Gaétan Barrette est entré au ministère de la Santé comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Dans son esprit, un ministre est là pour «ministrer» et il «ministre», quitte à casser de la vaisselle au passage. La crise politico-administrative suscitée par les démissions fracassantes du directeur du CHUM, Jacques Turgeon, qui se plaint d’une ingérence indue du ministre dans le processus de nomination du directeur de la chirurgie, suivie de celle du président du CA, Jean-Claude Deschênes, est une bonne illustration des risques de la «méthode Barrette».
Le ministre n’avait rien au départ contre M. Turgeon personnellement. Au contraire, il appréciait son travail et il avait l’intention de le reconduire dans ses fonctions. Ces deux vieilles connaissances sont aux antipodes toutefois dans leur mode de fonctionnement. Gaétan Barrette est un bulldozer; Jacques Turgeon croit plutôt en l’académisme en gestion, c’est-à-dire les décisions prises en comités, les revues par les pairs, etc.
Des guerres de clans sont entretenues au CHUM comme dans tous les hôpitaux du Québec. Le déménagement aura lieu dans un an. Des arbitrages houleux sont à prévoir : qui déménagera et qui restera dans les anciennes installations? Comment se feront les fusions d’effectifs et le partage des ressources?
Le poste de directeur de la chirurgie était soumis à la révision. Dans les circonstances, le ministre Barrette préconisait un prolongement du mandat de l’actuel titulaire. La direction générale avait déjà choisi son remplaçant.
Gaétan Barrette a mis son pied à terre, à titre de ministre. Jacques Turgeon y a vu un désaveu, il a accusé le ministre sur la place publique d’abus de pouvoir, d’ingérence inacceptable et même de népotisme, en favorisant un ami, ce qui est une infraction grave en politique.
La main tendue
Gaétan Barrette a tenté une réconciliation vendredi matin dans un grand moment de télévision sur les ondes de LCN, quand les animateurs ont forcé les deux hommes, amicalement à tu et à toi, à discuter de leur litige. Habituellement cassant, Gaétan Barrette a tendu la main à M. Turgeon l’invitant à revenir sur sa décision. M. Turgeon a alors accepté de la reconsidérer.
Quelques heures plus tard cependant, il indiquait qu’il la maintenait, en refusant de dire qu’elle était irréversible. Il a plutôt répondu qu’elle était réfléchie. S’il souhaitait prolonger ce bras de fer, Philippe Couillard l’a rendue irrévocable.
La loi 10
Il faut s’attendre à d’autres épreuves de force du genre parce que l’objectif de la loi 10 que Gaétan Barrette a fait adopter au début de février est précisément de redonner au ministre le contrôle sur les agences et les directions d’établissement, notamment par un large pouvoir de nomination. Fidèle à son personnage, M. Barrette exerce ses pouvoirs dans toute leur étendue. Le ministre n’est-il pas là pour «ministrer»? Deux philosophies de gestion s’affrontent.
Une reprise du contrôle du réseau était souhaitable. M. Barrette a un solide appui du premier ministre. Il devra toutefois se méfier de lui-même. Il ne pourra pas déstabiliser dangereusement les institutions à la chaîne et multiplier les crises politiques.
Il doit se réserver pour les grands enjeux comme le projet de loi 20 sur la productivité des médecins.
*****
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé