Plus l’étau se resserre sur le Groupe État islamique (ÉI) en Irak et en Syrie, plus il déploie ses branches locales en dehors des frontières de son «Califat».
Pour les djihadistes de l’ÉI, en dehors de leur idéologie salafiste, point de salut tant pour les musulmans qui n’adhèrent pas à leur islamisme radical et qui en sont les premières victimes que pour les «mécréants» juifs et chrétiens.
Bien que l’ÉI se soit attaqué aux chrétiens en Irak et en Syrie depuis 2014, ce n’est que récemment qu’il a identifié les chrétiens d’Égypte comme l’une de ses cibles privilégiées.
L’industrie de la haine
Le 9 avril dernier, deux attentats sanglants ont été perpétrés dans deux lieux de culte coptes, d’abord à l’église Saint-Georges, à Tanta, en pleine célébration de la fête des Rameaux, faisant 28 morts et 78 blessés, et puis à la cathédrale Saint-Marc d’Alexandrie. Bilan: 17 morts et une quarantaine de blessés.
En Syrie, la guerre a fait des ravages dans les populations civiles engendrant une tragédie humaine de grande ampleur, avec cinq millions de réfugiés, répartis au Liban, en Turquie, en Jordanie et dans la diaspora. Plusieurs millions vivent toujours dans l’errance parmi les populations déplacées.
Dans ce contexte de terreur, le sort des chrétiens dans les zones contrôlées par les djihadistes est encore plus tragique, car en plus de vivre les mêmes souffrances que les musulmans, ils doivent subir, comme les Irakiens chrétiens avant eux, la persécution à cause de leur foi religieuse.
Contraints à se convertir à l’islam, à prendre le chemin de l’exil ou à vivre dans la crainte, ils sont soumis à un régime discriminatoire où ils doivent céder leurs biens à l’ÉI et payer un impôt de capitation à cause de leur statut d’infériorité (dhimmi).
Une mosaïque éclatée
Les chrétiens d’Orient sont une communauté de communautés. Enracinés, depuis les débuts du christianisme au Moyen-Orient, ils y ont bâti leurs églises et exporté leurs rites vers l’Europe et l’Asie.
C’est une mosaïque éclatée d’ethnies, de cultures et de langues, à l’image de leurs multiples églises aux rites très diversifiés. On les retrouve notamment au Liban, en Égypte, en Syrie, en Irak, en Arabie saoudite, en Jordanie, en Israël, en Arménie, en Éthiopie, en Iran, en Turquie, en Inde, en Indonésie, au Pakistan, et dans les diasporas en Europe, dans les Amériques et en Australie.
Les Coptes, qui comptent pour 10 % de la population égyptienne, en constituent la communauté la plus importante.
Une cible de choix
Durant leur histoire deux fois millénaire, les chrétiens d’Orient ont résisté aux vagues de persécution et d’assimilation des grands empires qui les ont gouvernés.
Avec les califats musulmans, ils ont souffert sous l’Empire ottoman et se sont épanouis sous la dynastie des Omeyyades. Depuis, leurs relations avec les pouvoirs en place ont été à géométrie variable, tantôt tout en harmonie, tantôt sous tension.
Mais depuis la montée de l’islamisme radical et l’émergence des groupes djihadistes de type Al-Qaïda et État islamique, les conflits sont entrés dans une phase critique de haine ouverte et de violence.
Les chrétiens d’Orient sont devenus une cible de choix pour les idéologues et les prédicateurs salafistes. On ne compte plus le nombre de fatwas et de décrets adoptés pour justifier leur infériorisation et leur humiliation.
Des boucs émissaires
Comme le christianisme est au cœur de l’histoire occidentale, il n’en fallait pas plus pour les déclarer coupables par association des exactions commises par l’Occident en terre d’islam.
On les soupçonne même de complicité dans les interventions désastreuses de l’Occident depuis les croisades jusqu’à son ingérence politique et militaire en Afghanistan, en Irak et en Syrie, en passant par l’inquisition et le colonialisme.
Or, cet amalgame est totalement injuste envers des communautés qui ont contribué au développement des sociétés arabo-musulmanes tant par leur savoir-faire que par leur attachement à leur patrie.
Par contre, s’il y a un constat qui saute aux yeux, c’est celui d’un Occident étrangement silencieux sur la tragédie des chrétiens d’Orient. Et pour cause.
Les pays occidentaux ont des intérêts économiques et stratégiques importants au Moyen-Orient et des rapports troubles avec les monarchies du Golfe. Ils ne prendront pas le risque de s’ériger en défenseurs des minorités religieuses, fussent-elles chrétiennes.
De plus, les élites politiques et intellectuelles occidentales qui se gargarisent du credo des droits de l’Homme sont plus promptes à condamner «l’islamophobie» sur leurs territoires qu’à défendre les droits des minorités religieuses outre-frontières.
Une solidarité qui s’impose
Lors de la prise de contrôle de Mossoul, en Irak, en 2014, par l’État islamique, les chrétiens ont été forcés de choisir entre: 1) se convertir à l’Islam; 2) garder leur foi et payer un impôt spécial (jizya) ou 3) s’exiler. Par milliers, ils ont pris le chemin de l’exil.
Comme pour les Juifs que les nazis avaient tagués avec une étoile jaune, l’ÉI a stigmatisé les chrétiens en les traitant de «Nazaréens» et de «Nasaras», deux termes péjoratifs qui commencent par «N».
Ils ont ainsi placardé les maisons des chrétiens du signe d’une lettre de l’alphabet arabe qui se lit «Noun» et qui correspond à la lettre «N».
Ce «ن» (voir illustration ci-dessus) est vite devenu un symbole de solidarité avec les chrétiens d’Orient quand les médias sociaux s’en sont emparés. Il a été adopté par de nombreux internautes, des institutions et des personnalités politiques de toutes allégeances.
Au-delà des symboles, il faut surtout interpeller nos élites politiques pour que la tragédie des chrétiens d’Orient ne tombe pas dans l’oubli et l’indifférence.
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