En quelques années, la retraite ordonnée du français dans les institutions européennes s'est transformée en sauve-qui-peut et l'anglais règne en maître presque incontesté à Bruxelles. On note bien ici ou là quelques îlots de résistance (comme à la Cour de justice de l'UE). Pour combien de temps?
Désormais, les documents en français de la Commission représentent moins de 20 % des textes, le reste étant en anglais. Des services entiers, comme la Direction générale économie et finance ou celle de la concurrence, ne travaillent plus qu'en anglais. Alors que la salle de presse de la Commission est censée être bilingue français-anglais, seuls les communiqués de presse d'une page sont encore traduits, souvent avec retard. La direction générale «transport» est devenue «move» et le Parlement européen a supprimé la signalétique en français de son hémicycle strasbourgeois.
Le site Internet de l'UE comporte de plus en plus de pages uniquement anglophones et les sites des agences sont, pour la plupart, en anglais only (Europol, Eurojust, Agence européenne de l'armement, Agence de sécurité alimentaire, etc.). La Banque centrale européenne, pourtant sise à Francfort et dotée d'un président français, ne travaille qu'en anglais, alors que le Royaume-Uni n'est pas membre de la zone euro. L'Eurocorps, qui ne compte pourtant aucun soldat anglophone de naissance, a choisi de ne plus parler qu'anglais... Cet unilinguisme se traduit par un privilège exorbitant accordé aux anglophones de naissance. Ainsi, sur 27 chefs de cabinet de commissaires, six sont des «native English speakers» (contre deux francophones) et sur 34 porte-parole de la Commission, 13 anglophones (contre trois francophones). Pour la première fois, la Commission a même recruté un porte-parole américain...
La victoire de l'anglais s'est faite au nom du pragmatisme: dans une Union à 27, impossible de parler au quotidien les 23 langues officielles, dit-on. Il n'en a jamais été question: il n'y a jamais eu que trois langues de travail (français, anglais, allemand) dans les institutions et deux (français, anglais) en salle de presse. En réalité, l'anglais est perçu comme une langue «neutre» et beaucoup, notamment à l'Est, veulent en terminer avec le français, qu'ils maîtrisent mal.
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