La Loi antiterroriste n’a pas fini de soulever l’opposition. Deux organismes de défense des libertés civiles contesteront devant la Cour supérieure de l’Ontario la constitutionnalité de certaines de ses dispositions. Ils espèrent en faire un enjeu électoral.
Appelée C-51 jusqu’à son adoption en mai dernier, la loi se traduirait « par la censure, par une atteinte à la liberté d’expression, tout en exposant à des abus de pouvoirs », selon Tom Henheffer. Le directeur général de Journalistes canadiens pour la liberté d’expression affirme sans détour qu’elle doit être abolie.
L’Association canadienne des libertés civiles dépose conjointement cette première contestation judiciaire. Dans le communiqué envoyé par les deux organismes, sa directrice générale et avocate, Sukanya Pillay, estime que la loi ne crée pas assez de mécanismes de reddition de compte.
Ils soutiennent que certains articles de cette loi déposée par le gouvernement conservateur violent la Charte canadienne des droits et libertés au-delà de la fameuse « disposition dérogatoire ». Le premier article de la Charte prévoit en effet que les droits et libertés ne peuvent être restreints que dans des limites « raisonnables » justifiables dans le cadre « d’une société libre et démocratique ». Ces deux organismes estiment que les conditions ne sont pas remplies dans le cas en présence.
Inquiétudes à la GRC
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) s’inquiète des nouveaux pouvoirs du SCRS. La Loi antiterroriste 2015 accorde en effet au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) la capacité de déjouer activement toute menace à la sécurité nationale, notamment en se mêlant aux sites extrémistes sur Internet, en déroutant des cargaisons illicites ou en participant à des stratagèmes divers. Son rôle s’étend maintenant au-delà de la cueillette d’informations sur de présumés complots terroristes.
Dans une note interne obtenue par La Presse canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, le sous-commissaire de la police fédérale, Mike Cabana, écrit que la loi pourrait nuire à ses enquêtes policières à l’étranger. Ces pouvoirs « mettent en péril par inadvertance des liens » que la GRC a tissés avec des collaborateurs, y lit-on.
C-51 accroît aussi les échanges d’informations entre les différentes agences fédérales responsables de la sécurité, élargit les pouvoirs de la liste d’interdiction de vol et crée une nouvelle infraction criminelle : encourager quelqu’un à commettre un attentat terroriste. La nouvelle loi prévoit aussi qu’il sera plus facile pour la Gendarmerie royale du Canada d’obtenir d’un suspect un « engagement de ne pas troubler l’ordre public », qui restreint ses mouvements et prolonge la durée d’une éventuelle détention préventive.
Critiques ravivées
Les partis d’opposition à Ottawa ont également profité de cette sortie pour réitérer leurs critiques à cette loi. Bien qu’il ait appuyé la Loi antiterroriste, le Parti libéral du Canada en critique le processus général d’élaboration. Par la voix de l’attaché de presse de son chef, Justin Trudeau, on déplore que le gouvernement Harper n’ait pas tenu compte des trois amendements proposés par son parti.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) avait quant à lui voté contre la Loi antiterroriste. Son chef, Thomas Mulcair, avait alors affirmé qu’il l’abrogerait advenant son élection en octobre. M. Mulcair émettait notamment la préoccupation d’une définition trop large de ce qui constitue une menace terroriste. Il avait dit craindre lors des débats que de simples protestataires puissent être visés.
Un vaste éventail d’intervenants, de l’Assemblée des Premières Nations (APN) à Amnistie internationale, avaient déjà formulé de sérieuses réserves sur le projet C-51. L’échange d’informations entre différentes agences fédérales n’offrait pas de garanties suffisantes, selon le commissaire fédéral à la vie privée. Daniel Therrien avait fait part de ses réserves sur la portée excessive en amont, mais regrettait que les conservateurs n’en aient pas tenu compte.
Le Comité des droits de l’Homme de l’ONU doit déposer son bilan sur le Canada dans les prochains jours. Le comité des Nations unies avait notamment posé des questions au gouvernement à propos des mesures antiterroristes, notamment sur l’échange d’informations avec des agences de renseignement étrangères.
Le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, a quant à lui réitéré : « Notre gouvernement appuie fermement notre loi antiterroriste. » Il considère que les mesures adoptées sont raisonnables en face de la menace « réelle » posée par le mouvement djihadiste international. « Le Canada n’en fera pas moins » que ses alliés, écrit-il dans un courriel au Devoir. M. Blaney considère avoir donné aux forces de police les « outils dont ils ont besoin afin de protéger les Canadiens contre la menace terroriste qui est en constante évolution ».
ONTARIO
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