Trois partis proposent aux Québécois de participer aux décisions. Aucun de ces partis ne s'appelle Bloc québécois, que dirige Gilles Duceppe.
PHOTO: GRAHAM HUGHES, PC
Martin Coiteux - Le Bloc québécois n'est pas un parti comme les autres. En ne présentant aucun candidat à l'extérieur du Québec, il n'a jamais à se préoccuper des besoins des Canadiens du reste du pays. Il n'aspire pas non plus à former le gouvernement. Il n'aura donc jamais de budget à défendre ni de responsabilités à assumer.
Pourtant, le Bloc accompagne sa plateforme électorale d'un cadre financier chiffré. Comme s'il allait défendre un budget à la Chambre des communes! Et à quoi ressemblerait ce budget du Bloc qui ne verra jamais le jour? En gros, il consisterait en un amalgame des mesures proposées par le Parti libéral et le NPD afin d'augmenter les revenus du gouvernement fédéral, mais contrairement au budget éventuel de l'un ou l'autre de ces deux partis, ces revenus additionnels ne seraient dépensés qu'au Québec. Le Bloc est social-démocrate, mais sa social-démocratie s'arrête aux frontières du Québec et se finance ailleurs qu'au Québec, dans une province en particulier.
En page 110 de sa plateforme électorale, le Bloc écrit en effet: «Le plafonnement de la péréquation permet au gouvernement fédéral de détourner les revenus provenant de la richesse albertaine pour ses propres priorités au lieu de permettre au Québec et aux provinces d'offrir des services à la population.»
Le Bloc se donne donc pour mission de transférer directement au gouvernement du Québec les revenus provenant de la richesse albertaine. Mais comment faire lorsque l'autorité fiscale du Québec s'arrête aux frontières de l'Outaouais? Le Bloc, heureusement, a trouvé la solution. En page 108 de sa plateforme, il écrit: «Le Bloc québécois demandera, lors de toutes les occasions qui s'offrent à lui, le rapatriement de points d'impôt vers le gouvernement du Québec.»
Faisons les calculs. Supposons que le gouvernement fédéral eut acquiescé à la demande du Bloc dès l'exercice financier 1999-2000 et qu'il eut alors accepté de transférer au Québec les points d'impôt correspondant aux quelque 6,1 milliards de dollars de transferts en espèces qu'il lui a versés cette même année. Un simple calcul montre que ces 6,1 milliards en 1999-2000 se seraient transformés en 8,7 milliards en 2009-2010, grâce à la croissance de l'économie du Québec. Ça paraît beaucoup, 8,7 milliards? C'est pourtant 6,5 milliards de moins que les 15,2 milliards que le Québec a dans les faits reçus du gouvernement fédéral en 2009-2010. L'adoption de l'approche du Bloc en 1999-2000 aurait donc privé le Québec de 6,5 milliards de dollars en 2009-2010.
D'où sont venus ces 6,5 milliards? Sans surprise, ils sont venus surtout de l'Alberta dont la croissance économique a permis de gonfler les revenus fiscaux du gouvernement fédéral. Loin de s'accaparer la richesse albertaine, comme le Bloc le prétend, le gouvernement fédéral en a plutôt transféré une partie aux autres provinces, dont le Québec. Voilà très exactement comment fonctionne une fédération qui partage la richesse entre les régions plutôt qu'elle ne la concentre dans une seule. Cela implique en même temps que le Québec n'a surtout pas besoin du rôle revendicateur du Bloc pour profiter de la richesse de l'ensemble du pays. Il n'a pour cela qu'à participer à l'ensemble pour profiter du budget commun à l'ensemble.
Avec ou sans le Bloc, les Québécois bénéficient donc déjà grandement du partage du budget commun à l'ensemble des Canadiens. Avec le Bloc cependant, ils laissent aux autres Canadiens la responsabilité de définir les orientations et de gérer ce budget. Trois partis proposent aux Québécois de participer aux décisions. Aucun de ces partis ne s'appelle Bloc québécois. Aux Québécois de choisir.
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Martin Coiteux
L'auteur est professeur au service de l'enseignement des affaires internationales à HEC Montréal.
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La liberté de choix retrouvée des Québécois
Jack Layton et sa femme Olivia Chow étaient à Toronto hier. En votant NPD, les Québécois contribueraient à rétablir l'alternative gauche-droite qui caractérise le choix électoral dans la plupart des démocraties.
PHOTO: ANDREW VAUGHAN, PC
Martin Coiteux - L'auteur est professeur au service de l'enseignement des affaires internationales, HEC Montréal.
Y aura-t-il une vague orange au Québec le 2 mai prochain et s'il y en à une, quelle en sera l'ampleur? Ces questions tout simplement inimaginables au moment du déclenchement de l'élection sont maintenant sur toutes les lèvres. Qui aurait cru que la campagne allait prendre un tel tournant et que le Québec, longtemps absent du débat national, allait soudainement changer la donne pour l'ensemble du pays?
De nombreux facteurs expliquent ce renversement. D'abord, il est indéniable qu'un grand nombre de Québécois éprouvent une fatigue bien réelle à l'égard d'un Bloc québécois, qui semble tenir leur vote pour acquis en ne leur promettant pourtant que l'opposition. Dans ce terreau fertile, la campagne résolument positive et le charisme de Jack Layton ont séduit. Il y a néanmoins un autre facteur. Les Québécois ont été particulièrement favorables à la tentative de coalition entre le Parti libéral et le NPD en 2008. L'une des raisons pour laquelle ils aimaient cette idée de coalition était qu'ils y voyaient l'occasion de récupérer une liberté de choix perdue. Le Parti libéral de Michael Ignatieff a depuis fermé la porte à l'idée. Pas le NPD.
Dans la plupart des démocraties occidentales, les électeurs ont généralement le choix entre deux types de gouvernement, l'un plus à «droite» et l'autre plus à «gauche». Le Canada a longtemps fait exception puisque le Parti libéral offrait sa propre synthèse de ces deux types de gouvernement tandis que le Parti conservateur, qui lui disputait le pouvoir, se disait lui-même «progressiste». Depuis que les conservateurs ont abandonné leur étiquette progressiste et depuis que les Québécois francophones ont abandonné le Parti libéral du Canada, cette version toute canadienne du choix entre la gauche et la droite a volé en éclat. Il est donc normal que l'on cherche à rétablir ce choix sous une autre forme.
Le NPD peut-il constituer seul l'alternative de gauche? En principe, sa plateforme en a tous les ingrédients: un rôle actif du gouvernement dans l'économie, de nouveaux transferts aux particuliers, des objectifs contraignants de réduction des gaz à effets de serre et même, le plafonnement des taux d'intérêt sur les cartes de crédit. Le NPD est contre la baisse du taux d'imposition des sociétés et propose même de ramener ce taux à 19,5%. Dans bien des domaines, la différence essentielle entre la plateforme du NPD et celle du Parti libéral tient à l'ampleur, que plusieurs diront irréaliste, plutôt qu'à la nature des initiatives proposées. Le NPD a cependant deux atouts que ne peut offrir le Parti libéral en 2011: la constance de ses idées, alors que le Parti libéral a souvent oscillé entre l'une et son contraire, et surtout, l'attrait du neuf pour des électeurs qui ont soif de changement, particulièrement au Québec où la marque libérale a souffert d'un important déclin.
Pour autant, personne ne s'attend à ce que le NPD remporte les élections le soir du 2 mai. Le NPD peut cependant sérieusement espérer réduire l'écart qui le sépare du Parti libéral et même, si les astres continuent de s'aligner en sa faveur, lui ravir le titre d'opposition officielle. Dans un cas comme dans l'autre, cela devrait donner au Parti libéral la dose d'humilité nécessaire pour que ceux de ses militants qui sont les plus favorables à une union avec le NPD gagnent en influence. Après l'union de la droite, le Canada aura-t-il son union de la gauche? Voilà un choix auquel les Québécois ont l'occasion de donner une poussée peut-être historique en délaissant le Bloc au profit du NPD.
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