Les derniers jours de la campagne électorale québécoise ont été le théâtre d’un des plus sombres épisodes de l’histoire démocratique du Canada. Stephen Harper, alors acculé au pied du mur par une coalition formée de trois partis politiques, dont le Bloc Québécois, a demandé à la gouverneure générale du Canada de proroger la session parlementaire alors que rien ne l’autorisait légalement et légitimement à le faire. Gagnant sa gageure, il a alors profité de l’occasion pour inviter les partis d’opposition de la Chambre des Communes à se joindre à lui afin d’isoler les députés séparatistes du Bloc québécois démocratiquement élus par les Québécois.
Isoler les séparatistes du Québec, quand ce n'est pas le Québec, est devenu une habitude au Canada anglais depuis la nuit des longs couteaux, reprise sans la moindre gêne lors des accords du Lac Meech. En fait, les séparatistes du Québec peuvent faire toutes les alliances stratégiques qu’ils voudront, ils seront presque toujours assurés que l’opération se terminera par la trahison du ROC.
Comme en 1981 et en 1990, le Québec doit donc s’attendre au pire des scénarios: perdre la prochaine joute qui se déroulera à Ottawa. S’il y a formation d’un gouvernement de coalition, il est presque certain qu’il ne respectera pas l’entente conclue avec le Bloc parce qu’il est acquis au Canada anglais qu’on ne peut pas convenir, ni légalement, ni légitimement, d’une entente avec les séparatistes du Québec parce que ça ne se fait pas, c'est contraire à l'esprit de la constitution canadienne.
Le Bloc, ayant alors la balance du pouvoir, aura le dilemme de défaire la coalition et de provoquer des élections que les conservateurs gagneront majoritairement ou de supporter ceux qui l’auront trahi. En plus d'avoir été humilié, le Bloc aura donc fait la démonstration à la face de tous les Québécois de son impuissance à obtenir quoi que ce soit du Canada.
Pendant ce temps, à Québec, le gouvernement de Jean Charest laissera le Bloc se pendre lui-même, invoquant qu’il n’a jamais appuyé le Bloc dans cette initiative, étant alors en pleine campagne électorale provinciale. Comment les Québécois réagiront devant une telle situation ?
Si rien n’est fait dès à présent par les partis souverainistes à Québec et à Ottawa pour construire un rapport de force avec le reste du Canada et mettre de la pression sur le gouvernement de Jean Charest pour qu'il entre dans le jeu, les Québécois s’abstiendront d’aller voter comme ils le font de plus en plus d’une élection à l’autre, fédérale comme provinciale, et nous n'aurons alors réussi qu’à nous affaiblir davantage à l'occasion de ce nouvel épisode où le Québec aura été encore une fois trahi.
Il ne faut pas oublier que la trahison est une arme qui fait depuis longtemps partie de l’arsenal canadien afin de contrer les séparatistes, l’objectif des fédéralistes canadien, même ceux du Québec, étant d’affaiblir les séparatistes québécois jusqu’à ce qu’ils ne soient plus une menace pour la sécurité du Canada. Ce jour-là, le Québec deviendra tout simplement une province comme les autres, la menace séparatiste ne fonctionnant plus !
Louis Lapointe
Le Québec n'a pas d'alliés
La trahison
Les forces souverainistes doivent se préparer au pire des scénarios
Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
Cliquer ici pour plus d'information
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
2 commentaires
Marcel Haché Répondre
13 décembre 2008L'élection des libéraux majoritaires à Québec fragilise la position du Bloc à Ottawa.La légitimité du Bloc va être attaquée par les partis fédéraux(fédéralistes)mais trahie par les partis provinciaux fédéralistes.
Ce que cherche toujours et encore Harper,c'est la dominance en Ontario.
S'il y avait une nouvelle élection fédérale prochainement,cela obligerait les libéraux fédéraux à faire une saprée lutte aux Bloc,les conservateurs étant par ailleurs gagnants partout au Canada par suite de leur campagne à l'unité canadienne, anti-séparatiste.Le N.P.D. et le P.L.C. seraient tous deux perçus comme des alliés inconscients des bloquistes à l'intérieur de la coalition.Harper est un meilleur stratège qu'il n'y paraît.
Ce n'est pas la ruse qui sauvera le Bloc.On peut compter sur les fédéraux pour la démasquer.
Advenant bientôt une élection,le Bloc sera rendu à la croisée des chemins :il devra s'adresser au peuple québécois de façon très honnête.La dernière élection provinciale québécoise,son faible taux de participation, montre moins une lassitude qu'un écoeurement.Et le remède ne saurait être une ruse supplémentaire, mais la franchise.Il faudrait aux souverainistes qu'ils admettent que les partis fédéraux fédéralistes ne peuvent pas tolérer qu'un parti "séparatiste" puisse détenir "la balance du pouvoir",SURTOUT,que cela leurs constitue une arme très puissante de mobilisation politique.
Une prochaine campagne électorale fédérale pourrait être une "guerre" anti-séparatiste.
Ça tomberait justement bien : Duceppe est un méchant warrior !
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
12 décembre 2008« Le Bloc, ayant alors la balance du pouvoir, aura le dilemme de défaire la coalition et de provoquer des élections que les conservateurs gagneront majoritairement(pourquoi ? Libéraux renforcés !)ou de supporter ceux qui l’auront trahi »
Mais pourquoi le Bloc ne jouerait-il pas de ruse ? Actuellement, il n’est pas lié à la coalition puisque le signataire libéral a changé, et qu’Ignatieff est réputé peu fiable à l’entente. Le Bloc s’était fait conciliant pour le Canada en offrant son appui à cette « patente » premièrement pour battre le hargneux Harper et aussi pour paraître magnanime aux yeux de ses électeurs en leur évitant une deuxième élection coup sur coup… croyant que la GG n’était pas soumise au PM.
Maintenant, les choses étant ce qu’elles sont, soit le PM persiste et pour détruire les libéraux, propose un budget inacceptable : les libéraux le refusent, tout comme NPD, le Bloc aussi mais se tient à l’écart de tout appui à une coalition. Élections : Bloc aussi fort et par conséquent gouv. minoritaire…
……………………………………………….soit le PM renonce à provoquer une élection et propose un budget conciliant : tous approuvent et maintiennent Harper sous l’épée de Damoclès : le Bloc détient toujours la balance et devient plus revendicateur. Il se maintient menaçant d’obstruction jusqu’à l’élection du PQ à Québec…pour alors se retirer de là avec tous les pouvoirs, taxation et territoire…