Québec -- La ministre responsable de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre, s'est engagée à rendre l'administration publique québécoise «exemplaire» quant à son usage du français avec les entreprises, notamment sur Internet.
«Il y a du travail à faire de ce côté-là. Il faut donner l'exemple. Il faut améliorer la situation», a livré Mme St-Pierre lors d'une entrevue accordée au Devoir. Mais elle écarte d'emblée l'idée de procéder à une modernisation de la loi 101 et de sa charte, qui ont maintenant 30 ans.
La ministre St-Pierre réagissait à la manchette du Devoir qui révélait hier que l'administration publique québécoise bafoue la Charte de la langue française en communiquant en anglais avec des entreprises établies au Québec. Dans la foulée du gouvernement en ligne, Revenu Québec, Investissement Québec et l'Autorité des marchés financiers (AMF), sur leurs sites Internet respectifs, offrent des guides, des documents explicatifs et des formulaires à la fois en français et en anglais. Les entreprises québécoises de langue anglaise y ont accès plutôt que les seules sociétés établies à l'extérieur du Québec, ce qui est contraire à la Charte et à la politique gouvernementale relative à l'emploi et à la qualité de la langue française dans l'administration.
«Les sites, les nouvelles technologies, c'est clair que ça va vite et c'est clair qu'il faut trouver des mécanismes», a dit Mme St-Pierre. «C'est clair qu'il faut faire en sorte qu'on ne puisse pas reculer avec l'avancement des nouvelles technologies. C'est un défi.»
La ministre St-Pierre a rappelé que son plan d'action, dévoilé le mois dernier, réaffirmait le rôle d'exemplarité du gouvernement dans la promotion du français. Son sous-ministre au Secrétariat à la politique linguistique, Guy Dumas, est chargé de faire «un rappel et un suivi renforcé», auprès de l'administration publique, des règles de la politique linguistique et de la politique d'utilisation du français dans les technologies de l'information et des communications.
«Moi, j'en ai, des états d'âme sur la langue», a déclaré Christine St-Pierre, prenant ainsi ses distances de la présidente de l'Office québécois de la langue française (OQLF), France Boucher, qui a affirmé la semaine dernière qu'elle n'avait pas d'états d'âme par rapport à la situation linguistique. «Le français progresse mais n'a pas toute la place qui lui revient», juge la ministre.
Mme St-Pierre s'est décrite comme «une fille de bâtisseur, une fille de souche» qui, native du Bas-du-Fleuve, a travaillé dans d'autres provinces et dans un autre pays (les États-Unis). «Vous avez devant vous la personne qui sait qu'est-ce que c'est, le français en Amérique du Nord, qui sait qu'est-ce que c'est que l'attachement à la langue française.»
Mauvais exemple
Lors de la période de questions à l'Assemblée nationale, le chef de l'opposition officielle, Mario Dumont, a accusé le gouvernement Charest d'être «en eaux troubles» sur la question linguistique et de faire preuve de «laxisme». En matière d'exemplarité, le gouvernement «donne toujours le mauvais exemple», a-t-il dit.
Le porte-parole du Parti québécois dans le domaine de la langue française, Pierre Curzi, a rappelé la déclaration de Mme St-Pierre qui affirmait l'an dernier que ce serait «tolérance zéro» relativement au respect de la Charte de la langue française. «Est-ce qu'elle va donner un autre mandat vague à son sous-ministre ou est-ce qu'elle va prendre la question à bras-le-corps pour s'assurer que le gouvernement communique en français avec les entreprises du Québec?», a lancé M. Curzi.
À une autre question du député de Borduas à propos de la lettre, publiée mercredi dans Le Devoir, de [quatre chercheurs du comité de suivi de l'OQLF->12930], qui récusaient les accusations lancées contre eux par France Boucher, la ministre a indiqué que ces universitaires, «ce sont des gens que je respecte beaucoup», ce qui ressemble à un autre désaveu à l'endroit de la présidente de l'OQLF.
À la défense de l'administration
Se portant à la défense d'Investissement Québec, le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, Raymond Bachand, a confirmé qu'une entreprise établie au Québec peut utiliser un formulaire rendu disponible sur Internet par l'administration mais pourtant réservé aux sociétés étrangères. «Investissement Québec, m'indique-t-on, répond en français», a-t-il toutefois fait valoir.
Le ministre du Revenu, Jean-Marc Fournier, a pour sa part révélé que Revenu Québec avait gagné en 2004 le prix «Les Mérites du français» décerné par l'OQLF et qu'en 2005 le ministère avait obtenu une mention d'honneur pour «sa remarquable contribution à la promotion du français», ce qui semble indiquer que l'obtention de ces distinctions est parfaitement compatible avec un usage massif de l'anglais dans les communications gouvernementales.
Le français et les entreprises - «Il faut donner l'exemple», dit St-Pierre
La ministre écarte d'emblée la modernisation de la loi 101
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