Tout le monde avait sursauté quand ce bon et loyal Canadien qu’était Gérard D. Levesque avait repris à son compte l’image du « fédéralisme prédateur » dans son budget du 1er mai 1986. C’était son vis-à-vis fédéral, Michael Wilson, qui en avait d’abord fait le reproche au gouvernement Trudeau quatre ans auparavant et voilà qu’il se comportait de la même façon.
On avait pris l’habitude des colères de Jacques Parizeau, qui accusait continuellement Ottawa de chercher à étouffer le Québec en sabrant la péréquation et les paiements de transfert, mais entendre son successeur libéral reprendre le même refrain donnait l’impression d’un enfant de choeur qui se serait soudainement mis à blasphémer.
Contrairement à celui de Pierre Elliott Trudeau, le gouvernement Mulroney était pourtant considéré comme un allié du Québec, sur lequel même René Lévesque avait misé avec le « beau risque ». L’accord du lac Meech était déjà en gestation et M. Levesque espérait de M. Wilson une meilleure compréhension, mais il allait se heurter pendant des années à la même intransigeance que M. Parizeau.
Il est vrai que Robert Bourassa venait de faire élire 99 députés, de sorte que les libéraux n’avaient pas à craindre de donner des munitions au PQ en attaquant Ottawa. Bientôt, Pierre Marc Johnson allait mettre le cap sur « l’affirmation nationale » et le souvenir de la menace souverainiste commençait à s’estomper.
♦♦♦
Mardi, quand le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a dénoncé à son tour le « fédéralisme prédateur » pratiqué par Jim Flaherty, son critique libéral, Pierre Paradis, s’est aussitôt rangé du côté d’Ottawa. À l’entendre, le retour au déséquilibre fiscal ne serait que l’invention d’un gouvernement incapable de gérer les finances publiques. « Le seul déséquilibre ici, c’est le déséquilibre de compétence entre les ministres des Finances », a-t-il lancé.
Il est clair que M. Marceau commence déjà à écrire un chapitre important du livre blanc sur la souveraineté que la première ministre Marois a promis si elle arrive à former un gouvernement majoritaire, mais le problème qu’il constate n’est pas imaginaire pour autant.
Quand Philippe Couillard fait valoir que les transferts fédéraux vers le Québec ont augmenté de 12 à 19,5 milliards au cours des dernières années, il reprend à son compte un grossier sophisme made in Ottawa. Si le total des transferts, incluant la péréquation, a en effet augmenté en chiffres absolus, l’important est que ceux-ci représentent un pourcentage du PIB bien inférieur à ce qu’il était quand Gérard D. était sorti de ses gonds.
La situation sera encore plus difficile dans trois ans, quand le transfert fédéral en santé, qui augmente actuellement de 6 % par année, sera indexé à la croissance économique. Si M. Couillard estime cette baisse acceptable, il lui faudra dire quels services devraient être désassurés. Faudrait-il les abandonner au privé ?
♦♦♦
Certes, le PLQ a bien changé depuis le cri du coeur de M. Levesque. Déjà, quand Yves Séguin, devenu ministre des Finances de Jean Charest, a comparé Ottawa à un vampire, sa disgrâce est devenue hautement prévisible.
Peut-être en raison de son passé péquiste, qui le rendait suspect aux yeux de certains, Raymond Bachand utilisait un vocabulaire moins percutant, mais ses budgets n’en contenaient pas moins des annexes très éclairantes sur le désengagement du gouvernement fédéral.
On peut comprendre qu’à la veille du déclenchement d’élections qu’ils souhaitent faire porter largement sur la mauvaise gestion financière du gouvernement, les libéraux n’entendent accepter aucune excuse, mais la facilité avec laquelle le gouvernement fédéral a éliminé son déficit, alors que la majorité des provinces s’embourbent, ne peut s’expliquer simplement par le courage de « couper dans le gras ».
Quand on voit la colère que le budget Flaherty a suscitée en Ontario, dont l’industrie automobile a pourtant reçu une aide additionnelle de 500 millions, en sus des milliards octroyés au cours des dernières années, la satisfaction affichée par le PLQ a de quoi étonner.
L’intransigeance du gouvernement Harper dans le dossier de la main-d’oeuvre, qui avait pourtant été réglé à la satisfaction du Québec — et des entreprises dont il dit vouloir satisfaire les besoins — par un accord avec un gouvernement aussi peu suspect de complaisance envers les provinces que celui de Jean Chrétien, témoigne de l’évolution du « fédéralisme d’ouverture » promis en 2006.
Dans la perspective d’une reprise du débat sur la souveraineté, dans l’éventualité de l’élection d’un gouvernement péquiste majoritaire, il est clair que les Denis Lebel, Christian Paradis et autres Steven Blainey ne feront pas le poids. Est-ce une raison pour que le PLQ et son chef se fassent la voix d’Ottawa ?
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé