La mystique lucide

Lettre ouverte à Joseph Facal

Tribune libre

Permettez-moi, Monsieur Facal, de vous soutirer quelque moments de votre temps afin de tenter de vous faire sortir de votre torpeur « lucide » en vous proposant de revisiter cette autre interprétation de la réalité socio-économique québécoise que vous escamotez avec un mépris infantilisant avec vos messages soporifiques propre aux affairistes suiveux que vous exhibez sans pudeur dans vos textes et vos interventions. Par la même occasion, je tiens à vous souligner les conséquences très prévisibles de votre fixation néolibérale à vouloir toujours piger davantage dans les poches des mêmes contribuables. Vous et vos cosignataires «lucides» militez très fort en ce sens. M. Montmarquette s’agite de nouveau au chevet de ce gouvernement provincial peu légitime de Jean Charest qu’on devra subir, hélas, pendant un autre trop long mandat qui sera caractérisé par sa volonté inextinguible d’en finir avec les acquis de la révolution tranquille.
D’entrée de jeu, j’aimerais vous faire remarquer que vous êtes peut-être fatigant, mais je préciserais que vous êtes plutôt endormant.
Ça fait depuis 2005 que vous tentez de nous endormir avec votre analyse bâclée que vous avez présentée comme étant la Vérité révélée des douze apôtres de la «lucidité». Cette semaine, dans les pages de votre strapontin de scab chez Québécor, vous nous évoquez la Suède et la Finlande qui auraient bien sagement fait ce que vous auriez si modestement proposé.
La Suède et la Finlande sont des États optimaux qui sont très différents du régime canadian qui est assimilable aux républiques de bananes que des sociétés étrangères aux accents anglais et européens pillent à leur guise. Géré à la petite semaine par les petits potentats intouchables de l’establishment montréalais, notre régime provincial va finir par fragiliser et fragmenter définitivement notre nation et on doit s’affranchir de cette petite noblesse affairiste inféodée à Toronto, avec urgence et célérité.
Pour revenir aux deux pays que vous nous présentez comme s’ils étaient vos trophées de chasse personnels, leurs PIB per capita et leurs systèmes éducatifs sont en meilleur état et gérés plus efficacement que les nôtres et c’est certainement un anathème pour un illuminé de chambre de commerce comme vous, mais, imaginez-vous qu’en Finlande, on n’encourage pas du tout les écoles privées et on réglemente même l’économie. Quelle connerie de gauche, hein?
Par ailleurs, on vous voit venir comme un rhinocéros désorienté soulevant la poussière sur une plaine asséchée quand vous nous énoncez toujours les mêmes mises en garde funestes, livré avec ce ton alarmiste que vos collègues Fortin, Castonguay et Montmarquette ont érigé en art.
Comment se fait-il que vous et vos coreligionnaires de la secte des lucides démontrez si peu d’imagination quand vient le temps de piger dans les poches du commun des mortels. N’avez-vous jamais entendu parler des outils d’évasion fiscale comme les services très discrets d’optimisation fiscale ou les abris fiscaux offshore?
C’est du domaine public que les grandes sociétés comme les banques, les assureurs et les pétrolières engrangent des milliards, même en période de ralentissement économique. Est-ce une connerie que de vouloir que ces sociétés, pour la plupart étrangères, paient peu un d’impôts? Est-ce équitable envers la nation hôte qu’ils n’aient presqu’aucune redevance?
Comme vos congénères lucides qui sont les porte-voix de la caste des intouchables montréalais, vous refusez d’envisager les conséquences inévitables de vos propositions d’augmentation des tarifs tous azimuts. Vos exigences sélectives auront un impact délétère sur la qualité de vie des Québécoises et des Québécois les plus démunis. Tout à fait le même effet que le retour des républicains sous Reagan a eu sur le peuple américain. Aujourd’hui, les riches sont plus riches et les pauvres le sont davantage.
Alors, il ne faut pas se faire d’illusions, ce capitalisme que vous vous éreintez à défendre sera toujours réfractaire à une imputabilité quelconque et à une saine réglementation des marchés financiers, de même qu’à des mesures socio-économiques plus humaines. La version canadian incarnée au Québec par ce capitalisme pilleur de nos ressources est dirigé par le syndicat financier montréalais, que vous affectionnez tant, qui est lui-même à la remorque de nos intouchables de Toronto.
Pour revenir au constat des lucides, vous nous déclarez que nous y sommes. Vous vous délectez à savoir que votre message aurait été finalement compris par votre partenaire réticente, la ministre préretraitée Jérôme-Forget.
Vous dites que le « vrai » cadre de pensée dominant, c’était « notre » persistance à croire les politiciens qui nous disaient qu’on pouvait continuer à vivre à crédit sans jamais recevoir la facture.
Certes, c’était trop beau pour être vrai et avec votre texte intitulé « Le temps de la lucidité », publié cette semaine dans le journal qu’on sait, on peut en déduire que votre plus grande frustration, M. Facal, c’est que la droite, intimement associée au capital, sort toujours perdante dans un contexte de crise et de chaos économique.
Et je tiendrais à vous rappeler que ce n’est pas avec cette faune des chambres de commerce associée au PLQ et au PQ qu’on va gagner en équité fiscale ou qu’on va se sortir de notre sujétion à un État étranger.
Le scandale du compte de dépenses à hauteur de 130 000$ de l’ex président de la FTQ construction n’est rien en comparaison avec le scandale de la caisse de dépôt et la rémunération scandaleuse des hautes directions corporatives. La caisse de dépôt est maintenant inféodée aux grands financiers de Toronto de même que par des intérêts plus pointus, comme ceux du Roi-neigre Paul de Sagard et le richissime héritier Pierre Karl Péladeau.
La corruption et les ruptures d’imputabilité affectent n’importe quelle sphère d’activité humaine, que ça soit dans le monde gouvernemental, politique, financier, médiatique ou même syndical. La force et la préséance politique de ce capital sera toujours une fonction de sa taille et de ceux qui le contrôlent.
Imaginez-vous que M. Charest a fait appel au fonds de solidarité de la FTQ pour aider à relancer l’économie québécoise. Pensez-y bien M. Facal. Dans ce contexte, est-ce que la FTQ peut-être considéré comme étant un organe de gauche ou de droite?
Le capitalisme a creusé son propre trou et on voudrait qu’on ne bronche pas en nous enterrant sous les factures pour des incuries imputables à de gestionnaires incompétents et surpayés.
En conclusion, je vous verrais très bien dans un débat à venir qui mettrait en valeur votre capital idéologique. Vous devriez songer à vous faire valoir dans toute votre splendeur en vous présentant contre Stéphane Gendron à la chefferie de l’ADQ. Comme ça, vous passeriez peut-être moins de temps à radoter avec la clique à Bazzo et à écrire n’importe quoi dans un journal en grève.
Daniel Sénéchal
Montréal
P.S. Texte transmis à facal_commentaire xhA journalmtl.com


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    25 mars 2009

    Note à Vigile :
    Prière de remplacer mon précédent texte tronqué par inadvertance et de publier celui ci dessous. Vous pouvez aussi retirer la présente note du commentaire. Merci !
    ----------------------------À PUBLIER ----------------------
    En un mot comme en cent : Bravo !
    Et j’avoue qu’il m’est bien difficile dans les circonstances de ne pas faire référence à un extrait de Marc Bonhomme que je vous mets en référence ci-dessous.
    Bravo encore !
    Et merci pour votre minutieux travail.
    Christian Montmarquette
    Membre de Québec solidaire
    Militant pour l’éradication de pauvreté et l’indépendance du Québec
    Extrait du texte de Marc Bonhomme :
    (…) Si la lutte pour l’indépendance n’est pas le fer de lance de toute stratégie de sortie de crise pour le prolétariat québécois, alors il faut renoncer à cette lutte.
    Tel n’est pas le cas. L’indépendance permettra la mise sur pied de la Banque du Québec et l’instauration d’une monnaie québécoise afin d’encadrer l’expropriation des institutions financières, de mettre en place la nouvelle structure de finance populaire et d’implanter un régime d’investissements anti-crise et écologique et une structure de prix favorisant la conservation énergétique, le transport public et l’agriculture biologique.
    Un parti de gauche ira chercher l’énergie libératrice enfouie dans l’histoire d’oppression plus que bi-séculaire de la nation québécoise. Il la fusionnera, sans l’instrumentaliser, avec la haine des banques et du patronat que le déploiement de la crise ne manquera pas de susciter.
    La crise permet de donner à la revendication de l’indépendance sa pleine signification de gauche, non seulement vis-à-vis Ottawa, siège du pouvoir politique fédérale, mais aussi vis-à-vis Bay Street, siège du capital financier canadien.
    L’indépendance du Québec est une urgence non seulement politique et nationale mais aussi économique, financière, écologique et sociale. Elle est la revendication-clef pour libérer l’énergie créatrice du peuple québécois afin de contribuer à initier dans la rue une vague de libération nationale et sociale.
    Cette mobilisation devrait être la base d’états généraux des mouvements populaires pour un Québec indépendant et écologique afin de préparer la prise du pouvoir par la rue et les urnes. » (…)