Après Maxime Bernier et le Parti conservateur, c’est au tour du Bloc québécois d’exprimer des réserves quant au Pacte pour des migrations sûres, ordonnées et sécuritaires des Nations unies. Selon le Bloc, le document aurait dû faire l’objet d’un débat avant que le Canada y souscrive. Surtout, il craint que le texte international ne soit utilisé par les tribunaux canadiens pour infléchir peu à peu le droit.
Le Pacte a été officiellement signé à Marrakech lundi matin lors d’une rencontre à laquelle ont assisté 159 pays — dont le Canada —, réputés favorables au projet. Le document n’a pas été soumis à un vote, mais pourrait l’être la semaine prochaine à New York. Le Bloc estime que le Canada aurait dû s’abstenir.
« Il y a des principes très louables dans ce pacte-là, notamment d’intervenir sur les déterminants de ces grands flux migratoires, que ce soit la vente d’armes, les changements climatiques, les dictatures, toute la question des droits humains, explique le député bloquiste Luc Thériault. Sauf que, ceci étant dit, il y a quand même des pays qui considèrent qu’il y a un flou et que ça pourrait porter atteinte à leur souveraineté. Je pense qu’il y aurait eu lieu de faire un débat et de clarifier tout cela. » M. Thériault a tenté lundi de faire adopter une motion à la Chambre des communes déplorant cette absence de débat, mais il n’a pas obtenu le consentement unanime nécessaire.
Le Pacte se veut une invitation aux pays de la planète à adopter les meilleures pratiques en matière de gestion des migrations humaines. Il établit 23 principes, certains très généraux — « lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d’origine » — et d’autres plus prescriptifs — « assurer l’accès des migrants aux services de base » ou « ne recourir au placement en rétention […] qu’en dernier ressort ».
Lors de sa conception en 2016, le Pacte avait été appuyé par tous les pays de la planète, sauf les États-Unis. Mais depuis quelques semaines, plusieurs États s’en sont retirés. L’Australie, par exemple, s’inquiète du passage sur l’incarcération, alors qu’elle emprisonne des migrants, enfants inclus, sur des îles isolées. Le Brésil a aussi annoncé son retrait lundi. L’Italie et la Suisse ont choisi de retarder leur adhésion au Pacte afin de laisser le temps à leurs Parlements respectifs d’en débattre, justement.
Au Canada, le chef du nouveau Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, a le premier multiplié les sorties pour dénoncer ce qu’il considère être un « dangereux traité ». Le chef conservateur, Andrew Scheer, a emboîté le pas, déplorant que le Pacte « accorde à des entités étrangères une influence sur le système d’immigration du Canada ».
Le Pacte mentionne pourtant clairement qu’il est « juridiquement non contraignant » et qu’il permet à chaque pays de développer ses propres politiques migratoires. Mais M. Scheer estime que ces garanties n’empêcheront pas les tribunaux de s’inspirer du document onusien pour éclairer leurs décisions et peu à peu faire changer le droit canadien. Le Bloc abonde.