Le Devoir et Le Droit sont des quotidiens de la même époque à qui Henri Bourassa fait partager des liens de parenté. Il s'agit là d'un des constats qui émerge des célébrations entourant le centenaire du quotidien Le Devoir.
Le Devoir a été fondé le 10janvier 1910. LeDroit, lui, le 27mars 1913. Mais LeDroit aurait aussi pu naître en 1910 et il faut comprendre que la marmite franco-ontarienne n'avait simplement pas assez chauffé à ce moment-là pour que soit créé un journal, une gigantesque aventure tant au plan des ressources financières qu'humaines. À la place, ou plutôt auparavant, les Franco-Ontariens ont plutôt profité de 1910 pour se serrer les coudes et se doter d'un mouvement d'affirmation collective qui célèbre aussi son centenaire d'existence en 2010.
Au fil du siècle, ce mouvement portera plusieurs noms: au départ, Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario (ACFÉO). Cette ACFÉO élargira par la suite son champ d'action au-delà de l'éducation pour devenir plus tard l'ACFO (Association canadienne-française de l'Ontario), puis l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario aujourd'hui. C'est ainsi que les francophones de Montréal et du Québec ont autant à célébrer en 2010 que les Franco-ontariens.
Pendant leurs existences parallèles, Le Devoir et LeDroit ont défendu à leur manière et chacun de leur côté d'une même frontière la «race canadienne-française», comme on l'appelait à l'époque, et ses deux principaux attributs, la langue française et la religion catholique.
Henri Bourassa est le trait d'union entre Le Devoir et LeDroit. Dans les années 1890, il habite sur le sol de la seigneurie de son grand-père, Louis-Joseph Papineau. Il est maire de Montebello, en Outaouais, entre 1890 et 1894, puis maire de Papineauville, en 1897. Dans la Petite-Nation, comme tout le long de la rivière des Outaouais, l'Ontario se trouve à un jet de pierre et c'est de l'autre côté de l'eau qu'il fait ses premiers pas dans l'édition en lançant, au tendre âge de 24 ans, son premier journal, L'Interprète, un journal qui dessert les communautés francophones d'Embrun et Clarence Creek.
On peut avancer sans trop se tromper qu'il sera dès lors sensibilisé à la vie en milieu linguistique minoritaire: il faut dire que dès les années 1890, le français est progressivement proclamé illégal dans les nouvelles provinces de l'Ouest canadien, en contradiction avec les garanties constitutionnelles de 1867. En Ontario, le mouvement anti-français se concrétisera en 1912 avec la promulgation du Règlement XVII qui a interdit l'enseignement en français en Ontario.
Henri Bourassa se servira alors du journal militant qu'est Le Devoir pour appuyer les Franco-Ontariens devant les assauts des «Prussiens de l'Ontario»!
Le fondateur du Devoir avait résolument campé son journal à l'enseigne de l'indépendance. Une indépendance des pouvoirs politiques nourrissant une indépendance intellectuelle qui donne les coudées franches pour encourager «les honnêtes gens» et chasser «les coquins».
Des prophètes de malheur ont souvent prédit la fin au Devoir et au Droit. Un siècle plus tard, Le Devoir se dit aujourd'hui toujours aussi indépendant qu'il ne l'était au départ. L'histoire a récemment placé LeDroit sur une trajectoire corporative différente qui lui a permis de survivre depuis 97 ans. Mais les deux sont encore bien là, à relever des défis et à servir fidèlement leurs lecteurs, leurs raisons d'être.
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