Il existe en économie une loi dite de Gresham, du nom d'un financier anglais du XVIe siècle, qui veut que «la mauvaise monnaie chasse la bonne». C'est la même chose en politique: la mauvaise nouvelle chasse la bonne.
La semaine avait plutôt bien commencé pour Pauline Marois. Lundi matin, Le Devoir rapportait en première page les propos de Jacques Parizeau, selon lequel les Québécois allaient se faire avoir avec le Plan Nord. Un diagnostic confirmé le lendemain par des experts du secteur minier réunis en colloque à HEC.
Puis Jean-Marc Fournier est revenu d'Ottawa bredouille. Le gouvernement Charest en a été réduit à un baroud d'honneur qui a simplement mis en relief son impuissance à empêcher le gouvernement Harper d'imposer sa loi en matière de justice criminelle.
La dure réalité de la désintégration accélérée de son parti n'a cependant pas tardé à rattraper Mme Marois. Elle en est malheureusement rendue au point où, quoi qu'elle fasse, cela se retourne contre elle. En suspendant un de ses députés, puis en s'empressant d'en expulser un deuxième avant qu'il ne parte, la chef du PQ a voulu réaffirmer son autorité, mais elle a surtout démontré son incapacité à en assurer l'unité.
Daniel Rhatté (Blainville) s'est bien défendu d'être un opportuniste, mais comment qualifier un député qui change d'allégeance dans l'espoir de sauver son siège? Cela n'en confirme pas moins l'impression qu'il est devenu suicidaire de se présenter devant l'électorat sous la bannière d'un parti dirigé par Mme Marois. Elle entendait faire un exemple, mais c'est plutôt le départ de M. Rhatté qui en a donné un. La question est maintenant de savoir qui sera le suivant.
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Le dernier sondage Crop-Gesca pose cependant un dilemme de taille aux opportunistes qui seraient tentés de l'imiter. Certes, il confirme que le PQ va tout droit à l'abattoir avec Mme Marois, mais si elle cédait éventuellement sa place à Gilles Duceppe, ceux qui se seraient jetés prématurément dans les bras de François Legault pourraient se retrouver Gros-Jean comme devant. Les sondages ont peut-être leurs limites, mais celui-là est quand même embêtant.
À la voir se débattre comme une diablesse dans l'eau bénite, Mme Marois ne donne pas l'impression de vouloir jeter l'éponge, mais elle a encore du temps pour s'enfoncer d'ici les prochaines élections.
Soit, Bonaventure est un fief libéral où les chances du PQ à l'élection partielle du 5 décembre sont presque nulles. Aux élections générales de 2007 et de 2008, le PQ y avait obtenu 29 % des voix. Compte tenu du taux d'insatisfaction astronomique à l'endroit du gouvernement Charest et de l'absence d'un candidat de la Coalition Avenir Québec (CAQ), le PQ doit faire nettement mieux pour que sa chef puisse bénéficier d'un nouveau sursis.
Le sondage est tout aussi inquiétant pour le PLQ, même si un premier ministre a les moyens de faire taire les mécontents dont ne dispose pas un chef de l'opposition. Peu importe ce qui arrivera à Pauline Marois, l'avenir paraît néanmoins bien sombre.
Si elle était toujours en poste lors des prochaines élections, les libéraux pourraient au moins former l'opposition officielle. Si elle s'efface devant M. Duceppe, le PLQ risque d'être relégué au rang de tiers parti pour la première fois de son histoire.
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Ce serait assurément la mort dans l'âme que Mme Marois renoncerait à son rêve d'être la première femme à diriger le Québec, mais elle se retrouve dans une situation qui rappelle un peu celle de Daniel Johnson au début de 1998.
À l'issue de la crise du verglas, Lucien Bouchard avait retrouvé son aura de la campagne référendum de 1995. S'il avait été plus audacieux, il aurait très bien pu déclencher coup sur coup des élections générales que le PQ aurait gagnées haut la main et un autre référendum que le OUI aurait eu toutes les chances de remporter.
Les fédéralistes ne réalisent peut-être pas ce qu'ils doivent à Daniel Johnson, qui a alors accepté de se sacrifier pour l'unité canadienne. Son départ a complètement menotté M. Bouchard, qui n'a pas pu profiter d'une conjoncture exceptionnellement favorable.
C'est présentement la survie du PQ et peut-être de l'option souverainiste qui est en jeu. Si Mme Marois démissionnait au début de 2012, comme l'avait fait M. Johnson, le premier ministre Charest serait incapable de déclencher des élections au printemps. Et l'automne prochain, la commission Charbonneau sera en pleine activité, avec tout ce que cela peut supposer de mauvaises nouvelles pour le PLQ.
Malgré François Legault, le PQ pourrait sérieusement envisager la possibilité d'un retour au pouvoir. Évidemment, il faudrait savoir ce que veut exactement Gilles Duceppe. Aux dernières nouvelles, il n'était pas encore prêt à revenir en politique.
La réflexion de l'ancien chef du Bloc pourrait bien s'accélérer au cours des prochaines semaines, mais il ne doit pas s'attendre à être plébiscité. Même s'il partait grand favori, une course au leadership aurait le grand avantage de le forcer à dire où il loge exactement sur une foule de questions.
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