L'Agence du revenu du Québec ne pourra jamais utiliser le matériel saisi en 2016 dans les bureaux des entreprises de l'ex-collecteur de fonds libéral Marc Bibeau afin de prouver ses soupçons d'infractions fiscales. La Cour suprême vient de mettre fin au dernier espoir des enquêteurs qui souhaitaient voir leur perquisition validée.
En août 2016, des enquêteurs du fisc avaient perquisitionné dans les bureaux de Schokbéton et de Saramac, deux entreprises de fabrication d'éléments de béton structurel appartenant à la famille Bibeau.
Les enquêteurs travaillaient en collaboration avec l'Unité permanente anticorruption (UPAC), qui menait sa propre enquête sur ces entreprises.
L'UPAC soupçonnait que des dalles de béton avaient été détournées d'un important chantier de travaux publics sur le tracé du train de l'Est afin d'être utilisées dans l'aménagement du terrain de Suzanne Bibeau, la soeur de Marc Bibeau, collecteur de fonds libéral et dirigeant pendant plusieurs années de Schokbéton et de Saramac.
Aucune accusation n'a été portée dans cette affaire et les soupçons de l'UPAC n'ont pas subi l'épreuve des tribunaux.
Factures saisies
De leur côté, les enquêteurs de l'Agence du revenu soupçonnaient que cette affaire impliquait probablement de fausses déclarations relatives à l'impôt et l'obtention malhonnête de crédits ou de remboursements.
Les enquêteurs fiscaux ont donc monté un dossier qu'ils ont présenté à une juge, qui leur a accordé des mandats afin d'aller perquisitionner chez Schokbéton, Saramac, ainsi que chez leur comptable de la firme Raymond Chabot Grant Thornton. La perquisition a eu lieu et de nombreux documents ont été saisis.
Presque immédiatement, Saramac et Schokbéton ont contesté la légalité des perquisitions, arguant que les enquêteurs du fisc avaient omis de mentionner que des avocats et des notaires travaillaient probablement dans les bureaux visés, au moment de faire autoriser la perquisition. Or, la protection du secret professionnel des avocats et des notaires est prise extrêmement au sérieux par le système de justice. La présence de ces professionnels dans un bureau peut rendre l'autorisation d'une perquisition beaucoup plus délicate.
« Vice fondamental »
En mai 2018, la juge Claude Dallaire de la Cour supérieure a donc ordonné l'annulation des mandats et la remise des documents saisis, estimant que les perquisitions étaient entachées par un « vice fondamental ».
L'Agence du revenu avait été « négligente » en omettant de fournir ces informations à la juge qui avait autorisé les perquisitions, disait-elle.
L'Agence s'était tournée vers la Cour d'appel pour contester l'annulation des mandats, sans succès. Elle est ensuite montée jusqu'à la Cour suprême, qui a refusé de l'entendre la semaine dernière, ce qui signifie la fin des recours possibles pour le fisc.
« Revenu Québec prend acte des différents jugements rendus, et respecte la décision finale de la Cour suprême du Canada », a déclaré hier Geneviève Laurier, porte-parole de l'organisme.
« Si une enquête révèle que des actes illégaux ont été commis, Revenu Québec poursuit les fautifs et prend les mesures nécessaires pour récupérer les sommes dues. Dans ce dossier, Revenu Québec est allé jusqu'à la Cour suprême du Canada pour faire valoir ses arguments », souligne la porte-parole.