Ah! Ces fameux papiers commerciaux adossés à des actifs. Ces fameux PCAA, comme on les nomme. Oui, ils font des ravages. Leur déconfiture a provoqué une onde de choc ressentie sur tous les continents. Une onde commencée depuis maintenant trois mois et dont les secousses ébranlent encore les grandes institutions financières de ce monde.
Cette onde de choc a pour épicentre les États-Unis, plus particulièrement la Floride et la Californie. C'est là que, vraisemblablement, la bulle immobilière a éclaté. Cette bulle a été alimentée par un laxisme évident des institutions prêteuses qui offraient des hypothèques aux termes si flexibles (période d'amortissement de 40 ans, paiements des intérêts sans remboursement de capital, taux d'intérêt très bas, etc.) que les plus pauvres ont cru un moment pouvoir réaliser le grand rêve américain, celui d'être propriétaire de leur petit bungalow. Un petit bungalow au prix de vente enflé pouvant atteindre souvent 500 000 $US et plus.
La réalisation de ce grand rêve n'aura cependant duré qu'un court moment. Ils sont maintenant des centaines de milliers à remettre les clés de leur nid d'amour aux créanciers. Quant à la valeur marchande des maisons, elle dégringole à vive allure. Tellement que John Stumpf, le président de la Wells Fargo, une grande banque américaine, n'a pas hésité à brandir la semaine dernière devant la presse le spectre de la Grande Dépression. «Jamais n'a-t-on vu une telle dégringolade des prix des maisons à la grandeur du pays depuis 1929, l'année de la Grande Dépression», a-t-il lancé. D'emblée, son institution devra radier de ses livres plusieurs milliards en mauvais prêts.
La Citigroup, la plus importante banque américaine, après une charge spéciale de 1,6 milliard $US prise au troisième trimestre, pourrait devoir en prendre une autre gigantesque de 11 milliards à son quatrième trimestre.
Le courtier américain Merrill Lynch aura radié à la fin de l'année près de huit milliards de ses portefeuilles de prêts. Bank of America, la seconde en importance, entend dévaluer son portefeuille de prêts à la hauteur de trois milliards. La banque d'investissement JP Morgan a radié trois milliards de son portefeuille de prêts au troisième trimestre. La banque Wachovia, la cinquième en importance, devra radier des mauvais prêts de l'ordre de 1,1 milliard.
Sombre tableau également en Europe. Les banques anglaises Barclay's et Royal Bank of Scotland seraient exposées à des radiations totalisant 12 milliards. Auparavant, les banques UBS, Crédit Suisse, Deustche Bank et HSBC ont dévalué leur portefeuille de prêts de 4,7, 2,0, 3,2 et 3,3 milliards respectivement.
Une fois l'onde de choc terminée, on estime que les dégâts se chiffreront à près de 400 milliards. Un gros chiffre, certes. Mais il faut ici relativiser les choses. Avec des profits de 7 à 20 milliards par année, les grandes banques américaines peuvent encaisser le coup. Idem pour les grandes institutions européennes.
Toujours pour relativiser les choses, la débâcle des Savings & Loans survenue à la fin des années 1980 à la suite de l'éclatement de la bulle immobilière (une autre!) avait causé des dégâts de l'ordre de 600 milliards, et ce, seulement aux États-Unis. Une perte de 600 milliards en 1989 concentrée aux États-Unis est autrement plus imposante qu'une perte de 400 milliards en 2007 disséminée sur deux continents.
Ici, au Canada, la crise des PCAA a cela de très particulier: il s'agit surtout d'une filière de la haute finance francophone. Les grandes banques canadiennes anglophones ont dévoilé les radiations qu'elles entendent inscrire au quatrième trimestre à propos des PCAA. À part la CIBC, il n'y a pas là de quoi fouetter un chat.
Par contre, nos grandes institutions québécoises sont davantage impliquées. À commencer par le bas de laine québécois qu'est la Caisse de dépôt et placement. Elle aurait entre 13 et 20 milliards de dollars investis dans ces fameux PCAA. La Banque Nationale et le Mouvement Desjardins auraient chacun deux milliards de dollars environ bloqués dans ces papiers commerciaux. De nombreuses entreprises québécoises voient une part importante de leur encaisse compromise par ces papiers commerciaux. C'est le cas de Groupe Jean Coutu, Transat, Industrielle Alliance, Coopérative financière agricole, etc. La Société générale de financement a pour plus de 130 millions coincé dans ces papiers commerciaux.
C'est un dur coup. À regarder l'action de Garda World, un jeune succès québécois, se faire malmener par les fonds de couvertures, celle de Quebecor World fondre comme neige au soleil parce qu'elle entend émettre des actions ou celle de la Bourse de Montréal reculer alors que celle de sa rivale TSX Group grimpe, c'est à croire que la haute finance québécoise est en panne sèche. Pourtant, nos institutions gèrent un réservoir de capitaux crucial au développement de nos entreprises surtout lorsque le contexte boursier se corse. Car en de telles périodes, ce sont nos institutions qui doivent assurer aux entreprises québécoises l'accès au marché des capitaux à des conditions décentes. Il ne faut pas trop compter sur Bay Street pour le faire.
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