilibrer le budget du Québec demeure un exercice toujours incertain. Déjà dans son budget déposé la veille des élections, le ministre des Finances, Michel Audet, prévoyait une impasse budgétaire de un milliard pour l'exercice 2008-2009. Au contraire d'Ottawa, on est loin d'être arrivé à l'ère des surplus à Québec. Pour quiconque sera au gouvernement, boucler la boucle sera la quadrature du cercle ces prochaines années. Encore plus pour ceux qui se seront montrés trop généreux avec les électeurs, surtout qu'il ne sera plus possible de se retourner vers Ottawa, dont le magasin général est désormais fermé.
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