Denis Racine - J'ai lu avec un mélange de sentiments allant de l'étonnement à la colère en passant par la honte la série d'articles ayant paru dans le quotidien Le Devoir les 23 et 24 novembre dernier, concernant les documents volés à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et se retrouvant dans les fonds d'archives américains.
Étant un visiteur des Archives nationales depuis 1969, j'ai toujours cru au concept dont elles faisaient elles-mêmes la promotion: elles sont les gardiennes de la mémoire collective des Québécois. La situation particulière du Québec en terre d'Amérique et son ancienneté invitent nos Archives à un rôle de conservation et de mise en valeur de notre patrimoine plus grand qu'ailleurs, le tout accompagné d'une vigilance particulière.
Recel
J'ai connu les Archives à une époque où les mesures de sécurité étaient très relâchées. Précisons immédiatement que nos documents d'archives n'atteignaient pas aux enchères les prix très élevés que nous connaissons aujourd'hui.
Aussi, que l'on retrouve des documents ayant appartenu aux Archives nationales du Québec dans d'autres fonds d'archives n'est guère surprenant. Au minimum, il faut se féliciter que ces documents n'aient pas tout simplement disparu. Mais à côté de ces documents officiellement archivés, combien d'autres, fruits de vols, demeureront dans des collections privées, interdisant leur accès à la communauté des chercheurs, et sont probablement voués à la destruction au décès de leur illégitime propriétaire?
Compte tenu de ce qui précède, je suis fort surpris de la réaction des responsables de BAnQ à l'égard des questions soulevées dans ces articles. Pour le passé, on ne peut guère y remédier. Par contre, en droit canadien, la possession de biens volés se nomme un recel et est punie par nos lois criminelles. Évidemment, dans les cas à l'étude, nous sommes en droit international, ce qui complique les choses.
Passivité honteuse
La passivité dont se couvre BAnQ dans cette question est honteuse. Si BAnQ possède une copie sur microfilm des documents de Harvard, qu'elle l'exhibe! Des chercheurs ont tenté de la trouver, mais sans succès. Elle est sans doute bien cachée. De plus, il est tout à fait risible que M. Carol Couture écrive que son organisme n'a aucun budget pour l'acquisition de documents et partant, n'a pas la somme de 5882 $ pour acquérir une copie des documents de Harvard.
Il y a plus. Il semblerait, à lire M. Couture, que le simple fait de pouvoir consulter ces documents sur Internet dispenserait BAnQ de sa mission de conserver les originaux. Tant qu'à y être, vendons nos originaux aux enchères pour renflouer les finances publiques du Québec et contentons-nous de copies numérisées! Nous constatons tous que l'idée de M. Couture va à contre-courant des moyens mis en oeuvre par les nations et les grandes institutions pour préserver leur patrimoine archivistique. En serons-nous rendus à devoir passer le chapeau chez les citoyens pour amasser 5882 $?
Manque de volonté
Que dire des réactions des organismes gravitant autour de BAnQ! Pourquoi la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, organisme hébergé par BAnQ, ne se manifeste-t-elle pas?
Enfin, un parallèle s'impose sur la question de la volonté de faire. Dans les années 1970-1980, s'apercevant qu'un curé indélicat avait vendu des objets précieux de culte dans une paroisse du Québec, les autorités ecclésiastiques n'avaient pas hésité à entreprendre des procédures judiciaires pour récupérer leur patrimoine. Sur le plan international, les revendications répétées de la Grèce et de l'Égypte pour rapatrier des éléments de leurs patrimoines nationaux à l'égard de pays comme la France ou la Grande-Bretagne sont méritoires et, comme nous l'avons vu récemment, parfois couronnées de certains succès.
Ici, nos dirigeants de BAnQ discutent de la question comme s'il s'agissait de savoir si nous allons conserver une lettre quelconque écrite par un obscur fonctionnaire d'un ministère en 2001 selon le cadre de classement élaboré en vertu de la Loi sur les archives. En sommes-nous rendus là avec nos documents des XVIIe et XVIIIe siècles?
Si nos Archives méritent encore leur titre de nationales, une réaction vigoureuse s'impose et la ministre de la Culture et des Communications, Christine St-Pierre, devrait leur servir un sérieux rappel de leurs responsabilités.
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Denis Racine - Avocat, généalogiste et ex-président de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie
Archives nationales pillées
La passivité honteuse de BAnQ
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