Résumé
Le principe de la neutralité de l'État et de la laïcité va de soi dans les sociétés modernes. —La laïcité dans une société ouverte et démocratique est le droit fondamental de respect envers autrui quelque soit son sexe, sa race ou sa couleur. Ceci signifie rejeter la misogynie institutionnalisée, la polygamie et les systèmes de ségrégation des femmes sous le couvert de la religion afin que le droit fondamental de l'égalité hommes-femmes ne soit pas un droit théorique mais fasse partie de la réalité quotidienne.
Au Québec, la question des valeurs est intimement liée à l’immigration de masse que le Gouvernement du Canada a adoptée depuis une vingtaine d’années. Le Québec est dans une situation particulière car une proportion croissante de ses immigrants provient de pays musulmans francophiles.
Selon le principe que « la liberté des uns s'arrête là où la liberté des autres commence », nos droits civiques et démocratiques, tels le droit d’opinion, le droit d’expression, le droit de croyance et le droit de pratiquer la religion de son choix, ne sont pas absolus et doivent plutôt s’exercer « dans des limites qui soient raisonnables… dans le cadre d’une société libre et démocratique » pour emprunter le langage de la Charte canadienne des droits et libertés ou, pour se référer aux termes de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, dans le respect « des droits et libertés d'autrui et du bien-être général. »
Le Québec est dans une situation particulière vis-à-vis la Loi constitutionnelle de 1982, car la nation québécoise a été, en grande partie, tenue à l’écart de son adoption. Ne serait-ce que pour cette raison, le Gouvernement du Québec, dans les dispositions accompagnant le projet de loi no 60, devrait faire sienne la recommandation de l'ancien premier ministre de l’Alberta Peter Lougheed pour qui « Le pouvoir politique ne devrait pas avoir peur d’invoquer la clause dérogatoire [art. 33] pour affirmer la préséance des élus sur des juges nommés ».
« Avec un ensemble de théories, on peut fonder une école; mais sur un ensemble de valeurs, on peut créer une culture, une civilisation, une nouvelle façon de vivre ensemble, entre nous. »
Ignazio Silone (1900-1978)
Pseudonyme de Secondino Tranquilli, homme politique et auteur Italien, (Pain et Vin, 1936)
« Le voile est un outil d’oppression. ... Le hidjab, le niqab, la burqa, le tchador font partie d’un même projet de réduire la population féminine en esclavage. »
Salman Rushdie, auteur du livre Les Versets Sataniques, 1988
« L’islam c’est l’islamisme au repos et l’islamisme, c’est l’islam en mouvement. C’est une seule et même affaire. »
Ferhat Mehenni (1951- ), chanteur né en Algérie
Immigration et situation démographique du Québec
Il y a des principes et des valeurs qu’il ne faut pas avoir peur d'affirmer et de défendre à l’occasion : la démocratie, l’égalité entre les hommes et les femmes, la séparation de l’Église et de l’État, la liberté d’expression et de pensée, la liberté de pratiquer une religion ou de ne pas pratiquer, le respect de la loi, etc. Au vingtième siècle, les pays démocratiques ont dû souffrir deux guerres mondiales pour défendre ces principes et ces valeurs. Ce ne sont pas des choses que l'on peut traiter à la légère.
Présentement, force nous est de reconnaître que ces principes et ces valeurs entrent parfois en conflit avec des cultures étrangères, lesquelles ne sont pas toujours compatibles avec ceux et celles de la civilisation occidentale. C'est un phénomène qui est intimement lié, à mon avis, à l’immigration de masse au Canada des dernières vingt années, avec plus d’un million de nouveaux arrivants à tous les quatre ans. Pour le Québec, cela s'est traduit par un influx de plus de 200 000 arrivants tous les quatre ans. C'est comme si le Québec devait absorber tous les quatre ans une nouvelle ville de Trois-Rivières (133 000h. en 2013) et une nouvelle ville de Saguenay (Chicoutimi) (67 500 h. en 2013).
Par son grand nombre et par sa composition, cet afflux de nouveaux immigrants pose un problème pratique d'intégration, tant démographique que sociale et économique.
Dans le passé, quand l'immigration se faisait sur une plus petite échelle, (par exemple, en 1961, le Canada a accueilli 71 689 immigrants alors qu'il en a accueilli 259 970 en l'an 2012; voir Tableau ci-après), l'intégration de nouveaux arrivants pouvait se faire en relative douceur. Au cours des dernières vingt années, cependant, le volume de l'immigration a presque doublé par rapport à la décennie 1982-91, et cela, paradoxalement, alors que le Canada adoptait en 1988 une politique de libre-échange commercial, rendant ipso facto l'importation de main-d'œuvre à bon marché beaucoup moins souhaitable qu'auparavant. D'un point de vue économique, il s'agit là d'une contradiction fondamentale dans les politiques qui n'a pas fait l'objet, à ma connaissance, de grands débats publics et j’ajouterais, ni de grands reportages.
Le Canada est présentement parmi les pays industrialisés du G8 celui dont la population s'accroît le plus rapidement, et cela en grande partie est dû à une immigration massive. En effet, en 2011-2012, le taux annuel de croissance de la population du Canada a été de 1,1 pourcent, ce qui est supérieur à celui des autres pays industrialisés dont les États-Unis (+0,7 pourcent), l'Italie (+0,3 pourcent) et la France (+0,5 pourcent). Le Canada est aussi, de tous les pays du G8, celui qui a la plus haute proportion de résidents nés à l'étranger. Il n'est donc pas surprenant que des problèmes d'intégration apparaissent, lesquels sont probablement appelés à s'intensifier dans les années à venir. L’accès aux services publics, dont ceux de la santé, risque de devenir plus problématiques.
D'un point de vue démographique, la politique d'immigration du Gouvernement du Canada a eu un effet dévastateur sur la population francophone et sur son poids relatif au Canada. Ainsi, la proportion des Canadiens de langue maternelle française a été coupée en deux, passant de 42 pourcent au début de la Confédération de 1867 à environ 22 pourcent en 2011, et est en baisse continuelle. En 1961, cette proportion était encore égale à 30,4 pourcent. Aujourd’hui, nous avons à Ottawa un gouvernement qui est indifférent aux besoins du Québec.
Tableau- Canada et Québec: Immigration internationale (1972-2012)
Année Canada Québec
Immigration Immigration
1972 117,04 (milliers) 18,59 (milliers)
1982 135,34 21,39
1992 244,28 48,84
2002 256,41 37,58
2012 259,97 55,05
1972-2012 7 775,01 1 341,11
________________________________________________
1972-1981 1 439,81 231,121
1982-1991 1 383,38 266,23
1992-2001 2 235,50 332,79
2002-2011 2 456,35 455,92
2012 259,97 55,05
_______________________________________________________________
Source: Institut de la Statistique du Québec, 17 0ctobre 2013 et Statistique Canada
N.B.: milliers de personnes
_______________________________________________
Parce que le Québec a orienté sa politique d'immigration vers le monde francophone ou francophile, un nombre croissant des quelques 50 000+ immigrants qu'il reçoit chaque année proviennent de pays musulmans. Il en est résulté à la longue que le Québec a substitué un problème d'intégration religieuse à celui de l'intégration linguistique qui le confrontait dans le passé. En effet, le nombre aidant, un certain nombre d'immigrants de religion islamique adoptent de plus en plus l'intégrisme comme point de référence identitaire, ce qui nuit à leur intégration dans la société québécoise en les plaçant en conflit avec plusieurs des grandes valeurs de la civilisation occidentale, soit en particulier la liberté et l'égalité des femmes et des hommes, la liberté de marier qui on veut, la liberté de pratiquer ou de ne pas pratiquer des religions, la séparation de l'État et des religions, etc. Il y a, pour emprunter l'expression de Samuel Huntington, un dangereux « choc des cultures ».
Le principe de la neutralité de l'État et de la laïcité est un rempart contre cette dérive vers des temps anciens quand l'esclavage, c'est-à-dire le contrôle d'une personne par une autre avait encore cours. —La laïcité dans une société ouverte et démocratique, en effet, est le droit fondamental de respect envers autrui quelque soit son sexe, sa race ou sa couleur. Ceci signifie rejeter la misogynie institutionnalisée, la polygamie et les systèmes de ségrégation des femmes sous le couvert de la religion afin que le droit fondamental de l'égalité hommes-femmes ne soit pas un droit théorique mais fasse partie de la réalité quotidienne.
Agir pour l'avenir (Première partie)
La neutralité et la laïcité de l'État Québécois
Prévenir la formation de ghettos
Chronique de Rodrigue Tremblay
Rodrigue Tremblay199 articles
Rodrigue Tremblay, professeur émérite, Université de Montréal, ancien ministre de l’Industrie et du Commerce.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
6 commentaires
Archives de Vigile Répondre
16 janvier 201490% des pays ne sont pas anglophones et 95% des pays ne sont pas francophones . L,immigration doit donc venir de tous les pays et la francisation doit être pour tous.
MICHEL GUAY
Archives de Vigile Répondre
14 janvier 2014Il faudra un jour que les politiciens du Québec expliquent pourquoi nous avons besoin de sélectionner autant d'immigrants au Maghreb alors qu'une proportion inquiétante se retrouve sur le chômage ( 30 %).
Il faudra un jour que les politiciens du Québec expliquent pourquoi nous avons besoin d'immigrants qui rêvent de devenir fonctionnaires en arrivant au pays ou de travailler dans une garderie... Nous manquons d'éducatrices ??
Il faudra un jour que les politiciens du Québec expliquent pourquoi nous sélectionnons autant d'islamistes et de femmes voilées au Maghreb et en France..et oui les Français que nous accueillons sont dans une proportion importante des immigrants de culture et de confession musulmane
Il faudra un jour que les politiciens du Québec lisent le rapport publié en mai 2010 par l'ex-vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, sur les lacunes importantes dans la sélection des immigrants.
«Parmi les aspects abordés dans ce rapport, celui qui retient le plus l'attention concerne les critères de sélection pour les immigrants. Selon Renaud Lachance, ceux-ci ne sont pas adaptés à la capacité du Québec d'intégrer ces nouveaux arrivants sur le marché du travail.
Les travaux en question ont couvert la sélection des immigrants travailleurs qualifiés effectuée de janvier 2006 à février 2009. Or, parmi les faits énoncés par le vérificateur, on note que seulement 9% des candidats sélectionnés présentaient un profil répondant aux exigences dans les domaines de formation privilégiés par le Québec. De plus, 65% des travailleurs qualifiés sélectionnés n'avaient eu aucun point pour le domaine de formation.»
Parmi les éléments pointés du doigt, il y a notamment les points suivants:
- Le Guide des procédures d'immigration est incomplet et n'est pas mis à jour régulièrement.
- Il n'existe pas de liste de contrôle des documents que doit contenir un dossier avant d'attribuer un certificat de sélection.
- Le ministère n'a pas déterminé les risques opérationnels du processus de sélection et n'a pas mis en place les mesures pour les atténuer.
- Peu de directives encadrent la détection des faux (diplômes ou documents)
- La décision de sélection est laissée au jugement du conseiller; certains ont peu d'expérience et de connaissances liées au territoire du candidat.
http://www.ruefrontenac.com/nouvelles-generales/politiqueprovinciale/22517-limmigration
Archives de Vigile Répondre
14 janvier 2014"La laïcité dans une société ouverte et démocratique, en effet, est le droit fondamental de respect envers autrui quelque soit son sexe, sa race ou sa couleur."
Non. La laïcité, c'est la séparation du domaine politique et du domaine religieux. Rien à voir avec les Droits de l'Homme (incluant ceux de la Femme), qui sont loin d'être sacrés comme prouve l'Histoire depuis la Révolution Française.
Archives de Vigile Répondre
14 janvier 2014C'est toujours un plaisir de vous lire M. Tremblay.
Vous avez raison de soulever le problème de cette immigration massive que je trouve depuis longtemps suspecte.
Prenant en compte que les emplois de qualité sont de plus en plus rares au Québec étant donné le déménagement de notre base industrielle vers l'Asie, le pourquoi de tant d'immigrants se pose. Surtout que beaucoup d'immigrants voyaient le Québec comme un nouveau Klondike et sont deçus de voir que ce n'est pas vraiment le cas.
On entend souvent dire que derrière l'immigration massive se cache un projet caché de remplacement des populations d'origine.
Se peut-il qu'au Québec, des têtus de Normands et de Bretons ne soient pas assez malléables au goût du Système et que le Système ait décidé d'avoir ici des populations plus malléables qui se plieront mieux aux besoins du marché?
Jean-Claude Pomerleau Répondre
14 janvier 2014Voici un site d'intérêts avec tableau sur l'évolution de la pyramide des ages au Québec.
http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/perspectives/pyramide_age.htm
Appuyer sur l’onglet, en haut à gauche, pour l'indicateur des années et regarder la composition de la population par groupe d’âge évoluer avec les années à venir.
La pyramide des âges s’inverse, les vieux formeront la majorité. L’écho de la vague des Baby Boomers, la ligne portante des transformations dans la société depuis la dernière guerre.
JCPomerleau
Archives de Vigile Répondre
14 janvier 2014Le problème de la dénatalité au Québec...
http://www.axl.cefan.ulaval.ca/amnord/Quebec-3denatalite.htm
Les effets du vieillissement de la population...
http://www.conseiller.ca/retraite-2/les-effets-du-vieillissement-de-la-population-sur-la-sv-40189