Le livre noir

Un exercice avant tout pédagogique sur la toxicité du Canada pour le Québec

On a déjà trouvé de nombreux ancêtres au livre blanc sur l’avenir du Québec et à la consultation à laquelle il donnera lieu si le PQ arrive à former un gouvernement majoritaire : le livre blanc de 1979 sur la « nouvelle entente Canada-Québec » de René Lévesque, la commission Bélanger-Campeau (1990-1991), les commissions itinérantes de 1995…

En réalité, aucun de ces exercices n’est réellement comparable. Le livre blanc sur la « nouvelle entente » constatait bien « l’impasse du fédéralisme », mais il visait davantage à expliciter le concept de « souveraineté-association ». Il n’a fait l’objet d’aucune consultation publique et sa publication est survenue à la toute veille du dépôt de la question référendaire. On est encore très loin de là.

Créée d’un commun accord entre le gouvernement Bourassa et le PQ et dotée d’une présidence bicéphale, la commission Bélanger-Campeau avait réellement fait oeuvre de pédagogie. Fédéralistes et souverainistes y avaient participé de bonne foi. Jamais les Québécois ne s’étaient intéressés à ce point à la question constitutionnelle.

Pauline Marois a beau se défendre de préparer un « livre noir du Canada », on peut prédire sans grand risque de se tromper qu’il conclura que la somme des inconvénients du fédéralisme sera largement supérieure à celle de ses avantages. Toute la difficulté consistera précisément à éviter de donner l’impression d’un procès dont le verdict est écrit d’avance.

Les commissions régionales itinérantes de l’hiver 1995, que Jean-François Lisée avait inspirées à Jacques Parizeau, lui avaient fourni un excellent prétexte pour rajuster le tir avant de se lancer dans un référendum qu’il avait formellement promis de tenir dans l’année. La question simple et claire qu’il comptait poser aux Québécois s’était transformée en une proposition compliquée sur la « souveraineté-partenariat », qui prévoyait une période de négociations aux résultats incertains et une kyrielle d’institutions communes avec le reste du Canada.

On dit d’ailleurs que l’idée d’un livre blanc a été suggérée à Mme Marois par un comité sur la souveraineté auquel siègent des personnalités aussi diverses que le constitutionnaliste Henri Brun, le chanteur Paul Piché, l’ancienne présidente de la CSN Claudette Carbonneau et… Jean-François Lisée.

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Dans la généalogie du livre blanc, il ne faudrait pas oublier la commission Bouchard-Taylor. En 2007, c’est le moyen que Jean Charest avait trouvé pour évacuer la question des accommodements raisonnables de la campagne électorale. De la même façon, Mme Marois pourra renvoyer le dossier de la souveraineté après les élections, tout en donnant aux militants péquistes l’espoir que quelque chose pourrait enfin se passer.

Il est vrai qu’après avoir retrouvé sa majorité, M. Charest s’était empressé d’expédier le rapport Bouchard-Taylor sur les tablettes, mais il pouvait compter sur la docilité d’un parti qui a pour règle de conduite de faire le moins de vagues possible. Même s’il s’est passablement assagi, le PQ est fait d’un autre bois.

Certes, Mme Marois ne se commettra pas sur la tenue d’un référendum au cours d’un prochain mandat, mais les militants toléreront difficilement que le livre blanc sur l’avenir du Québec n’aboutisse à rien, faute de « conditions gagnantes ». C’est toutefois là une réalité avec laquelle tout premier ministre péquiste dirigeant un gouvernement majoritaire doit apprendre à composer.

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Philippe Couillard a tort de n’y voir qu’une diversion destinée à éviter de discuter des vrais problèmes auxquels le Québec est confronté. Les fédéralistes semblent toujours trouver inconcevable que d’autres puissent penser que la souveraineté fait précisément partie des solutions à ces problèmes.

Il est faux de dire que le chef du PLQ entend signer la Constitution sans condition ni consultation, comme l’a affirmé Mme Marois. Il a clairement indiqué que ses conditions étaient toujours celles de l’accord du lac Meech et a assuré jeudi que tous les Québécois auraient l’occasion de se prononcer, même s’il n’a pas précisé comment.

La précipitation avec laquelle M. Couillard sent le besoin de clamer sa ferveur fédéraliste chaque fois qu’il en a l’occasion fait toutefois le jeu du PQ, un peu comme son ultralégalisme sur la question du port de signes religieux. Faut-il comprendre que les libéraux boycotteraient les consultations sur le livre blanc, comme ils avaient boycotté les commissions itinérantes de 1995 ?

Un qui doit être soulagé que la reprise du débat sur l’avenir politique du Québec soit reportée à plus tard, c’est François Legault. Déjà victime de la polarisation provoquée par la charte de la laïcité, il aurait trouvé encore plus inconfortable de passer la campagne électorale assis sur la clôture constitutionnelle.


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