J’ai beaucoup hésité à choisir le mot ou l’expression. « Déception » m’est venu. « Manque de respect », aussi. Mon clavier a même fleurté avec « malhonnêteté intellectuelle ».Mais c’est le mot « triste » qui s’est imposé.
Les propos tenus ces derniers jours par Françoise David sur les progressistes du Parti québécois sont tristes. Parce que, au-delà de nos divergences, j’ai toujours pensé que Françoise (et Amir) avaient pour les autres progressistes une attitude ouverte qui leur interdisait les accusations démagogiques et les généralisations outrancières qu’on retrouve dans la bouche des Libéraux.
Que Françoise et Amir soient très fâchés contre PKP, je le conçois aisément. Qu’ils jugent que c’est une erreur pour un parti souverainiste social-démocrate de l’accueillir dans ses rangs, c’est une opinion dont on peut débattre.
Mais qu’ils partent de cela pour accuser tout un parti — 90 000 membres – des milliers de militants actifs, une tradition et des élus de n’être plus progressistes, c’est un affront à l’intelligence de tous les Québécois et un affront à tous les progressistes du Québec.
C’est un affront à tous les combats que nous avons menés. Et à ceux que nous menons en ce moment, au Parti québécois de Pauline Marois, pour faire reculer l’itinérance et la pauvreté, mieux financer les groupes communautaires, inventer l’assurance autonomie, multiplier les logements abordables et sociaux, créer des maternelles quatre ans, offrir des cantines scolaires à tous les écoliers qui ont faim et compléter le plus grand réseau de garderies à faible coût sur le continent.
Affirmer que nous tous, députés du PQ, membres d’exécutifs, membres et sympathisans, ne sommes plus progressistes, que notre parti ne l’est plus, que nous ne comptons plus est non seulement un mensonge, mais une accusation de la plus basse démagogie.
C’est triste. Françoise avait, patiemment, puis lors de la campagne de 2012, donné l’image d’une femme aux idées, certes, radicales, mais d’une femme posée, de gros bon sens. Honnête. Cela l’avait montée sur un piédestal dans l’estime des Québécoises et des Québécois. Un piédestal dont elle vient de tomber. Elle s’est jetée en bas, dans le caniveau de l’argumentation, avec une fougue dont je ne l’aurais jamais cru capable.
On trouvait même, dans le mouvement souverainiste, des gens pour l’excuser d’avoir divisé le vote en créant, pour de pures raisons idéologiques, un nouveau parti indépendantiste qui nuirait au PQ et qui, de fait, a empêché le Parti québécois de devenir majoritaire il y a 18 mois. (Voir ici. La moitié des votes QS et ON aurait suffi à donner la majorité au PQ en 2012.) Car elle était si gentille.
Cette semaine, elle a déçu. PKP est de centre droit, c’est vrai. Il se joint à une formation où les progressistes prédominent. Accuser tout le PQ de n’être plus progressiste est aussi odieux que si on disait que tous les membres de Québec Solidaire sont des communistes, simplement parce que QS compte en son sein quelques personnes qui s’affichent officiellement comme communistes.
Nous, progressistes du Parti québécois, avons toujours eu trop de respect pour nos cousins souverainistes de QS pour utiliser ce genre de rhétorique et nous ne le ferons pas. Nous espérions la pareille. Nous sommes déçus.
La politique de la division
Avec l’arrivée simultanée dans l’équipe de candidats du Parti québécois de Pierre Céré, venu du mouvement de défense des chômeurs, homme de gauche, et du grand patron PKP, homme de centre-droit, Pauline Marois fait la démonstration qu’elle sait rassembler, comme René Lévesque l’avait fait avant elle en intégrant Gilles Grégoire, populiste de droite, dans un parti marqué à gauche. (Pour un rappel historique de cette pratique, voir ici.)
Le contraste entre l’attitude rassembleuse de Pauline Marois et l’attitude d’exclusion de Françoise David est frappant.
Mais j’irais plus loin. Françoise a déclaré que « jamais » elle n’accepterait de s’asseoir sur les mêmes banquettes que PKP. « Jamais », donc même pour la cause d’un Québec souverain. PKP, lui, a déclaré qu’il s’asseoirait sans hésitation aux côtés de Françoise David pour faire cause commune, pour la souveraineté et pour d’autres combats qui les réuniraient.
Qui est le plus rassembleur ? Surtout, qui est le plus indépendantiste ? La réponse coule de source.
Dans la logique de Françoise David, PKP a certes le droit d’être indépendantiste, mais le PQ ne devrait pas l’accueillir. Où devrait-il aller ? Faire comme Françoise et Amir et mettre son idéologie au dessus du projet national ? Fonder un Parti indépendantiste de droite ? Diviser encore plus le vote souverainiste ? Faire encore davantage le jeu des fédéralistes ?
C’est la logique de la division. Un radical de gauche, Pierre Falardeau, nous avait avertis, dès la création de Québec solidaire, des dangers de cette fragmentation. Il utilise un language un peu trop cru à mon goût. Mais il vaut la peine de l’écouter, alors que Françoise et Amir ont franchi une ligne éthique en faisant désormais preuve de mépris envers les militants progressistes du grand parti de rassemblement souverainiste qu’est le Parti québécois:
Oui, je suis fâché. Mais surtout, je suis triste.
La triste chute de Françoise David
Le vrai visage de Mère Theresa
Jean-François Lisée297 articles
Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.
Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québ...
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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.
Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.
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