Un retour d'ascenseur légitime

Les écoles juives s'attachent beaucoup plus à la transmission d'une culture

Écoles privées juives

Par Daniel Racine
L'annonce du ministre de l'Éducation, Pierre Reid, d'un financement à 100 % de quelques écoles juives semble provoquer une levée de boucliers chez certains défenseurs de la laïcité et, paradoxalement, susciter des espoirs de mesures similaires auprès de groupes provenant d'autres horizons religieux ou ethniques. Il serait bon de procéder à quelques mises au point avant de poursuivre le débat.
D'abord, il est important de souligner l'apport substantiel -- tant matériel que culturel -- de la communauté juive au patrimoine québécois, et ce, depuis plus d'un siècle, si on songe à la contribution majeure de familles juives, qu'il s'agisse des Joseph à Québec ou, plus récemment, des Bronfman à Montréal. En fait, c'est toute la communauté juive -- la plus généreuse en contributions à caractère charitable au Québec -- qui participe au bien-être de l'ensemble des Montréalais de toutes origines, grâce à l'Hôpital général juif et au Mont Sinaï, les diverses salles de concert et les installations sportives généreusement offertes par des organisations ou des individus conscients de leurs responsabilités collectives.
Partie de l'histoire
Ensuite, la communauté juive, même si elle comprend, comme la plupart des groupes ethniques, des immigrants récents, est une communauté qui fait intégralement partie de l'histoire du Québec, tant par son ancienneté que par sa foi. Quand on parle d'enseignement religieux juif, on évoque l'hébreu et la Torah. Or la foi de la majorité chrétienne repose sur la Bible, c'est-à-dire sur la traduction de la Torah (l'Ancien Testament) à partir de sa langue originale, l'hébreu. On peut donc affirmer que rien dans l'enseignement juif ne dépare le christianisme, religion de la nation fondatrice des Québécois. Le christianisme, fondé par le juif Jésus, est un prolongement du judaïsme et non de l'islam ou du bouddhisme. De toute manière, l'aspect religieux, comme l'a souligné M. Reid, n'entre pas dans cette décision de financement.
Les écoles juives représentent de nombreux credo -- il y a autant de dénominations au sein du judaïsme qu'au sein du christianisme -- et s'attachent beaucoup plus à la transmission d'une culture et d'un humanisme historique qu'à la propagation des idées d'une secte ou d'une confession. La Bible ou la Torah, Molière et Shakespeare, l'anglais, le grec classique et l'hébreu peuvent s'enseigner sans toucher à l'aspect laïque vers lequel s'oriente enfin notre société.
Enfin, ce retour d'ascenseur à une communauté faisant partie intégrante du peuple québécois, consenti au nom des valeurs d'une société ouverte et orientée vers l'affirmation des valeurs propres à une diversité culturelle qui enrichit plutôt qu'elle ne divise, n'exclut pas des geste similaires à l'endroit d'autres communautés qui auront su se faire apprécier, comme les communautés grecques et arméniennes, par exemple. Et, pourquoi pas, quand le moment sera venu, de communautés plus récentes encore ?
Daniel Racine
_ Directeur des services scolaires à l'école arménienne Sourp Hagop

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Avocat, généalogiste et ex-président de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie





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