J’ai gagné mon existence en œuvrant une trentaine d’années durant dans tous les aspects de la poutine quotidienne ainsi que dans les grands moments des relations du travail. Je serais dans ces circonstances ainsi que par convictions, « mal avisé » de m'attaquer au droit d’association, à la reconnaissance syndicale et à la libre négociation collective.
En rétrospective, cependant, je vois avec beaucoup plus d’acuité au travers les « shows de boucane » idéologiques des bouffons de service qui, « à la droite de la droite » ou « à la gauche de la gauche», diabolisent leurs adversaires et sèment à qui mieux mieux la confusion en soufflant leur bouleshit, leurs sophismes ou leurs demi-vérités à des fins politiques, partisanes et d’égo-promotion.
C’est ce genre de mesquinerie intellectuelle, qui a parfois frôlé l’imposture, que j’ai récemment reprochée à Martine Ouellet, si clairement propulsée par Pierre Dubuc. Une vision du monde en noir et blanc, sans teintes de gris, fait de « oui ou non », de « pro ou anti », de « bien ou mal », à chacun son archange ou son Grand Satan.
Dans mon dernier pamphlet, l’envers non traité de la médaille était la complexe question de l’accréditation syndicale et la hautement controversée « formule Rand ». Une question dont les réponses pourraient faire l’objet de longs mémoires.
Je me contenterai de rappeler ici sommairement que l’accréditation syndicale, attribuée par l’État en vertu des dispositions du Code du travail, donne au Syndicat reconnu le pouvoir exclusif de représenter tous les salariés compris dans l’unité de négociation.
Un immense pouvoir institutionnel par lequel sont liquéfiées dans un gel cytoplasmique silencieux tous et chacun des travailleuses et des travailleurs au profit de l’ensemble et dont le noyau décisionnel est nominalement le « Syndicat », le plus souvent devrions nous dire sous l’influence, l’ascendant, l’autorité et les directives des tous puissants conseillers et avocats syndicaux des superstructures auxquelles ces syndicats sont affiliés et qui s’accaparent 75% des cotisations syndicales prélevées localement à la source, en vertu de la « formule Rand ».
Curieusement, lorsque Pierre Dubuc et Martine Ouellet évoquent la « formule Rand », ils omettent de mentionner qu’en contrepartie de l’immense pouvoir exclusif de représentation et de taxation dont ils disposent, les syndicats ont le devoir légal de « juste représentation » à l’égard de tous et chacun des salariés visés par l’accréditation.
Ce devoir devoir est occulté pour cause, car en cette matière, la feuille de route des amis de Pierre et de Martine, dans l’establishment syndical, comporte des zones sordides, sans aucune mesure de gravité avec ce qu’ils ont pu reprocher au candidat PKP. La paille et la poutre.
*
Le 15 mai prochain, à la chambre criminelle du palais de justice de Montréal, l’ex-représentant syndical du Syndicat des Communications de Radio-Canada (FNC-CSN), Gordon Mac Dougall, recevra sa sentence après avoir plaidé coupable à des accusations de harcèlement criminel à l’égard d’une annonceure-réalisatrice, membre de même syndicat.
Ce qu'il faut savoir du point focal de cette longue, couteuse et pénible saga de harcèlement au travail – qui n’est pas terminée - est que l’establishment syndical avait usé de tous les procédés possibles, légaux et interdits, pour étouffer l’affaire et empêcher la victime d’accéder à la procédure de grief et de trouver réparation (1).
L’exemple parfait de l’hypocrite « raison d’État », par laquelle le Syndicat des communications de Radio Canada, la silencieuse et tentaculaire Fédération Nationale des communications et jusqu’à la pharisienne responsable de la condition féminine de la CSN, s’autorisaient à violer ou à ignorer les droits de la victime en occultant au passage leurs prétendus « principes sacrés » au nom du critère supérieur de la solidarité syndicale institutionnelle.
Ainsi, après avoir versé au cours des ans un montant cumulatif de près de cinquante mille dollars en cotisations syndicales prélevées en vertu de la « formule Rand », la victime d’un représentant syndical criminel voyait maintenant ses propres cotisations employées par l’establishment syndical pour la réduire au silence.
Une assistance syndicale stratégique inespérée pour la direction de Radio-Canada. Une collusion, pourraient croire certains selon la prépondérance des probabilités.
Comme l’indiquait Jean Brilland, le 7 mai dernier en commentaire de mon dernier article :
« Le monde syndical est malade. Les fruits du syndicalisme ont été certes nombreux et d’une grande valeur pour l’évolution du Québec. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La concentration du pouvoir et la corruption au sein du milieu syndical sont palpables. On n’a qu’à s’entretenir avec les dirigeants des centrales pour s’en rendre compte. Malgré leur discours, on sent que la forte majorité d’entres eux sont déconnectés des travailleurs. Au final, ce sont les travailleurs y perdent au change. »
Je fais essentiellement mien cet élément de son commentaire.
Comme d’autres, je me suis demandé quelles étaient les raisons qui avaient poussé Pierre Dubuc à cracher autant de vitriol frelaté à la figure de Pierre-Karl Péladeau. En tant qu’ex-praticien en relations du travail, la première réponse qui m’est venue à l’esprit (déformation professionnelle oblige) est qu’une telle posture de Dubuc a peut-être l’avantage de placer Radio-Canada dans de meilleures dispositions alors que s'amorcent des difficiles négociations collectives.
Évidemment, « conjecturer et savoir exactement sont choses différentes. ». Mais je crois bien discerner là une parcelle de vérité.
Jean-Pierre Bélisle
(1) Pour les férus de droit du travail ou les infatigables curieux...
Le 5 octobre 2012, Mme Z (la plaignante) déposait au Conseil canadien des relations industrielles une plainte de manquement au devoir de représentation juste contre son syndicat, le Syndicat des communications de Radio-Canada (FNC-CSN). La plaignante alléguait que le syndicat avait agi de manière arbitraire, discriminatoire et de mauvaise foi, en violation de l’article 37 du Code, parce que ce dernier était en situation de conflit d’intérêts et ne pouvait donc pas la représenter adéquatement dans le cadre de son grief de harcèlement. Fait tout aussi inusité que caractéristique dans un dossier qui n'était pas le sien, la procureure de Radio-Canada demanda par écrit au CCRI de rejeter la plainte de Mme Z contre son syndicat. La convergence.
Le 12 mai 2014, le Conseil faisait droit à la plainte de Mme Z .
http://decisia.lexum.com/cirb-ccri/cirb-ccri/fr/item/71468/index.do
Le 11 juin 2014, le Syndicat des communications de Radio-Canada (FNC-CSN) déposait une demande de réexamen de la décision rendue par le Conseil dans Mme Z, 2014 CCRI 727 (Mme Z 727). Le banc initial du Conseil avait tenu une audience les 14 et 15 janvier 2014 à Montréal.
Le 8 janvier 2015, le Conseil canadien des relations industrielles, composé de Me Elizabeth MacPherson, Présidente, et de Mes Judith MacPherson, c.r., et Graham J. Clarke, Vice-présidents rejetait unanimement la demande de révision du Syndicat.
http://decisia.lexum.com/cirb-ccri/cirb-ccri/fr/item/100372/index.do
Le 13 janvier 2015, la Cour d’appel fédérale rejetait unanimement « sur le banc » l’appel du Syndicat des Communications de Radio-Canada.
http://decisions.fca-caf.gc.ca/fca-caf/decisions/fr/item/107751/index.do
Tandis que l’appareil syndical puisait sans restriction dans les poches profondes des cotisations syndicales prélevées grâce à la « formule Rand », la victime du représentant syndical a dû – elle - assumer seule 50000$ en honoraires d’avocat pour faire valoir ses droits.
Le Code du travail
http://www.canlii.org/fr/qc/legis/lois/rlrq-c-c-27/derniere/rlrq-c-c-27.html
Dispositions "anti-scabs" et "formule Rand"
La vision du monde en noir et blanc de Pierre Dubuc et de son amie Martine Ouellet
Ce que l'establishment syndical ne vous dit pas
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4 commentaires
Jean-Pierre Bélisle Répondre
20 mai 2015Le 15 mai dernier, dans R c. Gordon Mac Dougall, le juge Jean-Pierre Boyer déterminait comme suit la peine de l'ex-représentant syndical du SCRC (FNC-CSN):
Sans autre commentaire.
Archives de Vigile Répondre
15 mai 2015Je suis d'accord avec vos propos malheureusement. J'ai cru à mon syndicat et quand est venu le temps de me défendre il m'a laissé tomber à la dernière minute. Je me suis battue seule mais révoltée de voir tout cette magouille et je comprends très bien que les gens aient voté pour P.K.P.
Jean-Pierre Bélisle Répondre
13 mai 2015P.S. (1): Prière de noter que dans le cas spécifique de Radio-Canada, dont les activités relèvent de la compétence fédérale, c'est le Code canadien du travail (LRC 1985, c L-2) qui trouve application.
http://www.canlii.org/fr/ca/legis/lois/lrc-1985-c-l-2/derniere/lrc-1985-c-l-2.html
Enfin, ... jusqu'à nouvel ordre :-)
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
13 mai 2015Pareil brûlot, associant une candidate aux pires positions des Forces canadiennes sexistes, devrait être interdit en ce commencement de la période de scrutin.