Le site de Radio-Canada nous proposait récemment un reportage sur les lecteurs sensibles, qu’on retrouve de plus en plus dans nos maisons d’édition.
Lecteurs sensibles ? C’est le terme trouvé pour traduire sensitivity readers.
On parle ici de ces nouveaux commissaires politiques à l’américaine qui prétendent relire les livres pour dénicher dans le texte les propos et les « préjugés » qui pourraient heurter certaines catégories de la population, ou du moins, ceux qui prétendent parler pour elles.
Censure
Traduisons : nous sommes devant des censeurs qui devront polir les livres pour les rendre idéologiquement compatibles avec la pensée médiatiquement dominante et le culte des « minorités », car c’est de cela qu’il est question. Et on en trouve pour dire que le wokisme n’existe pas !
C’est le retour des romans édifiants de jadis et de la littérature soviétique.
Mais la question se pose tout de suite : est-ce que la littérature a pour fonction de servir une idéologie, quelle qu’elle soit ? N’a-t-elle pas pour vocation d’explorer le réel et ses zones d’ombre ? N’a-t-elle pas pour vocation de heurter nos certitudes, même quand ces certitudes sont estampillées du label progressiste ?
Encore plus frappant, dans ce reportage de Radio-Canada : bien des écrivains se soumettent avec joie à cette forme de contrôle idéologique.
À tout le moins, c’est ce qu’ils disent quand on leur tend un micro sous le nez et qu’on dévoile leur identité. Car j’en connais d’autres qui, en privé, avouent que ce système auquel ils se soumettent les étouffe.
Littérature
Mais voilà ! Il faut conserver sa bonne réputation chez les grands prêtres du petit milieu littéraire, qui font et défont les réputations, qui décident de l’allocation des bourses et des subventions.
Le résultat est navrant : notre littérature deviendra un tract de propagande au service des causes à la mode et de ceux qui font carrière à construire des tabous. Bravo !