Le chef de l'ADQ comparé à Le Pen - Dumont exige des excuses des libéraux

L'affaire Arcand

PAR ISABELLE PORTER - Québec -- Après avoir mis les pieds dans le plat en comparant Mario Dumont au leader d'extrême droite français Jean-Marie Le Pen, la recrue libérale Pierre Arcand a tenté de modérer ses propos hier. Mais le chef de l'ADQ exige une rétractation officielle dès aujourd'hui, à défaut de quoi il menace de le poursuivre en justice.
«Ce n'est pas vrai que l'on va laisser passer ça. Le monsieur devra s'excuser. Nous exigeons une rétractation générale et publique», a déclaré hier Mario Dumont en insistant sur le fait que le dossier était entre les mains de ses avocats.
La phrase a été lancée en matinée, lors d'un entretien à la radio avec l'animatrice Christiane Charette. «Dans le cas de Mario Dumont, ce que je n'aime pas, c'est qu'en 1995 il était indépendantiste, puis en l'an 2000 il était comme Mike Harris. Là, il devient le Jean-Marie Le Pen du Québec. Il a fait une attaque directe contre les communautés culturelles», a déclaré le président démissionnaire de Corus Québec Radio en réponse à une question sur les chefs de parti au Québec.
La comparaison en a fait bondir plus d'un hier. «C'est extrêmement démesuré, a déclaré l'ancien président de l'ADQ et professeur de science politique Guy Laforest. Ça discrédite profondément M. Arcand lui-même. Tant sur le plan des écrits et des programmes que sur l'ensemble des discours et des documents publics, Mario Dumont et l'Action démocratique du Québec n'ont objectivement rien à voir avec le caractère foncièrement raciste de la démarche politique de Jean-Marie Le Pen.»
Médusé par la maladresse du nouveau candidat libéral, le professeur Christian Dufour, de l'École nationale d'administration publique (ENAP), a parlé d'une «gaffe de premier niveau» dans la mesure, dit-il, où le gouvernement Charest a notamment créé une Commission d'étude sur les accommodements raisonnables pour éviter que ce dossier ne soit débattu durant la campagne électorale.
«Il ne faudrait pas céder à la tentation de démoniser ceux qui ont parlé d'accommodements raisonnables. C'est quand même un débat qui est légitime. La tentation, c'est de dire que ce sont des racistes, des xénophobes. En France, c'est ce qu'ils ont fait et on a vu ce que ç'a donné... »
M. Arcand a tenté en vain de calmer le jeu. Dans un communiqué diffusé hier après-midi, il a convenu que l'analogie utilisée était «très forte»: «J'ai tenté simplement de souligner le fait que monsieur Dumont, en exploitant [le débat sur les accommodements raisonnables], divise les Québécois.»
L'affaire a poursuivi son gouvernement toute la journée. Interrogée à la sortie du conseil des ministres, la ministre de la Culture, Line Beauchamp, s'en est prise au chef de l'ADQ: «Selon la une des journaux, il change de convictions, il change de positions, a-t-elle rétorqué. Mais je vous dirais ce que mon premier ministre disait, il n'y a pas si longtemps, par rapport à la politique française: "Non ingérence et non indifférence." On va se limiter à des débats et à des comparaisons qui se passent ici.»
Plus tôt en matinée, le ministre responsable du Développement économique, Raymond Bachand, a concédé que «les analogies sont toujours dangereuses», tout en reprochant à Mario Dumont de «jouer» avec «l'inquiétude réelle de plusieurs Québécois» dans le dossier des accommodements raisonnables.
En fin de journée, le premier ministre a dû lui aussi réagir aux propos de sa recrue. «Pierre Arcand a lui-même reconnu que le choix était trop fort et je pense qu'il a eu raison de faire cette mise au point», a-t-il déclaré lors d'un point de presse télévisé.
Mais le chef de l'ADQ n'est pas satisfait, a assuré hier son attaché de presse, Jean-Nicolas Gagné: «Je n'ai pas vu d'excuses [dans le communiqué publié par M. Arcand] et on a vu aussi que M. Charest ne s'était pas dissocié de ses propos. Nos avocats continuent de regarder ça et on va arriver avec une proposition demain.»


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