Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois miseront sur leur complicité pour convaincre les membres de Québec solidaire (QS) de les maintenir comme visages de la formation politique de gauche. À l’aube du congrès automnal du parti, ils se lancent ensemble, en duo, dans la course au « porte-parolat ».
« Je pense que dans les deux dernières années, on a fait la preuve qu’ensemble, on représente parfaitement Québec solidaire », souligne Gabriel Nadeau-Dubois en entrevue lundi avec Le Devoir.
Elle, militante de première date, lui, militant de la relève : le duo Massé-Nadeau-Dubois avait été choisi par les membres de QS en mai 2017. Lors du congrès qui se tiendra du 15 au 17 novembre prochain, les délégués seront appelés à voter sur la direction politique du parti. Alors que leurs mandats respectifs viennent à échéance, les co-porte-parole proposent aux membres de déroger aux traditions du parti et d’élire pour la première fois « une équipe ».
« C’est une nouvelle approche. On invite les membres à nous prendre en paquet, en duo », explique Mme Massé. Pourquoi ? « Parce que je pense que le résultat de la dernière élection relève aussi un peu de notre complicité. On est très complémentaires, quand on réfléchit les choses, on le fait de façon globale », répond la députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques.
Rappelons que la gouvernance de QS se base sur un modèle de partage de pouvoir. Tous les deux ans, les membres choisissent deux co-porte-parole, un homme et une femme, dont le mandat est de représenter publiquement le parti. Jusqu’en 2016, les statuts et règlements prévoyaient même qu’un des deux ne soit pas un député.
« On ne pouvait pas faire semblant que le sort de l’autre nous indiffère, alors on s’est dit qu’on devait assumer et se présenter ensemble devant les membres », explique M. Nadeau-Dubois.
Au cours des deux dernières années, les deux politiciens soutiennent avoir appris à travailler en équipe, avec leurs forces respectives. « Gabriel, c’est un petit vite », lance Mme Massé. « Je suis quelqu’un d’un peu plus dans sa tête. J’analyse beaucoup, je pense aux stratégies, alors que Manon, une de ses grandes qualités, c’est l’acuité de ses intuitions. C’est une femme de coeur, une femme de tripes et j’ai besoin d’elle pour être branché sur la part la plus viscérale et émotive de l’action politique », ajoute M. Nadeau-Dubois.
On ne pouvait pas faire semblant que le sort de l’autre nous indiffère, alors on s’est dit qu’on devait assumer et se présenter ensemble devant les membres
Intitulée « Allons vers le Québec », leur campagne vise à assurer une certaine continuité au sein du parti qui est en pleine croissance en « allant vers les Québec » et « vers l’indépendance », disent-ils.
« Nous, on pense que ce duo-là, il faut l’honorer. C’est une de nos forces », dit Mme Massé. À ceux qui pourraient craindre une concentration du pouvoir entre les mains de ce que leurs adversaires politiques qualifient de Politburo, les co-porte-parole répliquent qu’ils demeurent élus démocratiquement.
Lors des élections de 2018, la structure interne du parti s’était retrouvée sous les projecteurs après un questionnement insistant de l’ancien chef péquiste, Jean-François Lisée, lors d’un débat des chefs. « Qui est le vrai chef de QS ? » avait-il demandé à Mme Massé.
« La culture du chef, c’est ce qui a tué le Parti québécois et qui a fait mal à énormément de partis. On n’a pas envie de jouer dans ce film-là. Cette recherche obsessive du sauveur, du grand leader, et je le dis au masculin volontairement parce que, traditionnellement, ce sont des hommes auxquels spontanément on pense, elle sert de paravent à toute une série de réflexions de fond », souligne M. Nadeau-Dubois.
Et qu’arrivera-t-il si les membres ne cochent pas leurs noms sur le bulletin de vote ? « On va travailler avec ceux qui seront choisis », assurent-ils.
La croissance et ses défis
Au cours des deux dernières années, où Mme Massé et M. Nadeau-Dubois ont été les figures publiques de QS, le parti a connu d’importantes transformations. Le nombre de membres du parti a doublé, atteignant 20 000 adhérents, et surtout QS s’est hissé au rang de groupe parlementaire reconnu officiellement par l’Assemblée nationale à la suite de l’élection de 2018, où 10 députés solidaires ont été élus.
Le prochain congrès sera également l’occasion de moderniser les structures du parti, selon Mme Massé et M. Nadeau-Dubois. « La croissance, c’est un gros défi […] Il va falloir moderniser nos statuts, parce que, lorsqu’ils ont été écrits, il n’y avait pas de députés et la perspective d’avoir un caucus nombreux était dans le coeur très, très proche, mais dans l’analyse un peu plus loin », note M. Nadeau-Dubois.
L’ampleur de la percée historique ne se reflète pas actuellement dans les statuts et règlements du parti, où le rôle du caucus et des députés ne figure actuellement nulle part.
« Plus que jamais, il nous faut avoir des débats sur notre programme, sur notre plate-forme électorale en ayant en tête que notre ambition est de gouverner le Québec et que c’est vers là qu’on se dirige […] C’est une nouveauté dans la mesure où là, c’est devenu prévisible. La prise de pouvoir est quelque chose de possible à courte et moyenne échéance et forcément, ça change la nature des débats et ça impose un sérieux auquel, je pense, il faut s’habituer », mentionne M. Nadeau-Dubois.
Il faudra également réfléchir aux façons d’arrimer les travaux de l’aile parlementaire à la vision de la base militante, reconnaît le duo. « On n’est pas une formation politique des urnes, on est avant tout un mouvement. Tous les députés participent à la vie démocratique, ils continuent à avoir les pieds sur le terrain avec le monde », assure Mme Massé.