En imposant ses conditions qui pourraient entraîner la chute du gouvernement Harper cet automne, le Bloc québécois a décidé de montrer qu’il ne tergiverserait pas, comme le font présentement les libéraux de Stéphane Dion.
Cette attitude est la bonne pour la formation souverainiste qui œuvre sur la scène fédérale. Gilles Duceppe aurait même pu en rajouter, puisque ceux qui forment le gouvernement à Québec irritent la population québécoise par leur immobilisme constitutionnel.
Les adversaires du Bloc québécois, qui comptent même des souverainistes, déplorent le travail qu’il effectue à Ottawa, besogne qui consiste à y « défendre les intérêts du Québec. » Certains diront que les gains que le BQ réalise donnent des munitions aux fédéralistes : ces victoires démontreraient que l’espace politique canadien contribue au développement du Québec. Avouons néanmoins que les rares succès sont souvent le fruit de luttes qui ont duré plusieurs années. Combien de fois faut-il rappeler que la bonne foi envers le Québec n’existe pas aux Communes?
Rappelons également que le Québec a subi les pires reculs lorsque la table du Conseil des ministres à Ottawa dénombrait plusieurs Québécois. Le rapatriement unilatéral de la Constitution, l’échec de Meech et la Loi de la Clarté sont des gestes qui ont été cogités grâce à la contribution de Québécois. Est-ce que les gouvernements qui les ont adoptés auraient pu échouer dans leur sombre mission s’ils avaient été minoritaires? Difficile de répondre à cette question. Concluons néanmoins que les partis politiques qui en auraient permis la ratification en soutenant le gouvernement, se seraient trouvés par la suite en terre brûlée au Québec. C’est un peu d’ailleurs ce que vit présentement le PLC, lui qui écope pour tous les assauts qu’il a commis contre la nation québécoise.
La présence du Bloc québécois dans le Parlement canadien a favorisé au dernier scrutin la formation d’un gouvernement minoritaire. Il semblerait que le prochain le serait aussi. Que demander de mieux? Certes, cela peut prolonger l’indécision chez nombre de Québécois quant à leur avenir politique. Vrai également que l’administration Harper est toujours au pouvoir, même s’il se moque de l’environnement et qu’il gaspille des milliards dans l’industrie militaire, alors que les Québécois s’y opposent farouchement. Reste que le rempart bloquiste, s’il est bien dressé de manière à ce que l’électorat québécois l’aperçoive, peut finir par déclencher une offensive souverainiste.
Si une élection générale devait avoir lieu cet automne, la bande à Gilles Duceppe devra offrir davantage aux Québécois. Les conditions qu’elle impose dorénavant au gouvernement de Stephen Harper doivent servir d’argumentaires souverainistes. Montrer en effet aux Québécois qu’en se dotant d’un État national, ils pourraient clairement se dissocier des politiques canadiennes. Pour l’heure, ceux-ci ne pèsent pas bien lourd dans ce qui se décide à la Chambre des communes. Même le 400e anniversaire qui soulignera, l’année prochaine, la fondation de leur premier établissement permanent, fera l’objet d’une canadianisation qui en travestira le sens historique.
Le Bloc québécois peut surprendre et se défaire d’un boulet que l’adversaire fédéraliste lui a attaché depuis quelques années. Il peut faire plus que seulement bloquer des projets de loi dans l’État fédéral. La formation souverainiste peut également demander aux Québécois le mandat d’enclencher le processus menant à l’indépendance du Québec. Gilles Duceppe peut effectivement proposer aux Québécois de déterminer la nature du mandat qui le guiderait aux Communes. L’obtention de 50% + 1 vote des suffrages exprimés au Québec l’autoriserait ainsi à entreprendre des négociations avec le gouvernement fédéral en vue de réaliser l’indépendance du Québec. Resterait alors à un parti souverainiste de faire élire une majorité de députés à Québec pour entériner le travail des élus bloquistes.
Les Québécois ont déjà appuyé le Bloc québécois à plus de 53%, au début de la campagne électorale qui a mené à l’élection d’un gouvernement minoritaire conservateur. La frilosité du chef bloquiste avait alors fait fondre ce formidable appui populaire. Embarrassé par les questions des médias qui le talonnaient pour savoir s’il voulait affubler ce soutien majoritaire d’un mandat précis, Gilles Duceppe a alors préféré battre en retraite. Mal lui en prit. La meilleure stratégie défensive en politique est l’attaque. Seule l’audace pourra secouer cette formation souverainiste, et peut-être du même coup, un peuple qui hésite à dire « nous » à ceux qu’il accueille dans sa maison.
Patrice Boileau
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2 commentaires
Luc Bertrand Répondre
26 septembre 2007Monsieur Boileau, le Bloc n'a pas davantage le pouvoir de déclarer effective l'indépendance du Québec, même avec 75 député(e)s et 100% des voix des Québécois(e)s, que les 74 mercenaires québécois(e)s (?) de Trudeau ne pouvaient, en 1982, prétendre avoir l'aval du Québec à la constitution ou la charte des droits et liberté canadiennes. Bien sûr, moi aussi j'aurais bien aimé que Gilles Duceppe ait eu le guts de répondre au défi maladroit lancé par Paul Martin lors de la campagne de 2006, mais il faut rester rigoureux et cohérents. Si les député(e)s fédéraux n'ont pas la légitimité de représenter la volonté politique des Québécois(e)s, puisque leur fonction leur commande également de faire fonctionner un pays (le Canada) dans lequel nous sommes minoritaires et exclus du pouvoir, cela vaut pour toute allégeance politique. Nous, indépendantistes, avons clairement établi que le seul gouvernement représentant les intérêts de la nation québécoise était l'Assemblée nationale du Québec. Ceci a également été reconnu par les fédéralistes par les voix de Daniel Johnson, Jean Charest et Mario Dumont.
Par contre, Gilles Duceppe peut très bien affirmer détenir une légitimité tacite de l'ensemble des Québécois(e)s s'il obtient plus de 50% des suffrages en plus de la pluralité des sièges du Québec, s'il signifie clairement ce qu'il entend accomplir dans son mandat pendant la campagne électorale. Cependant, pour donner suite à un changement significatif aux pouvoirs du Québec (tels reconnaître la pleine souveraineté ou, au contraire, réduire ou limiter les pouvoirs de l'Assemblée nationale), l'Assemblée nationale doit se prononcer sur ces changements avant de les considérer effectifs, et possède ainsi un droit de veto. Sinon, il y a longtemps que la nation francophone québécoise aurait été carrément muselée politiquement, même au sein de son propre parlement.
Il y a deux approches possibles si le Bloc veut contribuer à la réalisation rapide du pays du Québec:
1° Il peut soit reprendre les revendications autonomistes de l'ADQ (fédéralisme décentralisé) ou nationalistes du PLQ (fédéralisme asymétrique) pour forcer le futur gouvernement fédéral à prendre des engagements fermes envers le Québec, à défaut de quoi les Québécois(e)s répondraient de façon appropriée lors des élections québécoises. Si les conservateurs, les libéraux et les néo-démocrates ignoraient l'ultimatum (situation la plus probable) et que les Québécois(e)s votaient massivement pour le Bloc, la table serait mise pour le PQ ou tout autre parti indépendantiste pour faire campagne en vue de réaliser ipso facto l'indépendance, afin de confirmer la décision signifiée lors de l'élection fédérale. Sinon, Jean Charest et Mario Dumont seraient placés au pied du mur et sommés d'officialiser le nouveau partage des pouvoirs, sous peine de renier leurs engagements envers les Québécois(e)s; ou
2° Il peut revenir à la charge avec le vote indépendantiste en sommant les Québécois(e)s de signifier leur intention de rompre avec le régime constitutionnel actuel et de déclarer le Québec libre face aux décisions du gouvernement canadien. Cette stratégie audacieuse ne manquerait pas de fouetter l'ardeur endormie des 40% d'électeurs en faveur de l'indépendance et forcerait la main au Parti Québécois pour enchaîner avec une élection décisive, en renversant au plus tôt le gouvernement Charest, comptant sur l'appui des député(e)s adéquistes souverainistes.
Agir autrement, comme présenter un vague programme pépère de pieuses revendications et acceptant la marginalité au sein du gouvernement fédéral, conduira à une répétition fédérale de la vague adéquiste de ce printemps, les conservateurs succédant aux adéquistes, bloquistes et néo-démocrates se partageant la moitié des comtés et les libéraux préservant leurs châteaux-forts de Montréal et de l'Outaouais.
Bien sûr, l'effondrement du BQ mènerait probablement à la formation d'un gouvernement conservateur majoritaire. Il resterait à espérer que la nature réelle du programme du PCC se manifeste librement, ce qui accélérerait les choses pour un parti indépendantiste à Québec. Au moins, Gilles Duceppe et les candidat(e)s du Bloc auraient vraiment été jusqu'au bout de leurs possibilités malgré une conjoncture politique vraiment inconfortable.
Archives de Vigile Répondre
26 septembre 2007Vous avez raison M. Boileau. Un député d'un autre grand parti est comme un pion entre les mains du chef, principalement s'il est Conservateur. Un député bloquiste l'est aussi avec le BLOC mais ce n'est pas, dans ce cas, pour aider à favoriser les pétrolières de l'ouest ou les intérêts des autres provinces.
Le BLOC va avoir de la difficulté à faire élire autant de députés la prochaine fois, suite à l'effondrement des PLC de M. Dion, au Québec. Ça va regrouper les fédéralistes qui votaient en grand nombre pour lui qui se tourneront vers le parti Conservateur et un peu vers le N.P.D.