Le décret migratoire remis en vigueur par la Cour suprême américaine

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Trump remporte la bataille migratoire

Cette fois, l’application sera totale. Le plus haut tribunal des États-Unis a choisi lundi de remettre en vigueur le dernier décret migratoire du président Trump. Les restrictions seront ainsi en place pour la plus longue période depuis la première tentative du président américain en janvier dernier.



La plus récente version de ce décret anti-immigration vise huit pays. Il inclut notamment l’interdiction d’entrer sur le territoire américain pour les ressortissants de six pays à majorité musulmane (Iran, Libye, Somalie, Tchad, Syrie, Yémen) et pour ceux de la Corée du Nord. L’entrée au pays est également hors de portée pour des responsables gouvernementaux du Venezuela.



La victoire définitive n’est cependant pas assurée pour le président américain. La Cour suprême impose en fait l’application totale du décret durant l’examen sur le fond par des cours fédérales. Les jugements de ces cours d’appel pourraient ensuite être soumis à la Cour suprême par les « perdants », c’est-à-dire les parties désavouées.



La dernière mouture du décret avait été suspendue par deux de ces cours. Le 17 octobre dernier, à quelques heures de l’entrée en vigueur de l’arrêté présidentiel, le juge Watson, d’Hawaï, avait estimé que le texte « [souffrait] précisément des mêmes maladies que ses prédécesseurs ». Un juge du Maryland n’avait pas tardé à lui emboîter le pas, statuant que le décret ne démontrait pas suffisamment en quoi l’entrée de plus de 150 millions de ressortissants des pays visés serait « nuisible aux intérêts des États-Unis ».



Ce sont ces mesures provisoires qui ont été retirées par sept des neuf juges de la Cour suprême chargés de statuer.



L’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU en anglais), qui conteste le décret en cour aux côtés d’autres organisations, s’est dite « très déçue » de cette décision. L’association en a profité pour réitérer sa volonté « de se battre ». « Nous ne reculerons pas » était également le message diffusé lundi soir par l’International Refugee Assistance Project (IRAP).



Questions encore en suspens



Ces restrictions font l’objet d’intenses batailles judiciaires dans plusieurs juridictions du pays. D’un côté, les opposants au décret font valoir qu’il est discriminatoire.



De l’autre, le président Trump justifie cette mesure controversée par la lutte contre le terrorisme et le fait que les pays sur la liste seraient « hostiles » aux États-Unis.



C’est la question qui sera tranchée par la justice dans les prochains mois, résume Frédéric Mégret, professeur de droit à l’Université McGill : « Le gouvernement met l’accent sur les menaces à la sécurité nationale pour dire que la suspension était excessive. On verra dans l’examen sur le fond si ces restrictions sont jugées compatibles avec le droit américain, et notamment avec les protections constitutionnelles. »



La Constitution américaine ne permet pas de prendre des mesures visant spécifiquement une religion, l’islam dans ce cas-ci.



Selon le professeur Mégret, la Corée du Nord et le Venezuela auraient été ajoutés dans la troisième version signée par le président américain pour « dissoudre » en quelque sorte l’idée que l’interdiction visait les musulmans. « Mais les tribunaux ne sont pas idiots. “L’intentionnalité” fait partie du débat en matière de discrimination, au-delà des mots utilisés cette fois dans le texte. »



« Twitter laisse beaucoup d’indices sur ses motivations profondes », ajoute-t-il, faisant référence aux vidéos islamophobes relayées par le compte du président américain la semaine dernière.



Ces images, montrant des hommes identifiés comme musulmans attaquant des gens, provenaient d’un groupe politique britannique d’extrême droite, ouvertement raciste. La dirigeante de Britain First, Jayda Fransen, a en effet été accusée d’incitation à la haine.



Saga judiciaire



Cette décision est-elle un augure pour la suite ? Les partisans de Donald Trump voulaient le croire lundi soir, multipliant les analyses pour assurer la « survie » du décret.



« Il est encore trop tôt pour le dire », avançait quant à elle Andréanne Bissonnette, chercheuse à la chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM. Elle note tout de même que les deux juges qui se sont prononcés contre la remise en vigueur du décret ont la réputation d’être parmi les plus progressistes de la Cour suprême.



L’adoption d’une ligne dure envers les immigrants, promesse qu’il avait martelée en campagne électorale, n’a pas tardé à se concrétiser après l’élection de Donald Trump. De blocage en blocage, le décret anti-immigration n’avait cependant pas été appliqué dans sa totalité plus de quelques heures.



Une semaine après son entrée au pouvoir, le 20 janvier 2017, le nouveau président américain signait devant les caméras un texte intitulé « Protection de la nation contre l’entrée aux États-Unis de terroristes étrangers ». L’interdiction de voyager visant les ressortissants de sept pays prenait alors effet sans délai et avait plongé les aéroports américains dans la confusion à la fin janvier.



En février, après la suspension du décret à l’échelle nationale par un juge de Seattle, et la confirmation du maintien de la suspension par une cour d’appel de San Francisco, M. Trump avait tweeté cette réponse : « On se voit en cour. La sécurité de notre nation est en jeu ! »



En mars, la deuxième version du décret a été suspendue avant même son entrée en vigueur, signale Mme Bissonnette. Une application partielle s’opérait cependant depuis juin.



En attente d’un jugement sur le fond (ce même jugement encore en attente), la Cour suprême décidait d’y soumettre les personnes sans liens avec le pays. L’entrée ne pouvait par ailleurs pas « être interdite aux ressortissants des pays qui ont des liens bona fide [de bonne foi] avec une personne ou une entité aux États-Unis », précise la chercheuse.


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