Non à la privatisation du système de santé

La privatisation: une illusoire incantation

Commission Castonguay


Déclaration conjointe
Extraits d’une Déclaration signée par Lorraine Guay et co-signée par plus de quatre-vingt personnalités, dont les suivantes : Michelle Asselin, Vivian Barbot, François Béland, Lina Bonamie, Jean-Pierre Charbonneau, Jean-Paul Cloutier (1), André-Pierre Contandriopoulos, Françoise David, Robert Dean, Pierre Ducasse, Marie Eykel, Nicole Filion, Steven Guilbeault, Dr Vania Jimenez, Dr Amir Khadir, Vivian Labrie, Andrée Lajoie, Paul Lamarche, Gérald Larose, Marc Laviolette, Denis Lazure, Francine Lévesque, Sylvie Morel, Pierre Paquette, Madeleine Parent, Réjean Parent, François Parenteau, Marie-Claude Prémont, Chloé Ste-Marie, Dr Réjean Thomas, Dominique Verreault et Laure Waridel.
On trouvera la version intégrale (10 pages), ainsi qu’une invitation à signer cette Déclaration, sur www.santesansprofit.org
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Les appels à la privatisation accrue de notre système de santé se sont multipliés depuis au moins une dizaine d’année au Québec. Le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Chaoulli a donné à ces appels un élan sous la forme d’une incantation de plus en plus insistante. Ce discours propose un privé parfait, efficace, sans faille... quasi désintéressé ! et qui serait la solution miracle à des problèmes complexes qui relèvent pourtant essentiellement d’une gestion publique et de choix politiques.
Les signataires de cette Déclaration affirment qu’au contraire les faits portent à croire que l’incantation à la privatisation et le choix de cette voie constituent un recul, une sorte de «marche avant vers le passé» qui nous conduit dans un cul-de-sac dont nous aurons peine à nous extirper.
D’où cet appel à nos concitoyennes et concitoyens pour une résistance raisonnée à la privatisation du système de santé. Un appel en faveur de solutions publiques mettant la solidarité au service de la santé et du bien-être de la population du Québec.
Une privatisation passive est commencée depuis longtemps : des soins dentaires aux examens de la vue en passant par les services diagnostic et les médicaments, nous payons de plus en plus cher pour y avoir accès.
Mais cette privatisation s’est grandement accélérée sous la pression du milieu des affaires: pas une semaine sans qu’on nous annonce l’ouverture d’une clinique privée, d’une agence privée de soins infirmiers, de centres d’accueil privés pour personnes âgées en perte d’autonomie, de partenariats public-privé, etc.
Le privé coûtera cher au système public
Ce privé qu’on nous présente comme le sauveur du système public n’en viendrait-il pas en réalité à dégrader le système public? Plusieurs faits, peu connus de la population québécoise, nous mènent à cette conclusion.
Décennie après décennie, une écrasante majorité des études les plus rigoureuses démontrent que :
- les systèmes publics sont moins coûteux pour les individus et les collectivités que les systèmes privés;
- les pratiques médicales en cliniques privées sont davantage orientées vers le profit surtout quand les médecins en sont actionnaires, ce qui entraîne une augmentation globale des coûts du système de santé;
- les systèmes basés sur l’assurance privée sont des grands producteurs d’exclusion pour les populations, en raison entre autres de leurs coûts prohibitifs en croissance exponentielle et des refus d’assurer certaines catégories de personnes à cause de leurs mauvaises conditions de santé;
- la coexistence d’un système privé parallèle ne diminue pas les temps d’attentes dans le système public, mais elle semble au contraire les augmenter. Le recrutement des employés du secteur public par le secteur privé explique en partie cette situation
Ce que nous proposons
Nous voulons que le Québec devienne, en Amérique du Nord, une société qui fait de la santé et du bien-être de sa population un objectif politique solidaire et non pas un objet de convoitise et de profit pour l’industrie privée.
Nous avons le goût de créer une société dont les membres sont en sécurité face à l’imprévisibilité de la maladie.
Depuis la mise en place de l’assurance-hospitalisation et de l’assurance-maladie dans la foulée de la Révolution tranquille, et malgré les lacunes de ces systèmes, des milliers de Québécois et Québécoises ont bénéficié de cette sécurité et évité l’endettement ou les coûts exorbitants des assurances privées.
Nous ne voyons pas pourquoi troquer cet acquis pour l’illusion tranquille d’un système d’assurances privées dont nous connaissons déjà les fâcheuses conséquences.
C’est pourquoi nous proposons de :
• Respecter le droit à la santé et exiger de l’État qu’il s’en fasse garant. La santé et le bien-être des citoyennes et citoyens ne sont ni des luxes ni des privilèges. Ce sont d’abord et avant tout des droits qui ne dépendent pas de la grosseur du portefeuille. Ce sont de précieux biens communs qu’il ne faut pas ravaler à de simples marchandises soumises au marché, mais plutôt protéger grâce à la régulation publique et la vigilance citoyenne.
• Développer et maintenir un système public accessible et de qualité. Pour améliorer le système de santé, l’orientation politique que nous privilégions est : À problèmes publics, solutions publiques. Nous invitons donc le Québec à se tourner résolument vers des solutions à taille humaine, efficaces, démocratiques et écologiques qui placent l’intérêt public devant le profit privé. Nous connaissons ces solutions.
• Maintenir et augmenter le financement public du système de santé et de services sociaux. La principale modalité de financement demeure la fiscalité qui constitue l’outil de solidarité collective mais à la condition que le gouvernement mette en place une fiscalité qui repose sur la contribution équitable des citoyennes et citoyens et des corporations.
• Diminuer les dépenses en médicaments – principal facteur de la croissance des coûts en santé. Un régime entièrement public d’assurance-médicaments permettrait l’économie des coûts administratifs des assureurs privés tout en assurant une couverture plus équitable des besoins de toute la population.
Ce que nous demandons dans les meilleurs délais : un vrai débat public sur le financement du système de santé et de services sociaux.
Les décideurs politiques prétendent qu’un rôle accru du secteur privé dans la santé est nécessaire. On nous présente cette assertion comme une vérité absolue, une évidence, à la limite un fait inéluctable de notre époque que seuls les défenseurs de la république du statu quo contestent.
Or la part du privé dans notre système est déjà à 30 %, la plus élevée des pays occidentaux à la notable exception des États Unis et de la Suisse. Pire, le privé enregistre ici sa croissance la plus importante.
Le temps est venu pour un véritable débat public qui mette toutes les positions, y compris la nôtre, à l’épreuve des faits.
Nous pensons que ni le Groupe Castonguay, ni les habituelles commissions consultatives ne répondent à ce besoin de délibération publique. Une formule qui s’apparente à celle du BAPE permettrait davantage à la population québécoise de se faire une opinion éclairée et de prendre une orientation aux répercussions énormes sur le présent et sur les générations futures. Sans discussion publique, la société québécoise demeurera prisonnière de l’incantation à la privatisation.
(1) Ministre de la Santé de 1966 à 1970.

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