D’aucuns seront surpris – ou pas – de constater que bon nombre d’intervenants de marque hésitent à prendre de front la question de la langue française dans les études postsecondaires. Pour ma part, la persévérance et le courage nécessaires sont de mise pour entreprendre la modernisation de la loi 101. D’ores et déjà, le défi sera ardu. Camille Laurin n’a jamais dit que c’allait être facile. Toute notion de réalisme politique élémentaire ne doit nous faire perdre de vue que l’adversité face à la pérennité de la langue française au Québec a perduré au détour.
Au-delà des enjeux et des personnalités en présence, la langue française vivote. Allons-nous continuer à nier cette réalité qui voudrait que « Tout est beau, madame la Marquise! » Quoi qu’il soit, nous avons à prendre acte des travaux à faire et passer outre au dernier avis du Conseil supérieur de la langue française en faveur du libre choix strict. Il ne nous est pas toujours fort aise de nous rendre aux exigences que la situation politique en cours nous inculque. Contre vents et marées, nous devons redire ce qui fait l’essence de la démarche.
Guerre d'images
Au moment d’entreprendre la nouvelle année, j’envisageais l’opportunité de dépeindre certains portraits politiques de circonstance. Comme nous évoluons dans une conjoncture tout aussi fluctuante et qu’elle nous tend au gré de certains vents des fabrications médiatiques, nous avons tous à nous élever devant l’adversité qu’un socle préfabriqué voudrait contenir d’aspirations collectives, voire s’y dérober. En particulier, nous vivons dans un paysage médiatique où les sondages et les images voudraient l’emporter sur la profondeur des débats.
Curzi, la bouille en verve
Nous nous gardons bien souvent une certaine retenue à force de sagesse. Avant même de voir Amir Khadir au sommet d’une popularité, nous avons eu la chance d’observer le phénomène Curzi à l’œuvre. Pourquoi dire Curzi et pas Pierre? Le député de Borduas est l’un des rares politiciens aux contrastes tout aussi saisissants. Ne craignant jamais d’aciduler un débat d’une formule qui amplifie les traits d’appartenance en cours, Pierre Curzi dégage de même une certaine réserve.
Il y a un certain temps, Pierre Curzi éclipsait toute autre personnalité. Nous l’avons vu grand. Puis, à la marche organisée par le collectif Libre marcheur, Pierre nous apparaissait en toute simplicité, se fondant parmi la masse. Vêtu d’une chemise jaune ample et de bermudas, l’ancien porte-parole de l’Union des artistes correspondait peu à une certaine image de politicien politically correct. Gesticulant parfois au cours de ses conférences d’une manière peu typique, il en a profité pour ébouriffer nos conceptions. Il mit ses talents à contribution pour dénoncer la « sénatorisation » des Canadiens de Montréal entre autres.
Quelques années se sont passées depuis le dénouement de l’affaire Paul McCartney au 400e anniversaire de la ville de Québec. Comment passer sous silence les déclarations remuantes de Pierre Curzi? Parions que cette affaire montée en épingle a permis de déconstruire certaines vérités qui éclatèrent au grand jour. Le fin renard Curzi, profita du cours des événements pour prendre les marques de cette maturation politique accélérée. Le comédien de formation nous permet d’envisager la réalité sous un nouveau jour, dépouillée de tous les artifices et procédés mensongers que les détenteurs du pouvoir d’un demi-État voudraient user à l’encontre de notre liberté collective.
Les réalités du moment
Depuis la reprise des débats, la langue française flamboie légèrement. Pas tout à fait éteinte, cette même langue se laisse désirer à la faveur d’une certaine frilosité. Cette même appréhension laisse tout de même place à la chaleur enveloppante du tonus d’une certaine ferveur de vivre. Nous voudrions confondre à tort la réalité tangible de cette langue avec un certain état émotif de nos consciences. Toutefois, c’est mal estimer l’intelligence émotionnelle qui inspire la vitalité et l’esprit de la langue qui nous définit comme nation.
Ceci étant dit, je suis tout à fait conscient que nos adversaires chercheront à débusquer toute apparence de nécessité à l’ampleur de la tâche qui nous attend. Souventes fois, ces mêmes adversaires ont cherché à nous faire ravaler la conscience que nous avons d’exister comme peuple. La noirceur devrait même persister, disent certains. Devrons-nous encore nous affliger de ce spectacle désolant de la mise en pièces détachées du destin politique québécois?
Toute quête suppose une part d’inconnu. Prendre conscience de sa langue et postuler à son enracinement implique d’assumer la responsabilité de ses choix. Nous avons le pouvoir d’agir contre l’ « establishment » qui oeuvre à son encontre. Nous devons sortir d’une zone de confort qui avait été établie à l’inauguration de la loi 101 en 1977. Les oiseaux de malheur qui s’agitent voudraient nous épeurer de « + de français », tout comme ce fut toujours le cas lors d’une éventuelle proposition visant à consolider cette même langue. En tous les cas, nous devons nous éloigner du discours médiatique unitariste prenant fait et cause au seul profit de l’anglais.
La place de l’anglais
Allons-nous prétendre que l’anglais fait pitié au Québec? C’est entretenir certaines perceptions et les tenir pour des réalités tangibles. Il n’est pas fortuit de se préoccuper du sort des communautés anglophones. Toutefois nous nous garderons de s’oublier collectivement comme peuple de langue française distinct en terre d’Amérique. Ce n’est pas rendre service à autrui que de s’accrocher au sceptre de l’idéal unilingue anglosaxon, ce qui inclut cette chimère du bilinguisme canadien. Nier toute velléité d’assimilation en faveur de l’anglais dans les conditions actuelles, c’est franchement être inconséquent.
Si la langue anglaise est habituellement reconnue comme la langue majoritaire du milieu des affaires, nous pouvons prendre fierté du fait que le français a déjà été la langue d’usage principale de la diplomatie internationale. Prenant part à une réalité de diversité culturelle, la francophonie internationale nécessite un sérieux coup de barre. Étant le 2e État de langue française en nombre, le Québec peut influencer sur les cours des choses à venir. En autant que nous sortons du déni et prenons acte de la nécessité de redire le pacte collectif en toute consensus de cause, le Québec peut envisager de vivre en français dans des conditions viables à long terme.
Négociation d’un espace viable
Actuellement, nous disputons certains points de vue. Périodiquement et sur une base régulière, le statut de la langue française revient sur les diverses tribunes. N’ayant pas toujours bonne presse, la défense de cette cause pérenne de notre identité collective butte sur certains écueils démocratiques. Aujourd’hui même, nous sommes à même de disposer de certains outils d’expression qui nous permettent d’élargir les possibilités d’un débat éclairé. Nous devons être à même d’en bénéficier au mieux de nos capacités collectives. Du même coup, ça ne nous dispense point du devoir d’oeuvrer à la bonne marche des médias indépendants. Il en va du rayonnement de nos luttes et de nos aspirations d’une plus grande liberté.
Récemment encore, je signais plusieurs textes sur la question de la langue française. Dans la série du Délitement du bassin linguistique, je faisais part de certaines préoccupations quant aux mesures proposées et mises de l’avant. Notamment, j’exprimais avec fortes réserves la non-pertinence de mettre de l’avant l’immersion en anglais de tous les élèves de 6e année du primaire. Comme nous avons pu voir plusieurs études tout au long des derniers mois et des dernières années, nous pouvons établir un certain portrait démographique du déclin du français à Montréal. Si ce sérieux coup de barre n’est point effectué sous peu, la situation deviendra irréversible.
Études ou pas, élargir l’enseignement de l’anglais à la fin du primaire ou étaler sur les premières années du secondaire n’ira pas sans effets contradictoires. Déjà, le français ne passe point dans les priorités. Oui, le cégep en français, mais what for si nous sommes pour enseigner plus d’anglais auparavant? Allons-nous encourager l’émergence du français de ce fait? C’est une première question qui mérite d’être posée.
Enseigner l’anglais avant même d’évoquer une dimension plus soutenue du volet d’enseignement du français, c’est laisser les choses au hasard. Enseigner des langues? Ok… Pouvons-nous envisager la notion d’option? Première donnée : français irréprochable sur le plan de l’enseignement. Deuxième donnée : langue seconde… obligatoirement l’anglais? Certaines autres langues méritent d’être vues, le mandarin et l’espagnol devancent notamment l’anglais… Toutefois, la langue seconde est-elle aussi importante que nécessaire? Troisième donnée : pouvons-nous envisager la possibilité des options de concentration sur d’autres matières? L’histoire, la littérature, les mathématiques, les sciences et toutes les autres matières seront-elles comprises…? Non point d’un point de vue exclusivement linguistique… arrivons à cette idée de la racine carrée de la langue française.
À trop verser dans le superlatif du jupon libéral essayant de nous conter des peurs de radicalisme et nous distrayant de ses activités compromettantes, libérons cette racine carrée qui est de l’apanage de la langue française. Cette racine carrée origine d’un langage autre et qui n’est donc pas une langue en soi… les mathématiques permettent d’accéder à plusieurs notions… ce n’est point tout le monde qui se sert des mathématiques. Or, comme nous évoluons dans une société, nous devons tenir compte de certaines données démographiques. Nous devons revenir à la racine même des matières, la vocation de l’éducation scolaire y passe. S’attarder à la langue d’usage de l’école québécoise, c’est tenir compte de l’inachèvement du processus. Redire ce qui compte et s’assurer d’une présence optimale en français nous permettront de consolider l’avenir du réseau d’éducation québécois.
Retour à l’action dans l’espace politique québécois
Dans la perspective du congrès à venir du Parti Québécois, nous pourrons éluder certaines questions restées en suspens. Qu’il s’agisse de Parizeau, Michaud ou Khadir, nous pouvons noter une ferveur politique. Dans le cas du premier, l’indépendance du Québec et l’établissement des plans passe avant tout le reste. Dans le cas de Michaud, nous pouvons noter le souci d’une langue française viable. Concernant Khadir, nous notons la réticence de décréter le cégep en français. Pauline Marois et Pierre Curzi auront fort à faire pour œuvrer à la sauvegarde du français dans un contexte de scepticisme. Cet ultime test dictera une certaine marche à suivre dans le mouvement des troupes indépendantistes.
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