La honte

Par Louis Horvath

Géopolitique — Proche-Orient


Monsieur Harper,

Les mots me manquent pour exprimer ma très grande déception face à votre position sur la guerre au Liban. Cette position est d'autant plus décevante qu'elle va à l'encontre de la philosophie annoncée du Canada - un pays qui s'est toujours présenté comme pacifique et neutre, affable et prêt à aider.
Je peine d'ailleurs à comprendre comment vous pouvez vous opposer à l'opinion de tant de canadiens, sidérés que le Canada n'exige pas un cessez-le-feu au nom de la paix! Sidérés que le Canada ne s'insurge pas contre chaque massacre et chaque perte inutile de vie humaine! Avez-vous pris votre majorité pour une carte blanche? Un gouvernement minoritaire a-t-il le droit moral d'ignorer ainsi la volonté de la population?

En quelques jours, l'image du Canada à l'étranger est d'ailleurs devenue aussi fausse que toutes les autres images et que tout le marketing qui l'entoure. Les canadiens sont devenus des menteurs au même titre que beaucoup d'autres nations - beaucoup de beaux discours et de belles paroles mais sans les gestes qui y sont associés. Maintenant les canadiens qui visiteront à l'étranger ne seront plus accueillis comme amis, ils seront reçus comme des profiteurs - des gens qui profitent du labeur des pays pauvres mais restent sourds à leur cri du cœur. Ils passeront également comme des hypocrites, qui prêchent la paix mais qui abandonnent les victimes à leur sort aussitôt que leur confort est mis en péril ou qu'on leur demande d'appeler un chat, un chat.

Non, vraiment ma déception est totale et profonde. Elle devient même du dégoût.

Du dégoût quand je réalise le véritable coût de la résolution du conflit sur le bois d'œuvre. Une entente qui allait nous coûter des milliards en armement et l'importation de l'hystérie terroriste étasunienne. Une entente qui comme beaucoup d'autres ententes avec notre voisin ne profiteront jamais aux canadiens. Une entente qui a sûrement coûté aux provinces l'argent nécessaire pour construire écoles et hôpitaux et faire ce qu'un bon gouvernement doit faire - s'occuper de ses citoyens. Une entente qui transforme un pays négociateur en force militaire, sans lui demander ce qu'il en pense.

Je suis encore sous le choc. Mon gouvernement qui prend partie pour un pays qui agresse et charcute des civils impunément (depuis longtemps!). Qui fait des excuses pour un régime incompatible avec la vision canadienne du monde. Mon gouvernement qui se souille les mains de victimes innocentes et annonce qu'il n'y a pas de quoi demander une trêve. Mon gouvernement qui participe à l'anéantissement de la convention de Genève en ne la défendant pas. Entre votre position et celle de Madeleine Albright qui annonçait que la mort de 500,000 enfants Iraquiens en valait la peine, je ne sais pas laquelle est plus abominable.

J'avais grand espoir que mon gouvernement sorte publiquement et brise le dos de cette guerre immonde et qu'il vilipende ceux qui l'entretiennent. J'avais grand espoir que vous trouviez le courage de faire un grand geste pour la paix - telle que désirée par la majorité des canadiens - plutôt que de nous faire passer pour un 51e état. J'avais grand espoir que mon gouvernement arrête l'hypocrisie des pays qui ont peur de déplaire à Georges Bush et Tony Blair et qui fondent en excuses quand vient le temps de sauver véritablement des vies.

Êtes-vous au moins capable d'admettre la réalité de la souffrance au Liban, en Palestine, en Iraq, en Afghanistan et dans tous ces pays où on y chasse le terrorisme? Êtes-vous au moins capable d'admettre qu'il n'y a pas de vie humaine qui soit plus importante qu'une autre, peu importe son sexe, sa nationalité et sa croyance? Combien de boucheries avant que vous ne révisiez votre stratégie? Combien d'enfants, de mères et de pères calcinés avant que vous ne changiez d'opinion? Qui fait le plus de morts? Le terrorisme ou la guerre qu'on lui mène? Qui fait le plus de morts? La révolte des gens sans espoir ou notre obstination à ne pas admettre qu'on tire un profit de leur asservissement?

Les mots me manquent et j'ai honte ... de la lâcheté de mon gouvernement.


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