La politique n'est pas une science exacte, mais elle n'échappe pas à la règle universelle selon laquelle il vaut mieux parer au plus pressé.
Seul l'avenir dira dans quelle mesure l'image du PLQ sera ternie durablement par une commission d'enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction. Les dommages immédiats causés par le refus obstiné du premier ministre Charest sont cependant faciles à constater.
Dans l'état actuel des choses, un nouveau parti dirigé par François Legault infligerait une défaite historique au PLQ. Durant les années noires du régime Duplessis, les libéraux recueillaient le double des 22 % dont les crédite le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir. Lors de la raclée de 1976, il avait obtenu 33,8 % du vote.
La création d'une commission d'enquête n'effacerait pas d'un seul coup trois ans de grogne presque continue, mais 25 % des personnes interrogées et 37 % des libéraux ont dit que cela aurait un impact positif sur leur opinion du premier ministre. Le PLQ ne récupérera pas tous ceux qui lui ont tourné le dos, mais il pourrait au moins arrêter l'hémorragie.
Les militants libéraux ont fait depuis longtemps la preuve de leur grande discipline, sinon de leur soumission, mais les récentes démissions indiquent qu'elle a atteint ses limites. À la veille du congrès, M. Charest ne peut tout simplement pas ignorer que 57 % de ses partisans veulent une enquête publique, sous peine d'en perdre le contrôle.
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Comme chacun le sait, le diable est dans les détails. Avant même que le premier ministre ait fait la moindre annonce, le PQ a déjà commencé à parler d'une «patente à gosses», qui ne serait qu'un simulacre d'enquête.
Le député de Verchères, Stéphane Bergeron, a déploré que le gouvernement n'ait pas avisé l'opposition de ses intentions. Jacques Parizeau l'avait-il informée de son «astuce» avant de lancer les commissions régionales sur la souveraineté?
D'une manière ou d'une autre, une partie de l'enquête se déroulera à huis clos, comme c'est toujours le cas, mais les effets positifs que le gouvernement peut en espérer dépendent de la transparence de l'exercice. Même les électeurs libéraux veulent très majoritairement (65 %) que tout se fasse publiquement.
Il appartiendra éventuellement à la commission de définir ses règles de fonctionnement, ce qui pose la délicate question de sa composition, sans parler de son mandat. De prime abord, il semble plus facile de recruter un seul commissaire. Ils ne doivent pas être si nombreux à vouloir embarquer dans cette galère.
L'expérience de la commission Gomery démontre toutefois que confier les pleins pouvoirs à une seule personne n'est pas sans risque pour un gouvernement. Un commissaire qui se découvre une âme de justicier peut facilement se transformer en électron libre. Et la «patente», se transformer en machine infernale. À deux, on peut tempérer mutuellement ses ardeurs.
L'exemple de la commission Bastarache illustre également la difficulté de gérer les perceptions. En choisissant un ancien juge de la Cour suprême, le gouvernement Charest pensait bien assurer sa crédibilité. Marc Bellemare n'a cependant eu aucune difficulté à convaincre une grande partie de la population que le premier ministre avait «choisi son juge» et que les conclusions de la commission ne pouvaient être que partiales. Mieux vaut plus d'un commissaire.
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Quelles que soient les modalités retenues, les partis d'opposition trouveront à redire. Ils ont beau réclamer une commission d'enquête publique depuis deux ans, sa mise sur pied ne leur coupera pas moins l'herbe sous le pied.
Si le PQ n'a pas réussi à tirer parti de la colère provoquée par l'entêtement du gouvernement, on voit mal comment il pourrait profiter de sa volte-face. Même à Québec, où Pauline Marois a accepté de payer un prix très lourd pour s'attirer la reconnaissance des électeurs désireux de retrouver leur club de hockey, le PQ se retrouve en deuxième place, huit points derrière l'ADQ. Quand on introduit dans l'équation le nouveau parti de M. Legault, le PQ glisse au troisième rang dans la capitale.
Avant la publication du rapport Duchesneau, Pauline Marois avait annoncé que la priorité du PQ allait être l'économie. Il y a certainement beaucoup à dire sur le sujet, notamment en ce qui concerne les ressources naturelles et le Plan Nord, mais cela demeure un terrain nettement moins favorable au PQ que celui de l'intégrité.
Face à un parti dirigé par M. Legault, le sondage Léger Marketing-Le Devoir indique que le vote péquiste est plus fragile que celui du PLQ, qui pourrait encore être solidifié par la création d'une commission d'enquête.
M. Legault a une remarquable capacité de ratisser aussi bien à gauche qu'à droite. S'il n'est pas étonnant que 45 % des électeurs adéquistes soient prêts à l'appuyer, il est renversant que 26 % des électeurs de Québec solidaire songent à les imiter.
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Erratum
Dans ma chronique de samedi dernier, j'ai écrit que Françoise David résidait dans la circonscription de Rosemont. Elle réside plutôt dans Gouin, où son assemblée d'investiture aura lieu le 13 novembre. Toutes mes excuses.
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