Selon une étude publiée la semaine dernière par le Fraser Institute, la famille canadienne moyenne consacre une plus grande part de ses revenus à payer des taxes et impôts qu’à l’achat de biens essentiels, et l’écart s’accroît dans le temps. Surprise ? Pas du tout !
Le Fraser Institute est bien connu des médias, qu’il alimente chaque année de dizaines d’études au vernis scientifique débouchant sur une même conclusion attachée au texte comme un grelot au cou d’une vache : les gouvernements prennent trop de place et coûtent trop cher !
L’organisme qui se dit indépendant parce qu’il ne reçoit pas de subventions dispose quand même de beaucoup d’argent dont il refuse de divulguer l’origine. Ce qu’on sait toutefois, c’est que tous ces dons sont admissibles à des crédits d’impôt puisque l’institut s’est fait reconnaître comme organisme d’éducation populaire par Ottawa.
Cela dit, parce que les sujets traités ont beaucoup d’écho dans la presse, certaines de ces études méritent parfois d’être commentées. C’est le cas de l’Indice de taxation du consommateur rendu public la semaine dernière.
Selon son auteur, Charles Lammam, la famille canadienne moyenne a vu la part de ses revenus totaux consacrée aux taxes et impôts passer de 33,5 % à 42,1 % depuis 1961 alors que la part dévolue à l’achat des trois biens essentiels, soit la nourriture, les vêtements et le logement, a chuté de 56,5 % à 36,6 %. Sous-entendu : les gouvernements sont de plus en plus voraces et nous coûtent plus cher que ce que nous consacrons aux biens essentiels qui, eux, sont fournis par l’entreprise privée.
Allons-y voir. D’abord, les dépenses. En cinquante ans, le panier de consommation des ménages en pays développés a beaucoup évolué. À mesure que les revenus augmentaient, la part consacrée aux besoins de base diminuait. La technologie et le commerce international expliquent ce phénomène.
De même en est-il des vêtements, qui coûtent moins cher en proportion du salaire qu’au début des années 60, et même des années 90. C’est aussi le cas d’une foule de biens de consommation considérés comme des objets de luxe à l’époque, tels les électroménagers, l’électronique et même l’automobile.
Quant au logement, si les ménages y consacrent encore une bonne partie de leurs revenus, c’est que les coûts de construction qui incluent une forte proportion de salaires ont suivi la hausse dans l’ensemble de la société.
En somme, il n’y a rien de surprenant à ce que, ensemble, ces trois biens essentiels occupent une part moins importante des dépenses de la famille d’aujourd’hui.
Passons aux taxes et impôts que l’étude accuse d’occuper une fraction de plus en plus importante des revenus depuis 50 ans. Les raisons sont nombreuses et connues, mais rappelons-en quelques-unes.
Reconnaissons d’abord que l’État rend une quantité de services beaucoup plus vaste qu’à l’époque. En 1961, les religieux dirigeaient les écoles et y enseignaient. Il n’y avait ni garderies ni maternelles, les seuls collèges étaient privés et ne recevaient que quelques centaines d’élèves par région, l’université coûtait le plein prix et les jeunes n’avaient droit à aucune aide publique.
En santé, il fallait payer pour voir un médecin et fréquenter l’hôpital. On utilisait peu de médicaments, on soignait moins de maladies graves et la technologie était réduite à sa plus simple expression.
Cela a un prix, tout comme les attentes que nous avons à l’endroit des gouvernements pour la protection de l’environnement, l’inspection des aliments, la recherche scientifique, la sécurité publique, les transports collectifs…
De plus, contrairement aux biens qu’on peut importer ou produire à moindre coût grâce aux gains de productivité, le coût des services publics suit nécessairement l’augmentation des salaires et des prix du reste de la société.
Par ailleurs, une partie des taxes et impôts qu’on paie de nos jours constitue une forme d’épargne ou d’assurance. On pense au régime des rentes et aux diverses assurances publiques : assurance-emploi, assurance parentale, assurance médicaments et même assurance automobile…
Un indice de taxation qui fournirait un portrait scientifique de l’évolution des coûts des services publics offerts en fonction de la quantité et de la qualité aurait son utilité. Malheureusement, celui du Fraser Institute n’est que propagande au service d’une cause, toujours la même.
TAXATION
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