Le cerveau de l’attaque terroriste de Bamako Mokhtar Belmokhtar: un «agent» des services secrets parrainé par la CIA?

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Le boomerang terroriste de la CIA


En réaction aux événements tragiques de Paris du 13 novembre dernier, le directeur de l’Agence centrale de renseignement (CIA) John Brennan a lancé une mise en garde : « Le groupe État islamique (EI) prépare de nouvelles attaques… À mon sens, il est clair qu’il prépare des attaques à l’étranger, qu’il est déterminé à perpétrer ce type d’attaques. » (Cité dans le Daily Telegraph du 16 novembre 2015)


Cinq jours après la prémonition du chef de la CIA, l’Hôtel Radisson Blu de Bamako, capitale du Mali, était la cible d’une attaque terroriste qui a fait 21 morts. Après l’attaque et la prise d’otages par les terroristes, les forces spéciales françaises et maliennes ont effectué une descente sur l’hôtel. Le Commandement des États‑Unis pour l’Afrique (AFRICOM) a lui aussi confirmé la présence de forces spéciales US.


Selon les allégations, l’opération terroriste de Bamako aurait été coordonnée par Mokhtar Belmokhtar (alias Khaled Abu al‑Abbas), chef d’une filiale d’Al‑Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), la brigade islamiste Al‑Mulathamin (ou « brigade masquée »), ou « Ceux qui signent par le sang ».


Le groupe de Belmokhtar a été créé en 2012 au lendemain de la guerre contre la Libye. Son organisation se livrerait aussi au commerce de la drogue, à des activités de contrebande ainsi qu’à des opérations de kidnapping d’étrangers en Afrique du Nord. Même si les allers et venues de Belmokhtar sont prétendument connus, les services français l’ont surnommé « l’insaisissable ».


En juin dernier, on le déclarait mort au cours d’une frappe aérienne US en Libye, déclaration qui a ensuite été démentie.


À partir de preuves peu convaincantes, un article du New York Times du 20 novembre (ci‑dessous) conclut que le groupe de Belmokhtar (avec AQMI) se trouve de toute évidence derrière les attaques de Bamako :


Un membre d’Al‑Qaïda en Afrique a confirmé samedi que l’attaque de vendredi ayant visé un hôtel de Bamako au Mali a été menée par un groupe djihadiste loyal à Mokhtar Belmokhtar, un agent algérien d’Al‑Qaïda. Le membre d’Al‑Qaïda, qui a parlé par l’entremise d’échanges en ligne, a affirmé qu’un message audio et qu’une déclaration écrite similaire dans lesquels le groupe revendique la responsabilité de l’attaque étaient authentiques. Le SITE Intelligence Group, qui surveille les groupes djihadistes, confirme lui aussi l’authenticité de la déclaration.


Le membre d’Al‑Qaïda, qui souhaite conserver l’anonymat pour des raisons de sécurité, dit que les hommes de M. Belmokhtar ont collaboré avec l’émirat saharien d’Al‑Qaïda au Maghreb islamique… Dans l’enregistrement audio, le groupe, connu sous le nom d’Al Mourabitoun, dit avoir mené l’opération de concert avec la branche d’Al‑Qaïda au Maghreb islamique.


L’enregistrement a été remis à la chaîne Al Jazeera et, simultanément, à Al Akhbar… On peut y entendre ce qui suit : « Nous, du groupe des Mourabitoun [groupe rebelle arabique], de concert avec nos frères d’Al‑Qaïda au Maghreb islamique, la grande région désertique, revendiquons la responsabilité de la prise d’otages de l’Hôtel Radisson de Bamako. » (C’est nous qui soulignons.)


SITE Intelligence Group est présenté comme un groupe de réflexion « indépendant » établi à Washington qui a pour mandat d’analyser des données se rapportant aux organisations terroristes affiliées à Al‑Qaïda. SITE travaille aussi comme contractuel auprès d’un certain nombre d’organismes du gouvernement US et entretient des liens étroits avec les services secrets US.


SITE n’a présenté aucune preuve concrète corroborant l’authenticité de l’enregistrement de l’échange audio en ligne, qui est considéré comme une source fiable. Mais il pourrait très bien s’agir d’un élément de preuve volontairement introduit.


Après la diffusion du document audio, les médias occidentaux ont immédiatement déclaré en chœur qu’il s’agissait d’un acte de revanche dirigé contre la République française du fait de l’intervention militaire française au Mali de 2013, qui avait été ordonnée par le président François Hollande.


 « La France a sauvé le Mali d’Al‑Qaïda, mais elle n’a jamais enrayé la menace terroriste »… « La France a sauvé le nord du Mali du joug brutal d’Al-Qaïda… Mais le pays demeure sous la coupe d’étrangers et, comme l’ont démontré les événements de l’Hôtel Radisson, extrêmement vulnérable aux pires actes de terrorisme. » (The Independent, 20 novembre 2015)



Capture d’écran de The Independent, 20 novembre 2015



À son tour, le ministre français de la Défense a reconnu – avant même la conduite d’une enquête policière – que les auteurs de l’attaque étaient « très vraisemblablement » dirigés par le groupe de Mokhtar Belmokhtar en association avec Al‑Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).


Ce que le ministre de la Défense Jean‑Yves Le Drian a omis de mentionner c’est qu’aussi bien Belmokhtar qu’AQMI entretiennent des liens de longue date avec la CIA, qui, à son tour, collabore avec la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de la France.


Les médias occidentaux omettent tout bonnement de signaler que les chefs d’AQMI, dont Belmokhtar, ont été recrutés et entraînés par la CIA en Afghanistan, ce que reconnaît le Council on Foreign Relations (CFR) à Washington :


La plupart des principaux chefs d’AQMI auraient suivi leur entraînement en Afghanistan durant la guerre de 1979 à 1989 contre les Soviétiques alors qu’ils faisaient partie du groupe de volontaires nord‑africains connu sous le nom d’« Arabes afghans » et qui sont retournés dans la région au cours des années qui ont suivi pour y radicaliser des mouvements islamistes. Le groupe se divise en « katibas », ou brigades, qui se regroupent en différentes cellules, souvent indépendantes les unes des autres.


Depuis 2004, le principal chef du groupe, ou l’émir, est Abdelmalek Droukdel, alias Abou Moussab Abdelwadoud, un ingénieur de formation et expert en explosifs qui a combattu en Afghanistan et dont la carrière a débuté en Algérie au sein du GIA. (Council on Foreign Relations, Al Qaeda in the Islamic Maghreb, cfr.org, pas de date)


Ironiquement, le cerveau terroriste d’origine saoudienne Oussama ben Laden a été recruté en 1979 sous les auspices de la CIA. Lancé en 1919, le programme d’entraînement, de recrutement et d’endoctrinement des moudjahidines était considéré comme « la plus vaste opération secrète de l’histoire de la CIA » et se voulait la réponse au soutien militaire de l’Union soviétique au gouvernement afghan laïc et procommuniste de Babrak Kamal.


En arabe, al‑qaïda signifie « la base ». Cette appellation renvoyait à la « base de données » de recrues moudjahidines de la CIA, que le président Ronald Reagan qualifiait de « combattants de la liberté » :


Peu avant sa mort survenue à un moment inopportun, l’ancien secrétaire aux affaires étrangères britanniques Robin Cook affirmait devant la Chambre des communes qu’« Al‑Qaïda » n’est pas vraiment le nom d’un groupe terroriste, mais celui d’une base de données de moudjahidines et de trafiquants d’armes internationaux utilisés par la CIA et par les Saoudiens pour faire passer des guérilleros, des armes et de l’argent en Afghanistan sous occupation soviétique. (Voir Pierre‑Henri Bunel, Al Qaeda: The Database, Global Research, 20 novembre 2005; c’est nous qui soulignons.)


Mokhtar Belmokhtar : un « agent » de la CIA de l’après‑guerre froide?


Le Council on Foreign Relations décrit à tort Mokhtar Belmokhtar comme « le vétéran borgne de l’insurrection afghane antisoviétique ». (CFR, op. cit., c’est nous qui soulignons.) Belmokhtar (né en 1972) n’a pas combattu durant la guerre soviéto‑afghane (1979‑1989). Il a été recruté en 1991 à l’âge de 19 ans au lendemain même de la guerre froide.


Les activités de recrutement de la CIA se sont poursuivies au lendemain de la guerre froide. Elles étaient en grande partie dirigées contre la Fédération de Russie et les anciennes républiques soviétiques, mais aussi contre le Moyen‑Orient.


Ce recrutement tardif visait à constituer un réseau d’« agents des services secrets » qui devait servir dans le cadre des insurrections armées de l’après‑guerre froide orchestrées par la CIA. Les chefs des mouvements d’insurrection islamistes tchétchènes ont eux aussi suivi leur entraînement dans des camps de la CIA de l’Afghanistan et du Pakistan, notamment le tristement célèbre chef de l’insurrection tchétchène Ibn al‑Khattab (un citoyen de l’Arabie saoudite).


Après son entraînement et son recrutement et au bout d’une période de service de deux ans en Afghanistan (1991 à 1993), Mokhtar Belmokhtar a été renvoyé en Algérie en 1993 à l’âge de 21 ans, où il a rejoint le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) (voir l’emblème à gauche). Ce dernier faisait initialement partie du prétendu Groupe islamique armé (GIA)) en Algérie, qui cherchait à renverser le gouvernement algérien laïc pour instaurer un état islamique théocratique.


Avec l’appui clandestin de la CIA, Belmokhtar a combattu dans le sud de l’Algérie dans la guerre civile opposant les forces islamistes au gouvernement laïc. Il a aussi contribué à l’intégration et à la fusion des forces « djihadistes ».


En janvier 2007, le GIA changeait officiellement son nom pour celui d’Al‑Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et ce, après avoir été au centre de l’attention dans les années 1990.


Depuis 2007, l’organisation nouvellement formée d’AQMI a de son côté noué des liens étroits avec le Groupe islamique combattant en Libye (GIGL), groupe qui, durant la guerre de 2011 contre la Libye, a bénéficié du soutien direct de l’OTAN, « qui a entraîné ses membres, leur a fourni des armes, des forces spéciales et même des aéronefs pour les aider à renverser le gouvernement libyen ». (Tony Cartalucci, The Geopolitical Reordering of Africa: US Covert Support to Al Qaeda in Northern Mali, France “Comes to the Rescue”, Global Research, janvier 2013).


Les forces spéciales du SAS britannique avaient elles aussi été amenées en Libye avant le début de l’insurrection pour y servir de conseillers militaires auprès du GIGL.


En fait, ce qui est advenu depuis la guerre contre la Libye c’est la fusion des forces du GIGL et d’AQMI. À leur tour, nombre des agents du GIGL ont été envoyés en Syrie pour combattre dans les rangs d’Al‑Nosra et d’ISIS.


Robert Stephen Ford, ambassadeur US en Algérie (2006‑2008)


Robert Stephen Ford


Il convient de noter que la restructuration de 2007 des forces djihadistes d’Algérie et du Maghreb a coïncidé avec la nomination de Robert Stephen Ford au poste d’ambassadeur US en Algérie en août 2006. Ford, en poste à Bagdad, avait été réassigné à Alger par le Département d’État. De 2004 à 2006, il avait travaillé en étroitement collaboration avec John Negroponte, ambassadeur à Bagdad, dans le but de soutenir la création en Iraq d’escadrons de la mort tant sunnites que chiites.


Ce projet consistait à recruter et à entraîner des terroristes en s’inspirant du modèle dit de « l’Option Salvador », que la CIA avait mis en œuvre en Amérique centrale. Rappelons‑nous que Negroponte a joué un rôle central dans le soutien aux terroristes Contras au Nicaragua à titre d’ambassadeur au Honduras de 1981 à 1985. Pour en savoir plus à ce sujet, voir l’article de Michel Chossudovsky intitulé The Salvador Option For Syria”: US-NATO Sponsored Death Squads Integrate “Opposition Forces”, Global Research, 28 mai 2012.


La nomination en 2006 de Robert Stephen Ford à la tête de l’ambassade US d’Algérie arrivait à point nommé. Elle coïncidait avec la consolidation des groupes djihadistes en Algérie et au Maghreb. Elle a précédé les insurrections libyennes et syriennes de 2011 soutenues par les États‑Unis et l’OTAN.


En 2010, la nomination de Ford au poste d’ambassadeur US en Syrie recevait l’approbation du Congrès. Ford a présenté ses lettres de créances au président Bachar al‑Assad en janvier 2011, à peine deux mois avant le début de l’insurrection terroriste dans la ville frontière de Daraa, à la mi‑mars 2011. Ford a joué un rôle central en favorisant l’acheminement du soutien US et allié aux groupes de l’« opposition » syrienne, dont Al‑Nosra et ISIS.


Pour conclure


L’histoire de Belmokhtar et sa présence en Afghanistan confirment son instrumentalisation depuis le début par les services US. Même s’il agit avec un certain degré d’autonomie par rapport à ses parrains, lui‑même et son organisation sont d’authentiques « agents » de ces mêmes services, qui peuvent les utiliser dans le cadre d’un programme clandestin.


Il existe différentes définitions de ce qu’est un « agent des services secrets ». Du point de vue des services US, les « agents » associés à des organisations terroristes ne doivent pas savoir qu’ils ont le soutien des services occidentaux et qu’ils font l’objet d’une surveillance par ces mêmes services.


En ce qui concerne Al‑Qaïda, la CIA a choisi dès le début, en 1979, d’agir par le truchement de diverses organisations de front, mais aussi indirectement par l’intermédiaire de ses partenaires des services saoudiens, qataris et pakistanais. Milton Beardman, de la CIA, qui a joué un rôle central dans la guerre soviéto‑afghane, confirme que les membres d’Al‑Qaïda, dont Oussama ben Laden, n’étaient pas conscients du rôle qu’ils jouaient pour le compte de Washington. Comme le dit Ben Laden lui‑même (cité par Beardman), « ni moi ni mes frères n’avons vu de preuves d’une aide américaine » (Michel Chossudovsky, Who is Osama bin Laden, Global Research, 12 septembre 2001) :


Motivés par le nationalisme et leur ferveur religieuse, les guerriers islamiques n’étaient pas conscients de combattre l’armée soviétique pour le compte d’Oncle Sam. Même s’il y avait des contacts aux échelons supérieurs des services, les chefs des rebelles islamiques présents sur le théâtre d’opérations n’avaient pour leur part aucun contact avec Washington ou avec la CIA. (Ibidem)


Fait amplement documenté, Al‑Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et ses groupes affiliés, y compris le Groupe islamique combattant en Libye (GIGL), servaient les intérêts de l’alliance militaire occidentale. Comme le confirme le Washington Post du 29 juin 2011 (voir ci‑dessous), la France approvisionnait le GIGL en armes au plus fort des raids de bombardement de l’OTAN.




À son tour, AQMI recevait des armes du GIGL, qui bénéficiait de l’appui de l’OTAN. De plus, les mercenaires du GIGL s’étaient ralliées aux brigades d’AQMI.


Selon le prétendu cerveau terroriste Mokhtar Belmokhtar, qui a aussi coordonné en 2013 l’opération de kidnapping d’In Amenas au Mali :


« Nous sommes parmi ceux qui ont le plus profité des révolutions du monde arabe. Et quant au fait d’avoir bénéficié des armes (libyennes), c’est une chose tout à fait naturelle dans ce genre de circonstances. » http://www.hanford.gov/c.cfm/oci/ci_terrorist.cfm?dossier=174


Al‑Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) est lié de façon indélébile aux activités des services occidentaux. Alors qu’il est décrit comme « l’un des groupes de militants parmi les plus riches et les mieux armés de la région », financé secrètement par l’Arabie saoudite et le Qatar, en France Le Canard Enchaîné a révélé (juin 2012) que le Qatar (un fidèle allié des États‑Unis) finance diverses entités terroristes au Mali :


Le rapport original cite un rapport des services de renseignements militaires français qui indique que le Qatar fournit un soutien financier aux trois principaux groupes armés du nord du Mali : le mouvement Ansar ed‑Dine d’Iyad ag‑Ghaly, Al‑Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et le Mouvement pour l’unité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO).


Le montant de l’aide financière accordée à chacun de ces groupes n’est pas mentionné, mais il est dit que dans plusieurs rapports remis au ministère de la Défense français la DGSE mentionne le soutien du Qatar au « terrorisme » dans le nord du Mali. (Cité par Jeune Afrique en juin 2012)




Le Qatar est un État allié interposé, un territoire du golfe Persique largement contrôlé de fait par Washington et qui abrite un certain nombre de dispositifs militaires et de renseignement occidentaux.


L’émir du Qatar ne finance pas le terrorisme sans le consentement de la CIA.


Et en ce qui concerne le Mali, la CIA coordonne ses activités en liaison avec ses partenaires et homologues des services français, dont la Direction du renseignement militaire (DRM) et la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).


Les implications de tout ceci sont évidentes et devraient être bien comprises de l’opinion publique occidentale. Dans la mesure où Belmokhtar et AQMI sont des « agents des services secrets », aussi bien les services US que les services français se trouvent (indirectement) derrière l’attaque de Bamako.


Tant les services US que français sont complices de terrorisme d’État.


Michel Chossudovsky


Article original en anglais :


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Mastermind of The Bamako Terror Attack Mokhtar Belmokhtar: A CIA Sponsored “Intelligence Asset”? publié le 22 novembre 2015


Traduction par Jacques pour Mondialisation.ca









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