« Une fois que les Québécois ou les Cris se sont définis eux-mêmes comme
une nation, il semble que leur allégeance au Canada ne puisse être
seulement approximative et conditionnelle. […] La nécessité d’une
territorialisation est même plus évidente dans le cas des autochtones. Si
les Nisga’as veulent continuer à se développer comme nation, ils ne
pourront le faire que sur leur territoire en Colombie-Britannique,
certainement pas au Nouveau Brunswick.
Nous devons par conséquent reconnaître que les nationalismes de minorités
continueront d’exister au Canada et que ces loyautés nationales seront
définies territorialement. »
Will Kymlicka, La voie canadienne
***
Certains commentateurs de la scène politique disent que le Québec se
dénationalise. Parmi ceux qui soutiennent cette théorie, il y en a qui
croient que la dénationalisation est rapide, alors que d’autres prétendent
qu’elle est lente ou tranquille. Ils notent que le Québec, depuis 1995, a
perdu le sens de la nation. Cherchant polémiquement des coupables, ils
distinguent le civique de l’ethnique, expliquent le repliement identitaire
par la peur du racisme et critique la reformulation ingénieuse de
l’identité québécoise dans la mode multiculturaliste conduisant à
l’édulcoration du Québec réel. Mettant l’accent sur une majorité refoulée,
le « nous », ils reconnaissent une dénationalisation québécoise. La
dénationalisation, ainsi vue, paraît expliquer la réalité.
Or pour intéressante qu’elle soit, la théorie de la « dénationalisation »
est fausse. Elle est fausse parce que le Québec, inversement, vit ce que
l’on pourrait appeler une « nationalisation subtile » à l’intérieur du
Canada. Loin de se dénationaliser, l’interprétation des faits récents
montre que le Québec connaît plutôt une nationalisation assez subtile pour
échapper à l’analyse de nos politologues. L’ironie ici, c’est qu’un ardent
défenseur du fédéralisme comme W. Kymlicka l’ait vue et annoncée. Notre
article veut démontrer, à l’encontre de la mode actuelle, trois points
précis : 1) le Québec est devenu subtilement une nation 2) le Québec se
nationalise de l’extérieur, à partir du Canada, c’est-à-dire dans un sens
nouveau et 3) la nationalisation du Québec est peut-être, selon un retour
de balancier, le produit d’une stratégie fédérale basée sur une application
simple de la gestion des attentes.
L’idée de « nationalisation subtile »
Se nationaliser, c’est au sens large se constituer en nation et mettre sur
pied un modèle politique national. Dans un sens traditionnel, on dira que
la nationalisation consiste à conférer au peuple le contrôle et la
propriété des moyens de production qui appartenaient au privé. Ici, on
pense par exemple à la nationalisation des ressources énergétiques.
Or, dans un schéma politique classique, la nationalisation s’opère de
l’intérieur, c’est-à-dire que le peuple, celui qui veut se gouverner
lui-même par l’État, travaille à créer ses propres structures et cherche
par lui-même sa reconnaissance auprès des autres États. Le peuple ne
demande pas un statut politique, il se le donne. L’État ne reçoit pas un
statut politique particulier, il le conquiert ou se le vote lui-même par
les moyens de la démocratie. Un État autonome et légitime ne demande pas la
permission, il agit.
Cependant, à l’intérieur de la fédération canadienne multiculturelle s’est
produit un phénomène intéressant et riche sur le plan politique : au lieu
de le choisir, le Québec s’est vu octroyer subtilement par le gouvernement
fédéral (dirigé minoritairement par les conservateurs de Harper) un
nouveau statut : il est devenu, n’en déplaise aux Libéraux de Dion, une
nation. En effet, à la surprise du chef du Bloc, le Québec est devenu une «
nation » parce que le gouvernement fédéral en a décidé ainsi. Généreux, le
nouveau gouvernement conservateur ? Voyons voir.
On peut se demander à bon droit ce que signifie ce geste. Pourquoi donner
au Québec un statut qui, partant de la confusion naturelle du terme «
nation » dans les deux langues officielles, risque de créer des problèmes.
La question est d’autant plus intéressante que le geste de Harper, certes,
ne visait pas à donner explicitement au Québec une véritable reconnaissance
internationale qui irait à l’encontre des intérêts centralisants d’Ottawa,
mais à l’apprivoiser en période électorale. Ici, l’analyste doit oser une
hypothèse : se pourrait-il que le mot nation, loin de renvoyer à son sens
classique, doive désormais s’interpréter en terme de « territorialisation
», c’est-à-dire que la nouvelle nationalisation du Québec n’a plus rien à
voir avec sa volonté de devenir un État souverain, mais implique plutôt,
vue d’Ottawa, le début de sa gestion par l’extérieur en tant que nouveau «
territoire » ?
Le Québec devenu une nation parmi d’autres
Si nous partons de cette hypothèse, il est possible de défendre une idée
nouvelle : le gouvernement fédéral aurait-il réussi à renommer la réalité
de telle manière que les Québécois, sans trop s’en rendre compte, forment
désormais une nation, une nation au sens des « premières nations », une
nation territoriale parmi d’autres ?
En effet, et ne soyons pas dupes : si le fédéral donne cette récompense ou
cette reconnaissance, c’est parce qu’il sait très bien qu’il fera plaisir à
de nombreux Québécois, qu’il coupera l’herbe sous les pieds des Libéraux et
que ce don ne renversera jamais l’ordre établi, c’est-à-dire la
confédération canadienne. Au contraire, le nouveau statut de nation assure
une véritable puissance de l’État multinational canadien. Non seulement le
Québec en fait partie, mais il y participe lui-même dès qu’on lui donne ce
« mot »…
Affublé du titre de nation – suivant la nouvelle définition territoriale
et non étatique du terme –, le Québec n’a plus à affirmer sa capacité à se
gouverner lui-même, mais doit rentrer directement dans le giron et l’ordre
politique canadien. Ce faisant le Québec, déterminé de l’extérieur, se voit
confirmé comme une « province territoriale » à l’intérieur de la fédération
canadienne multinationale. Les cyniques diront que le Québec ressemble de
moins en moins à un État et de plus en plus à une réserve, comme celle qui
encadre les activités des premières nations autochtones. En vérité, ils
auront en partie raison : le Québec redevient un territoire que la
fédération reprend en main à partir du centre, à partir d’Ottawa et de
Toronto.
Nouvelle signification du nationalisme
Cela dit, nous assistons depuis 1995, au Québec, à l’émergence d’un
nationalisme de minorité, c’est-à-dire à une nationalisation imposée par la
majorité anglophone. Loin de la redoutée dénationalisation, le Québec se
fait complice de la gestion de son État-Providence par le Conseil de la
fédération canadienne. Il y a, avec l’accord subtil du Québec, rapatriement
national des services à partir d’Ottawa. Le cycle n’est pas à la perte de
la nation, mais à sa confirmation par la nation elle-même. Le gouvernement
du Québec, au lieu de refuser le jeu de la construction de la réserve, la
justifie. Dans ce nouveau contexte, le nationalisme n’est plus
l’affirmation de soi, mais l’acceptation de son propre repliement
identitaire. Cela dit, comment pouvons-nous expliquer cette situation
inusitée et extraordinaire ?
Application politique de la gestion des attentes
Voici une idée encore peu développée dans les théories modernes de
psychologie politique. Il s’agit de la théorie de la gestion des attentes.
Cette théorie est assez simple à comprendre et s’applique bien au cas du
Québec.
On sait tout d’abord que les populations et les sociétés, à l’image des
individus qui les composent, ont des attentes, conscientes et
inconscientes. Nous interprétons le futur en fonction de notre passé,
c’est-à-dire à partir de nos réussites et de nos échecs. Nous voulons moins
souffrir et nous nous projetons dans un avenir meilleur. Ce phénomène, en
politique, explique les attentes, les rêves, et les espoirs de
reconnaissance des peuples.
Psychologiquement, il se produit parfois des déformations de la réalité
créées par le remplissement soudain et inattendu des attentes. En effet,
nous sommes rarement déçus quand nous n’avons aucune d’attente. Cependant,
a contrario, nous sommes tous heureux de recevoir un cadeau, ce qui flatte
l’ego. Or le cadeau est encore plus apprécié s’il vient d’une personne que
nous croyons incapable de l’offrir. Si nous estimons qu’une personne est
peu généreuse, on n’anticipera pas le cadeau, lequel paraîtra alors plus
gros que nature. Mieux : dès la réception d’un cadeau que nous croyons
impossible, nous considérons (sur le coup et par l’effet de la chance) la
situation avantageuse pour nous. Il s’agit en fait d’une illusion qui
repose sur l’oubli de la conscience historique. Quand sourit la personne
qui ne sourit jamais, nous oublions le passé et nous la trouvons tout à
coup sympathique…
Quand il est politiquement judicieux de « donner »…
Mais revenons au Québec. Will Kymlicka l’avait vu : si les Québécois
réclament le titre de nation, ils iront alors vers l’indépendance politique
et l’allégeance au Canada sera problématique. Mais si l’on donne le statut,
ils deviendront une nation comme les autres. Devenu nation sur un
territoire, le Québec n’a plus rien à demander. L’effet psychologique fut
magistral. Car si l’histoire moderne du Québec est construite sur des
échecs, des fins de non recevoir, c’est-à-dire sur la non reconnaissance de
la part du fédéral, ce qui a fait baisser les attentes, le geste surprise du
gouvernement Harper, pour se distinguer de la gouvernance libérale et amie
des commandites, peut avoir hypnotisé un bon nombre de Québécois. Recevoir
un cadeau, entendre des promesses dans sa langue, cela peut enchanter
certaines âme sensibles.
L’illusion nationale et l’édification d’un État multinational
La nationalisation subtile qui se produit dans le moment procède peut-être
d’une rigoureuse application de la gestion des attentes. De nombreux
Québécois, loin de saisir la logique des attentes, ont le sentiment d’être
enfin reconnus pour ce qu’ils sont devenus : une petite « nation » dans le
monde. Comme nation, il est désormais normal que le gouvernement fédéral
gère le territoire et décide de ce qui est bon pour elle. Quand ils
empruntent les mots du fédéral sans se poser trop de questions, quand ils
acceptent de recevoir un statut politique en cadeau au lieu de se le donner
eux-mêmes par leur démocratie, ils rendent crédible l’édification d’une
fédération multinationale. S’ils trouvent acceptable d’être confinés au
rang de nation, de « seconde » nation, de nation nationalisée de
l’extérieur, c’est qu’ils se nationalisent à la vitesse de leur repliement
politique. Les Québécois redeviennent lentement des Canadiens-français, des
habitants de seconde zone tout simplement.
Cependant, cette nouvelle nationalisation n’est pas la fin du monde. Il y
aura un lendemain que l’on peut prévoir. Toute la difficulté de la
prévision concerne l’intensité du sursaut, c’est-à-dire la force du réveil.
Si le sursaut ne dure pas très longtemps ou n’est pas assez puissant, les
risques de voir le Québec devenir un territoire augmentent. Peut-être
convient-il de rappeler ici que le terme nation, dans sa redéfinition
fédéralisante, doit conduire à la territorialisation, c’est-à-dire à
l’isolement et à la dépendance. En ce sens, le Québec ne se dénationalise
pas, comme l’avait anticipé le livre de Kymlicka, il se nationalise sur
son territoire à l’intérieur d’un nouveau Canada, un vrai État
multinational enfin responsable de toutes ses minorités.
Dominic DESROCHES
Département de philosophie / Collège Ahuntsic
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
La «nationalisation subtile»
Une interprétation de la stratégie politique fédérale
Penser le Québec - Dominic Desroches
Dominic Desroches115 articles
Dominic Desroches est docteur en philosophie de l’Université de Montréal. Il a obtenu des bourses de la Freie Universität Berlin et de l’Albert-Ludwigs Universität de Freiburg (Allemagne) en 1998-1999. Il a fait ses études post-doctorales au Center for Eti...
Cliquer ici pour plus d'information
Dominic Desroches est docteur en philosophie de l’Université de Montréal. Il a obtenu des bourses de la Freie Universität Berlin et de l’Albert-Ludwigs Universität de Freiburg (Allemagne) en 1998-1999. Il a fait ses études post-doctorales au Center for Etik og Ret à Copenhague (Danemark) en 2004. En plus d’avoir collaboré à plusieurs revues, il est l’auteur d’articles consacrés à Hamann, Herder, Kierkegaard, Wittgenstein et Lévinas. Il enseigne présentement au Département de philosophie du Collège Ahuntsic à Montréal.
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9 commentaires
Archives de Vigile Répondre
13 janvier 2008"Ce slogan politique aurait disparu de notre mémoire collective si ce "nous" peuple du Québec ne s’était incarner dans l’ ÉTAT du Québec. C’est en prenant appuis sur la mise en place d’un état moderne que nous sommes passé de canadien français à Québécois."(J. C. Pomerleau)
Si cet État était bien à NOUS, nous serions déjà indépendant.
Il n'est pas à NOUS, mais à TOUS, comme l'est le fédéral centralisateur.
Un petit ROC, même francophone, ne tiendrait pas longtemps en place. Le peuple Québécois serait toujours dans la voie de la disparrition tout comme le sont les Anglo-Britanniques du ROC, malgré que l'anglophonie y poursuit son hégémonie et eux n'ont même pas besoin de convaincre personne par des mesures de l'État!
Si le seul but de l'indépendance du Québec est de faire de Chinois, d'Israelien, d'Allemands, etc, des francophones en Amérique, un espèce de ROC multiculturaliste francophone qui prendrait la place des Québécois de souches, bein on se conte des histoires car ces ethnies ne deviendront jamais pleinement francophones puisqu'ils pratiquent des économies parallèles à la masse et une fois que nous serons disparus, faute d'une économie propre à nous, ils prendront les commandes pour faire réintégrer le Québec dans le Canada anglais (Toronto) là où sont leurs familles et réseaux d'affaires.
Larose a raison de dire:
"au lieu de perdre son temps avec le « référendisme », un gouvernement péquiste devrait assurer une « gouvernance souverainiste », c’est à dire poser des gestes « porteurs de changements structuraux conduisant à la souveraineté »."
Mais la souveraineté de qui et quoi? La souveraineté du territoire n'assure pas nécessairement la souveraineté du peuple Québécois qui aura été le principal électeur de ce parti souverainiste. Une fois au pouvoir et miraculeusement majoritaire, le PQ nationalisera t-il tout et mettra t-il des lois pour forcer l'apprentissage du français? Faudrait alors qu'il se déclare parti unique, comme chez les soviets, car le peuple Québécois ne dépendant que de l'économie étatique et donc sans réseau actif à son nom propre restera dans une économie fermée et perdra encore ses meilleurs qui iront rejoindre les réseaux ethniques "ouverts" et "internationaux" et on verra de nouveau l'argent et le vote ethnique installer un autre parti qui viendra tout défaire et tout dénationaliser exactement comme maintenant avec Charest. Ce sera encore "retour à case départ".
Et Gilbert Lavoie de dire:
"M. Larose compare ces gestes aux grandes politiques qui ont permis de bâtir l’économie du Québec et d’assurer la survie du français."
Tiens, tiens! Le français survie et ne recule plus!
Les francophones à 42% à Montréal! Oh! quelle formidable économie francophone! Un succès! Parions qu'on pourra atteindre le 30% dans 5 ans!
Non, franchement, faudra se sortir la tête du pot de sable.
L'économie du Québec s'anglicise de plus en plus car les réseaux ethniques d'économies parallèles à l'économie de Québec sont anglophones et que les Québécois de souche n'ont pas leur propre réseau ethnique d'économie qui serait biensûr francophone.
C'est là que doivent être posés les gestes "porteurs de changements structuraux conduisant à la souveraineté".
Ce n'est pas l'État qui doit prendre en charge l'économie du peuple Québécois, mais donner à ce peuple les moyens de prendre en charge sa propre économie pour qu'ainsi ce peuple fasse de cet État le sien (souveraineté).
Et c'est là toute la stratégie fédéraliste de transfert du "replis sur soi" économique des Québécois de souche sur un "replis sur soi" identitaire ethnique. L'un va avec l'autre et on nous entretient par propagande anti-raciste, d'intolérance et de xénophobie, de rejetter l'un pour ne pas que l'autre émerge.
Voyant notre éveil à l'économie pendant la Révolution Tranquille, on nous a plongé ainsi dans l'entretient d'une culture de "socialisation" tout en négligeant une culture d'économie. Les enfants Québécois de souche n'apprennent rien en économie tandisque les enfants des réseuax ethniques parallèles sont formés très tôt à l'économie. EUX ils posent les vrais gestes structuraux pour leur indépendance.
La "francophonie" ne sera jamais le motif qui convaincra les Québécois de faire leur indépendance. Si la francophonie en est une partie importante, notre culture est beaucoup plus que çà et nos ambitions aussi. Nous réduire à des "francophones d'Amérique" ainsi que réduire la souveraineté à un combat pour la survie de la francophonie en Amérique, franchement, c'est passer à côté de toute la richesse de l'identité du peuple Québécois.
Ce peuple n'a pas envie de survivre ou se faire vivre. Il veut vivre.
Il veut un vrai projet.
Pour comprendre les économies parallèles ethniques de Montréal:
http://www.inderscience.com/storage/f108492113751612.pdf
Archives de Vigile Répondre
13 janvier 2008"Maitre chez nous". Ce slogan politique aurait disparu de notre mémoire collective si ce "nous" peuple du Québec ne s'était incarner dans l' ÉTAT du Québec. C'est en prenant appuis sur la mise en place d'un état moderne que nous sommes passé de canadien français à Québécois. Que "l Équipe du tonnerre" est passé, pour la plupart, de fédéralistes à souverainistes. Que l'on a mis en place Hydro QC et La Caisse de Dépöts (plus de 250 milliards d actifs cumulé); Géopolitique: " Seul l'état agit avec envergure" (M. Sauvé).
C'est exactement pour cela qu Ottawa et le ROC ne veulent pas faire l adéquation entre la nation Québécoise et son État. Il est temps d'en prendre acte.
Il est temps d'arrëter les débat sémantique et de "logique discursive" (M Sauvé), "d'illusion grammaticale" (Nietzsche). La politique n est pas du domaine RATIONNEL elle est du domaine RELATIONNEL (Rapport de force).
Rapport de force, non pas entre nation mais entre deux ÉTATS: Canada, qui nous a annexé; et QUÉBEC qui cherche à s en affranchir pour devenir un état optimal.
C'est à nous de se définir et se faisant donner de la consistance à notre état: Dotons nous d'une Constitution du Québec qui précisera les termes politique et juridique de notre état nation.
Cet acte d' état, comme la Révolution tranquille, va crée une base d appuis pour une nouvelle dynamique politique qui nous fera progresser vers l'état optimal, l'état souverain.
jcpomerleau
Dominic Desroches Répondre
12 janvier 2008Merci pour votre remarque Monsieur Jean Pierre Bouchard, car vous prenez le changement de signification des termes au sérieux, comme le montre vos derniers écrits. Dans Le lieu de l'homme d'ailleurs, F. Dumont précise non sans raison que la question culturelle est à trouver dans une crise du langage. Cette crise roule sur une question de distance possible à l'intérieur même des mots que nous employons. Il faudrait remettre ce livre, devenu un classique, au programme dans nos collèges.
Concernant les autres réactions (assez vives) à mon analyse, je ne peux les commenter pour elles-mêmes, car je ne les comprends humblement pas. Mais, à titre de scribe sans envergure sur Vigile, je vais faire un effort puisque les commentateurs en ont fait un. À première vue, elles semblent, mais je me trompe peut-être, avoir un point en commun : elles reposent sur le deni ou le refus du changement de vocabulaire en politique (qui est précisément la thèse que je défends, dans la foulée de D. Innerarity, dans de nombreux textes), alors je vois mal comment je pourrais entrer dans un dialogue fécond. Soit dit en passant, qui refuse la métaphore des arts matiaux ? Personne ! En repassant, je ne discute pas de dates, encore moins de la conception de l'Assemblée nationale dans ce texte... Mais les précisions apportées ci-dessus pourront assurément servir dans un autre contexte, merci.
Il me semble aussi que la nationalisation est un concept tellement subtil que, pour cette raison même, il nous donne une route à suivre et un accès privilégié pour penser la question québécoise dans le cadre canadien. Kymlicka a vu (et Will Kymlicka n'est pas Dominic Desroches) qu'il conduisait, dans le fédéralisme canadien compris comme multiculturaliste, au mot territorialisation. Mais tous ne pensent pas comme cela.
Cela dit, je suis heureux de voir que ce texte a provoqué des réactions et je tiens à remercier les auteurs pour leurs commentaires. Et parce que les auteurs ont même eu la chance de discuter entre eux, cela signifie que mon texte n'aura pas été inutile. Comme tout texte, il aura été un prétexte ! Il a donc atteint son but. Bonne continuation à chacun.
Nota : je ne peux manquer de souhaiter la meilleure des chances à Monsieur Raby, qui a ouvert le bal des interprétations flatteuses et consolantes des mots nation, reconnaissance et monument, dans la réussite de son projet politique.
Jean Pierre Bouchard Répondre
12 janvier 2008Analyse brillante, D.Desroches.
À partir du passé historique canadian. À partir de la colonisation anglophone et raciale de l'Ouest canadien et de la réduction de la province du Québec à une enclave française "toléré". Les conditions de la territorialisation du Québec existent au moins depuis 1880-1885 dans la confédération. Et c'est cette même territorialisation raciste qui motive la transformation de la province québécoise en pays du Québec! C'est cette mise en réserve historique du Québec français qui a donné les clefs de la stratégie d'harper contre le Québec en usant de sa mystification.
Archives de Vigile Répondre
12 janvier 2008"Cela dit, nous assistons depuis 1995, au Québec, à l’émergence d’un nationalisme de minorité, c’est-à-dire à une nationalisation imposée par la majorité anglophone."(Dominic Desroches)
Désolé mais votre concept de nationalisation des Québécois par la majorité anglophone ne tient pas la route. Une telle chose voudrait dire que la nation Québécoise formerait la majorité nationale culturelle du Canada, puisque la majorité anglophone n'est pas reconnue comme une nation à l'intérieur du Canada Uni.
Seuls les Amérindiens, Inuits, Métis et maintenant Québécois sont reconnus comme des nations au Canada. Bien pire, la majorité anglophone n'est même pas reconnue comme une communauté ethnique culturelle au Canada, tandisque toutes autres (juive, grecq, italienne, etc...) le sont !
Ce n'est pas une nationalisation des Québécois, mais une reconnaissance, puisque nous étions déjà une nation et une communauté ethnique culturelle.
C'est bien plus une dénationalisation de la majorité Anglo-Britannique que nous observons! Une dénationalisation de la majorité anglophone.
C'est pourquoi la stratégie de Harper est une grave erreur ou un sabordage canadian volontaire! Je penche plus vers l'erreur.
À nous de l'exploiter au maximum.
Je vous invite à consulter une étude par l'une des conseillères de la commission B-T, de l'université McGill, sur le multiculturalisme et sa prise de conscience que ce cadeau de P.E. Trudeau se révèle une catastrophe "nationale" pour l'identité de la majorité anglaise et même pour tout espoir d'un nationalisme canadian (en autant que les Québécois se décident de l'exploiter):
les cinq objectifs majeurs du multiculturalisme en 1971 et depuis lors :
1) détruire l’idée et la réalité de toute culture officielle et de la hiérarchie culturelle historique
en faveur des Canadiens anglais et des Canadiens français, les groupes dits majoritaires culturellement;
(vous voyez? nous ne sommes plus une majorité, donc nous pouvons exploiter les avantages du multiculturalisme tout comme les minorités ethniques qui nous voyaient comme une majorité provinciale. Nous ne sommes reconnus comme une nation qu'à l'intérieur du Canada Uni, non comme nation provinciale)
2) transformer l'esprit monoculturel de l’appareil d’État fédéral en recrutant des immigrés et en
formant les fonctionnaires au respect des différences culturelles;
3) réduire les obstacles culturels à l'inclusion égalitaire des immigrés et des minorités
historiques dans toute institution, notamment publique (écoles, armée, police, justice,
services sociaux);
4) réduire les obstacles à la participation égalitaire des immigrés et des minorités historiques à
la vie sociale et culturelle canadienne, par ex : éliminer représentation non stéréotypée et
non haineuse dans tous les médias de communication : publicité, TV, radio publiques et privées, presse écrite;
5) Assurer la capacité des groupes minoritaires de défendre leurs droits et de reproduire leur
culture par une aide publique à leurs associations et à l'enseignement de leur langue
d'origine dans des écoles privées, confessionnelles ou non.
Lisez bien le document au complet et vous comprendrez à quel point la reconnaissance ethnique du peuple Québécois en tant que nation dans le cadre du multiculturalisme canadian se révèle un formidable outil des plus profitable pour notre cause.
http://im.metropolis.net/research-policy/research_content/doc/Helly%20Multi%202004.pdf
Si intelligemment utilisé biensûr.
Le potentiel est immense.
Et légal !
La Cour Suprême devra défendre toutes nos innitiatives.
La seule défence du fédéral contre nous, sera laquelle ?
La réouverture et la modification de la constitution !
C'est ti pas beau çà ?
Archives de Vigile Répondre
12 janvier 2008"Ce serait un symbole national puissant, un peu comme le"National Wallace Monument" pour les écossais."(Alain Raby)
La puissance du monument national Wallace tient du fait qu'il est dédié aux Écossais et non à l'Écosse. C'est la nation qui met les institutions de son État en place et nomme son territoire.
Ne nous faisons pas le même coup que le fédéral.
Un monument à la nation. Un monument aux Québécois. Pas un monument au territoire Québec. Sinon nous admettons, comme le fédéral le fait avec son Canada Uni, que notre nation dépend de l'État.
Nous devons nous affirmer comme peuple. De là, bâtir concrètement nos institutions à notre nom sur le territoire qui nous est légitime, le Québec, réaffirmant ainsi clairement et concrètement que c'est le nôtre.
Archives de Vigile Répondre
12 janvier 2008L'Assemblée du Québec est devenue nationale en 1968 : le processus de nationalisation est donc autonome - et il remonte bien plus haut dans notre histoire que 1968, même s'il a fait un bon dans les années 1960-1970 avec plusieurs gouvernements nationalistes à Québec.
Le processus de mise en "réserve" est, lui aussi, tout sauf nouveau - il date au moins de 1791.
Vous décrivez effectivement une nouvelle stratégie d'Ottawa, qui contraste avec le trudeauisme, mais pas avec une histoire de concessions au nationalisme québécois qui remonte au moins à 1774.
La nationalisation en question, dans chacun de ces de concessions (à distinguer donc des mesures prises par l'État québécois), est toutefois incomplète par définition. Ces concessions révèlent la réalité suivante : le Québec est trop solidement établi pour être absorbé et assimilé, mais n'est pas, ou ne se croit pas, selon les périodes, en position d'établir son indépendance. La concession révèle tout à la fois les limites d'un pouvoir hégémonique et une stratégie pour éviter l'émancipation complète.
La reconnaissance officielle en 2006 par le fédéral du fait que le Québec se conçoit comme une nation ne change rien à ce fait, et l'affirmation selon laquelle l'autonomie croîtrait depuis 1995 est un peu trop rapide.
Le nation-building canadian continue de concurrencer l'identification nationale québécoise au Québec même. L'intégration de l'immigration est l'un des terrains où cet enjeu est des plus manifestes, mais c'est loin d'être le seul.
Archives de Vigile Répondre
12 janvier 2008Celui qui étudie les arts martiaux apprend vite la sagesse et les avantages d'utiliser la force de son adversaire contre lui-même.
Alain Raby Répondre
12 janvier 2008Cher camarade,
Vous admettrai avec moi que la reconnaissance de la nation québécoise vaut mieux que la mince reconnaissance de "la société distincte", pour laquelle les québécois ont outrageusement combattu en vain.
Il faut que les indépendentistes apprenent à se servir de cette reconnaissance de la nation comme d`un tremplin dans leur lutte pour l`émancipation de la nation québécoise et de son peuple.
Il vaudrait mieux en définir les avantages, plutôt qu`en exécrer une supposée inconvénience.
Dans notre combat national il vaudra toujours mieux tourner à notre avantage de telles stratégies électoralistes des fédéralistes. Servons-nous du poids de cette reconnaissance pour mieux propulser notre option.
Préférons l`attitude du mieux plutôt que l`attitude du pire, sinon, nous adoptons une stratégie stérile de mutilation. Cela vaut pour toutes les luttes à venir. Comme pour les arts martiaux, il faut se servir des élans de l`adversaire pour le déstabiliser.
C`est pourquoi je suggère que soit élevé un Monument National pour souligner cette reconnaissance de la nation québécoise par les deux parlements concernés.
Et je souhaite que ce monument national consiste en un Centre National de l`Histoire du Québec ,où avec un audio guide, nos écoliers, nos immigrants, nos touristes et les dignitaires de d`autres pays, pourraient en quelques heures avoir une certaine idée de l`identité historique des Québécois. (Voir Vigile à Centre National d`histoire du Québec).
Ce serait un symbole national puissant, un peu comme le"National Wallace Monument" pour les écossais. J`imagine une architecture visionnaire pour ce monument.
Nous sommes plus près du but qu`on y pense.
Alain Raby, 4 place de l`église, Saint-Jean-Port-Joli.